Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

ANTOINE, Michel “LUX”, “LEVIEUX”, “N’IMPORTE QUI” ; “IXE”

Né à Paris le 6 avril 1858 — mort le 8 décembre 1929 — Horticulteur — Paris — Londres — Bruxelles — Nice (Alpes-Maritimes)
Article mis en ligne le 27 novembre 2007
dernière modification le 1er novembre 2024

par R.D.

Né le 6 avril 1858 à Paris, fils du brocanteur Jean Baptiste et de Marie Meillorat, sans profession, Michel Antoine, militant très connu dans le mouvement anarchiste, vécut toujours dans une semi-clandestinité. Lux n’était qu’un de ses innombrables pseudonymes. Farouche partisan de l’anonymat, il fréquentait en 1886 le Cercle international qui se réunissait salle Aurel, rue Aumaire à Paris 3e, où il était connu sous le nom de N’importe qui ou parfois Quelconque.

En 1879 il avait déserté du 65e Régiment de ligne après 4 mois de services et s’était caché alors sous le nom de Vignon avant de se réfugier en Angleterre, où il fut en rapport avec Lucien Guérineau, puis en Belgique. A propos du service militaire, il avait écrit : « L’anarchiste peut-il, doit-il consentir à devenir un outil de meurtre ? Pour moi je réponds : non, et rajoute que tout individu tant soit peu civilisé, instruit et initié au progrès des idées modernes, qui consent à jouer le rôle infâme et anachronique de soldat, n’est pas un homme dans le sens élevé qu’on doit donner à ce mot. Ce n’est qu’un vil esclave, une sale brute, et tous les sophismes n’y pourront rien changer ».

De retour en France, il accompagnait régulièrement Louise Michel lors de ses conférences dans le quartier de Charonne où, selon la police, « il diffusait à profusion des brochures et écrits anarchistes ». Il fut arrêté le 19 juin 1889, condamné à 2 ans par le Conseil de guerre, mais bénéficia trois mois plus tard d’une amnistie qui lui permit d’être libéré de la prison de Nîmes et de reprendre sa propagande. Il s’installa à Paris où il ouvrit un commerce de fleurs 38 rue de Fontarabie (Paris 20e) qui servit de lieu de réunion et fut, semble-t-il fréquenté entre autres par Ravachol et Émile Henry. Il était également en relations suivies avec Fortuné Henry qu’il allait souvent visiter à Brévannes.

Il fréquenta plus tard le Groupe des travailleurs communistes-anarchistes du XXe arrondissement Les Egaux et donna quelques articles à La Révolte de Jean Grave. Il fut en particulier l’auteur de l’article “Viande à mitraille » où, à propos du massacre de Fourmies le 1er mai 1891, il écrivait : « A Fourmies, les fusils Lebel ont fait merveille… Nous savons que la boucherie a été parfaite… les blessures faites par le Lebel sont épouvantables, une balle après avoir tué deux jeunes filles, est allée blesser un homme à la cuisse. Quant aux victimes, on les plaint pour la forme et l’on garde ses sympathies pour les gendarmes et soldats assassins… dignes en tout point de la Légion d’honneur…à notre époque on trouve des gens assez niais pour se laisser coller un fusil entre les bras… assez lâches pour s’en servir au gré et aux caprices de la crapulerie galonnée qui les commande… C’est une gloire que d’être déserteur. C’est un acte de courage dont sont incapables les lâches qui sur l’ordre d’un galonné alcoolique ont consenti à tirer sur femmes et enfants. Le déserteur c’est l’homme qui refuse l’esclavage de la discipline. Peuple ! Viande à mitraille !  » (cf. La Révolte, 16 mai 1891). Cet article vaudra 6 mois de prison et 100fr d’amende à Jean Grave qui avait refusé de révéler le nom de l’auteur et qui plus tard, dans son roman à clef “Malfaiteurs”, l’appellera Quelconque et le décrira ainsi : « de grande taille, de 28 à 30 ans, le visage coupé d’une fine moustache noire, correctement habillé mais ayant dans les manières quelque chose du chat, du prêtre et de la jeune fille ! L’homme le plus paradoxal ». il demeurait à cette époque au 119 rue de Bagnolet.

En 1894 il était arboriculteur et, selon la presse, avait une toute petite maison « avec un terrain de 1.500 mètres où il avait installé six serres fort bien aménagées et bien fournies. Il avait là pour plus de 10.000 francs de marchandises » (cf. Le Figaro).

Les nombreuses perquisitions des années 1893-1894 (1er janvier, 27 février, 1er et 5 juillet 1894) le décidèrent à vivre en marge de la société. Lors d’une de ces perquisitions le 1er janvier 1894 la police avait saisi « divers numéros de La Revue anarchiste, de L’Aitonomie Individuelle, de L’Attaque, de L’En-Dehors, de La Révolte, de La Revue Libertaire, du Père Peinard », de nombreux livres et un recueil de Chants et poésies révolutionnaires. Lux, qui habitait 10 rue de Paris à Vincennes, se livra alors avec deux autres compagnons à la fabrication de la fausse-monnaie. La police mit fin à cette activité en 1895. Un compagnon témoignera plus tard : « …un matin qu’il se rendait à l’atelier de fabrication le compagnon N’importe qui n’aperçoit pas le signal de sécurité, immédiatement il regagne son logement près du fort de Vincennes ; il en voit sortir deux hommes qui sautent dans un tramway et la concierge l’avertit qu’un Monsieur vient de le mander. Un des membres de l’association, Étienne Requet, avait été arrêté ; deux personnes seulement savaient son adresse et il supposa que Requet, pour faire cesser les tortures que dut lui infliger la police, avait donné des renseignements. Néanmoins il assista pécunièrement son jeune camarade et d’autre part assura l’existence du troisième associé qu’il emmena se cacher avec lui dans le quartier des buttes-Chaumont » (cf. La Revue anarchiste, janvier 1930). Étienne Requet, fut condamné aux travaux forcés à perpétuité et déporté en Guyane où il décéda de dyssentrie avant qu’une tentative d’évasion organisée par Lux puisse être menée à bien. Condamné par contumace le 22 mars 1900 aux travaux forcés à perpétuité par la Cour d’Assises de la Seine, M. Antoine, plus anonyme que jamais partit pour la province où il montera une affaire, qui revendue plus tard, lui assurera son indépendance économique. Il avait été inscrit à l’état vert n°1 des anarchistes disparus et/ou nomades avec la mention “à arrêter en cas de découverte”.

