Orphelin de bonne heure, Urbain Degoulet fut recueilli et adopté par un nommé Gohier, dont il prit le nom. Après de brillantes études secondaires, il obtint une licence ès lettres et une licence en droit. Il se lança alors dans le journalisme et, en 1884, entra comme rédacteur parlementaire au journal Le Soleil.
Quand L’Aurore fut fondée, Gohier, appelé par Vaughan, en devint l’un des principaux collaborateurs. Partisan fougueux de Dreyfus, il comparut en cour d’assises pour son livre “l’Armée contre la Nation” ; il fut acquitté. Lorsque Clemenceau eut abandonné L’Aurore, Gohier continua sa campagne antimilitariste, mais le journal fut vendu et Gohier congédié.
En février 1903 il avait fondé une gazette hebdomadaire, Le Vieux Cordelier (Paris) qui n’eut que deux numéros (21 & 28 février), dont il était le principal rédacteur avec B. Guinaudeau et dont l’ensemble des articles étaient axés sur l’anticléricalisme, l’antimilitarisme et l’antiparlementarisme. A l’automne 1903, à l’enquête sur “la décadence de l’anarchisme” lancée par Jean Marestan dans les colonnes du Libertaire, il avait notamment répondu : « [l’anarchisme] a fait une besoggne précieuse jusqu’ici. Il pourrait en accomplir une plus vaste encore si les “militants” libertaires renonçaient au jargon philosophique, aux rivalités de boutique, aux conflits de vanités concurrentes et condescendaient à gagner la foule au lieu de l’étonner » (cf. Le Libertaire, 20 novembre 1903).
Dans l’Yonne, cette même année, il fut poursuivi avec Hervé et acquitté après plaidoirie de Briand. L’année suivante, il rédigeait à lui seul Le Cri de Paris. En décembre 1905, impliqué dans le procès intenté aux dirigeants de l’AIA (Association Internationale Antimilitariste) dont G. Yvetot pour l’Affiche Rouge (voir Sadrin), un appel lancé aux jeunes soldats, il fut condamné à un an de prison et 100 f d’amende et incarcéré à la Santé ; il collaborait alors au Libertaire. Il fut remis en liberté fin juin 1906 avec Desplanques, Castagné, Merle, Chanvin, Mouton, Clément, Dubéros, Pataud, Bosche, Bontemps, Laporte, Nicolet et Coulais condamnés à la même peine et tandis qu’étaient maintenus sous les verrus Almereyda, Yvetot Monneret, Hella, Sadrin, G. Hervé, Bousquet et Grandidier condamnés à de plus lourdes peines.
En 1906, Gohier entra au Matin et l’année suivante à L’Intransigeant puis à La Libre parole. Entre-temps, il s’était fait inscrire au barreau. Gohier fut violemment attaqué pour sa collaboration à ces journaux. Victor Méric prit ainsi sa défense : « … Tenez pour certain qu’à la Libre Parole comme à l’Intransigeant, à droite ou à gauche, Gohier continuera inlassablement la même besogne et se trouvera, toujours pauvre, toujours désintéressé, du même côté de la barricade » (cf. Les Hommes du jour, 6 mars 1909). Effectivement, pendant toute cette période, Gohier avait collaboré à un très grand nombre de titres de la presse libertaire francophone parmi lesquels : Almanach de la révolution pour… (Paris, 1901-1913) de Paul Delesalle, La Bataille (Namur, 1895-1902), La Brochure mensuelle, Le Cri de Révolte (Paris, 1898-1899) fondé par G. A. Bordes, L’Éducation Intégrale (1903-1904) de P. Robin, L’Éducation Libertaire (Paris, 1900-1902) revue des bibliothèques d’éducation libertaire, L’Effort (Paris, 1896-1898 & 1899-1902), L’Émancipation (Bruxelles, 1901-1902) de G. Thonar et E. Chapelier, L’En dehors (Orléans, 1922-1939) d’E. Armand, L’Ennemi du Peuple (Paris, 1903-1904) d’E. Janvion, Germinal (Bruxelles, 1901-1902), Germinal (Toulouse, 1907-1908), Germinal (Amiens, 1919-1933) de Georges Bastien, Le Grand Soir (Arras, 1911-1914), L’Homme libre (Paris, 1903-1904) de E. Girault, L’Ordre (Limoges, 1905-1907), Régénération (Paris, 1896-1908) organe de la Ligue de régénération humaine de Paul Robin, La Revue blanche (Paris, 1891-1903), Les Semailles (Paris, 1901-1902) et La Tribune Libre (Charleroi, USA, 1896-1900). Toutefois sa collaboration au journal antisémite La Libre parole et à d’autres périodiques de la même veine et dont il aurait été le directeur, lui vaudra une solide inimitié avec de nombreux compagnons dont Jean Grave, avec qui il avait eu une solide polémique à la fin des années 1890 — Grave l’accusait d’être un révolutionnaire de salon, largement rétribué par “L’Aurore —, et qui dans son roman “Les Malfaiteurs” (1903) avouera s’être « amusé à introduire Gohier sous le nom de Roguier (petite vengeance) et y raconter sa mauvaise foi » le présentant même comme un fou.
En 1923, lors du procès de Germaine Berton qui avait tué M. Plateau responsable des Camelots du roi, Gohier fut cité comme témoin par la défense de la jeune anarchiste.
En 1931, Gohier s’était retiré à Saint-Satur dans sa famille. Durant l’occupation allemande, il collabora à La France au travail. Urbain Gohier est mort à Saint-Satur (Cher) le 29 juin 1951.
OEUVRE : Nombreux ouvrages parmi lesquels nous rappelons L’Armée contre la nation, édition de 1899, Paris, XXXIII-364 p., Bibl. Nat. 8° Lb 57/12 232 A. — Plaisir des dieux.