Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

CARRON, Marie

Née vers 1868 — Ouvrière devideuse — Lyon (Rhône)
Article mis en ligne le 21 août 2023
dernière modification le 12 juillet 2024

par Dominique Petit, R.D.

Au mois de janvier 1890, Marie Carron habitait 67 quai de Scize avec Guinet, un anarchiste. Elle le quitta en janvier, lorsque celui-ci fut appelé pour son service militaire à Toulon au régiment d’infanterie de marine. Elle avait déjà eu de lui deux enfants dont l’un était décédé et l’autre en nourrice en Savoie.
Elle resta seule dans l’appartement de la rue de Scize mais en avril, elle lui écrivit pour lui dire qu’elle abandonnait son logement, ses ressources ne lui permettant pas de le conserver.
Guinet lui aurait répondu : « Remets les clés à Cadeaux et va demeurer chez la marraine de notre enfant ». Mais elle dut rentrer à l’Hospice de la Charité à ce moment, à cause d’une plaie à la jambe et remit les clés à Cadeaux.
Cadeaux se servit de son appartement pour fabriquer des matières explosibles qu’il y aurait entreposées après son départ le 22 avril.
La police découvrit la fabrique de dynamite, 67 quai Pierre-Scize au 5e étage, dans cette chambre occupée par Marie Carron.
Le dimanche 27 la police était informée par des gardiens de la paix, rapportant la rumeur publique, qu’un individu inconnu, blessé au front était passé sur le quai de Pierre-Scize, en refusant les soins qu’on lui offrait, prétextant avoir des remèdes chez lui et disant qu’il s’était brûlé en fabricant des produits chimiques.
La police fit des recherches pour retrouver l’individu au front brûlé. Son signalement répondait parfaitement à celui de Cadeaux, anarchiste arrêté le 27 avril, et ce même jour, il était sorti d’une maison quai de Pierre-Scize, où il s’y livrait à la fabrication de la dynamite.
Au fond de la chambre, on trouva différents paquets contenant du charbon pilé, du soufre, un mortier, des masques, tout un attirail servant à la fabrication de matières explosibles.
La découverte de l’appartement du quai de Scize, vit les autorités défiler sur place : le préfet du Rhône, le secrétaire général pour la police, le procureur général, le juge d’instruction.
Marie Carron fut arrêtée à l’Hospice de la Charité et transférée à l’infirmerie du dépôt.
Son domicile se trouvait au 5e, sous les toits dans une mansarde comportant deux pièces dont l’une assez grande de cinq mètres de longueur et deux de large.
Bien qu’au nom de Carron, la location était payée par Cadeaux. Le mobilier se composait d’un lit, plutôt un grabat, une commode, un poële et une malle.

Selon un rapport confidentiel de la Préfecture du Rhône au procureur de la République en date du 10 mai 1890, renseignements émanant du commissaire spécial Baraban, « la fille Carron » était la maîtresse de Cadeaux et elle aurait été parfaitement au courant des agissements des compagnons anarchistes de Lyon et de Vienne.
Une enquête effectuée par l’un des administrateurs de l’Hospice de la Charité où elle était hospitalisée en service de maternité, indiqua que les sœurs employées dans ce service avaient vu le 29 avril (Cadeaux avait été arrêté le 27), un homme se prétendant être son père venir la voir (alors que son père était décédé), cet homme était âgé d’environ 35 ans, alors qu’elle-même avait 25 ans. Il fut refoulé. Lorsque Carron l’apprit, elle ne manifesta aucun étonnement. Les sœurs remarquèrent que Carron écrivait longues lettres ; le 4 mai, elle en écrivit une de huit pages.
L’homme qui lui aurait rendu visite à l’Hospice, serait Boissy.

D’après un autre rapport de police du 14 mai 1890, Dervieux dit l’Abruti, racontait que Carron aurait fait disparaître dans la nuit qui a précédé son arrestation, un paquet assez volumineux, en le jetant dans la Saône, entre la passerelle Saint-Vincent et le pont de la Feuillée. Ce paquet aurait contenu des matières ou objets compromettants. On avait dû trouver quai Pierre Scize chez Marie Carron, des papiers brûlés, calcinés. C’était les papiers d’inscriptions des anarchistes lyonnais, les correspondances avec Paris et autres endroits, ainsi que d’autres documents importants dont Cadeaux était dépositaire.
Selon un rapport du 17 mai 1890, Marie Carron était la maîtresse de plusieurs anarchistes : Monnier, Dervieux et Vitre se seraient vantés d’avoir contribué à la mettre enceinte.

La presse dressa un tout autre portrait de Marie Carron, d’après le Lyon républicain, elle déclara que son amant était Guinet, Cadeaux venait simplement rendre visite à Guinet qui était son ami, elle n’était pas au courant de la fabrication de dynamite. La presse lyonnaise rendit compte de son interrogatoire devant le juge d’instruction mais n’évoqua jamais ses relations éventuelles avec d’autres anarchistes.

Le 2 août 1893, Marie Carron donna naissance à un garçon, Jean Antoine, n’ayant pas été reconnu par son père, il porta le nom de sa mère, la naissance fut déclarée par des employés de l’Hospice de la Charité.


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