Au début du 20e siècle il collabora à L’Ennemi du Peuple(Paris, 29 numéros du 1er août 1903 au 15 octobre 1904) publié par Émile Janvion. Mais Antoine soutint pécunièrement et collabora surtout à l’Anarchie (Paris-Robinson, avril 1905-30 juillet 1914) fondée par Libertad et utilisa alors les pseudonymes de Levieux, Ego, X, etc.

Pendant la Première Guerre mondiale, Lux aurait aidé plusieurs soldats à déserter. Il semble s’être installé à Nice (6 rue Blanqui et Avenue Theresa au Palais Windsor) autour des années vingt. Sous les pseudonymes de Lux, Lejeune, A. Vérité, Ixe, il collabora alors au Libertaire, à la Vie anarchiste de G. Butaud, aux Vagabonds Individualistes libertaires (Lyon 1916-1922 puis 1922-1924) édité par Paul Bergeron, à Terre libre (Marseille, 10 numéros du 20 juin au 5 novembre 1922) publié par André Viaud, au Semeur de Normandie (Caen-Falaise, 1923-1936) publié par Alphonse Barbé ainsi qu’à la seconde série de l’Anarchie (Paris) que Louis Louvet fit paraître du 21 avril 1926 à avril 1929 (52 numéros). Il fonda lui-même, en 1923, un petit périodique intitulé le Réaliste (Nice trois numéros parus du 17 décembre 1923 au 15 février 1924) dans lequel il fustigeait vivement tous ceux qui exploitèrent la mort du jeune Philippe Daudet, qu’il s’agisse aussi bien de l’Action française que du Libertaire : « C’est bien dans les deux bandes d’aliénés qui dirigent l’Action Française et le Libertaire, qu’il faut chercher les assasins de ce pauvre gamin » (cf. n°1). Dans les dernières années de sa vie il collabora également à L’Ennemi du peuple esclave (Paris, 3 numéros de novembre 1928 à janvier 1929) édité par Louis Louvet comme supplément à L’Anarchie ainsi qu’au premiers numéro de la Revue anarchiste (Paris, décembre 1929 — avril 1936) publié par Chauvin.

Michel Antoine s’était souvent montré très polémique envers certains compagnons (voir notamment “réponse à un calomniateur” in Le Libertaire, 5 & 12 mai 1922). Ainsi, à propos de Maurice Vandhamme Mauricius qui avait édité en 1922 le journal Cupidon favorable à l’amour libre, il écrivait : « Ce n’est pas moi… qui ai lancé ce petit journal pornographique, d’un si joli nom, où l’on réédite tout ce qu’on peut des oeivres du divin marquis. Ce n’est pas moi… qui pour émoustiller les lecteurs, publie dans une feuille soi-disant anarchiste, un roman feuilleton interminable, où toutes les aberrations sexuelles de l’humanité, depuis les temps légendaires jusqu’à nos jours, sont complaisamment passées en revue. Ce n’est pas moi… qui tend à ravaler l’homme aux proportions d’un pénis et la femme à celles d’un vagin. Non ce n’est pas moi qui ai élevé un autel… que dis-je, un comptoir à la sexualité révolutionnaire pour en faire mon gagne-pain ». (cf. Le Semeur, 10 septembre 1925).

La mort à Nice le 8 décembre 1929 de celui qu’E. Gegout et C. Malato appelaient dans “Prison fin de siècle« Le Juvénal de l’anarchie fut seulement signalée dans La Revue anarchiste (n° 2, janvier 1930) par un article anonyme intitulé : « Un homme est parti ».

Michel Antoine avait vécu à Nice sous l’identité de Pierre Maestrini, né le 16 Février 1854 à Audio (Suisse). Ce n’est qu’après sa mort qu’un jugement du tribunal de première instance des Alpes-Maritimes, rectifiera sa véritable identité.

OEUVRE : — Levieux “Hommes libres… Policiers, magistrats” (Éd. de l’Anarchie, Paris, 1912, 16 p.) ; — L’Outil de meurtre (Éd. de l’Anarchie, Romainville, 1910) ; — Lux “Parasitisme social, les morts glorieux” (Éd. La brochure mensuelle, Paris, 1925, 26 p.) ; — L’instinct de conservation, vive la vie (Éd. La brochure mensuelle, Paris, 1926, 21 p.) ; — Le militarisme (Éd. La brochure mensuelle, Paris, 1929, 4 p.) ; — Travail et capital (Éd. La Brochure mensuelle, Paris, 1929, 27 p.).


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