Josep Llados Tarrago était le deuxième enfant sur trois d’une famille de petits paysans propriétaires d’Alcarras. En 1935 il avait adhéré à la CNT dans les circonstances suivantes : « Au village, sans que je le sache, il existait un syndicat de la Confédération nationale du travail. Il était constitué d’un groupe de jeunes impatients de 20 à 40 ans. Comme on se connaissait tous à Alcarràs à cette époque, l’un d’entre eux me contacta et m’invita à aller au syndicat. On y trouvait des livres, des revues et autres lectures, mais pas d’alcool, et les fumeurs étaient quasi inexistants. Je me rendis compte que l’ambiance y était plus saine que dans une taverne ou un café. Je me rendis à ce syndicat un soir que je ne savais pas où aller sans que ça me coûte un centime. Ceux qui étaient présents m’accueillirent aimablement et me dirent : « Regarde ! Sur la table il y a des journaux, des revues et des livres ! » En les parcourant avec curiosité, je trouvai dans une revue un article qui traitait de sexualité. J’y appris combien de maladies on pouvait attraper en fréquentant les maisons closes. Cet article que je lus a compté pour toute ma vie, et je n’ai donc plus jamais eu de relations avec cette classe de personnes.
À cette époque, il y avait beaucoup de cafés et encore plus de tavernes. Je n’ai jamais entendu parler de bibliothèque ! Ce que j’ai appris au syndicat, sans que personne ne m’y oblige, m’a suivi toute
ma vie. C’était l’action culturelle anarcho-syndicaliste partout où la CNT était présente. Ce qui n’empêchait pas ses adversaires de toujours la critiquer. Au contraire des tavernes et des cafés où la fumée
et l’alcool produisaient une atmosphère irrespirable, au syndicat j’étais dans un lieu sain où je pouvais lire et apprendre ce que j’ignorais.Je pris alors la carte de la CNT et elle ne m’a plus jamais quitté ».
À la fin de septembre 1936, à 16 ans et demi, il rejoignit la 11e centurie de la colonne Durruti, près d’Osera où il assura principalement des gardes. Après un passage au monte Alfajarín, sa centurie retourna à Osera, face à Villafranca. Il quitta la colonne au moment de la militarisation et rentra à Alcarràs où il fut nommé secrétaire des Jeunesses Libertaires (FIJL). En avril 1938, à l’appel de sa
Classe sous les drapeaux, il rejoignit Barcelone où il fut incorporé dans la caserne Karl Marx puis affecté à la 104e brigade, 15e bataillon, 2e compagnie, 2e section de la 31e division commandée par Manuel Trueba Mirones. Le 25 août 1938, Josep Llados participait à la bataille de San Cornelio en guise de baptême du feu, et fit partie des quatre survivants de son groupe : le militant libertaire Bruno Salvadori Antoine Gimenez raconte dans ses souvenirs comment les Jeunesses libertaires
sous commandement communiste étaient traitées comme chair à canon dans les batailles.D’ailleurs à l’arrière, les Jeunesses libertaires imprimaient des tracts pour encourager les militants à la discrétion quant à leur appartenance politique au moment de leur incorporation, les avertissant que la plupart des officiers communistes envoyaient les anarchistes en première ligne.
Lors de la Retirada, Josep Llados était entré en France par Prats-de-Mollo. Interné au camp n° 1 d’Agde puis à Saint-Cyprien jusqu’en décembre 1939, il fut affecté à la 684e compagnie de travailleurs étrangers cantonnée en Haute-Vienne, jusqu’à la défaite française. Sa CTE se replia alors sur Bergerac, en Dordogne. On l’affecta entre autres au service de fermiers des alentours, puis des Allemands lorsque ces derniers ouvrirent une école d’aviation sur l’aérodrome de Roumanières en 1942. En 1944 il entra en contact avec le groupe Alexandrie de la Résistance et devint responsable de la garde de prisonniers russes, allemands et polonais.
Après une formation professionnelle reçue en 1947, Josep Llados s’installa définitivement en Dordogne où il se se maria et élèva six enfants. Ouvrier plâtrier jusqu’en 1967, il s’établira comme artisan jusqu’à sa retraite en 1985.
Oeuvres : — Mémoires et entretiens avec F. Allemany, 2005