Dictionnaire international des militants anarchistes
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WAGENER, Edouard
Né en 1849 à Lamorteau (province du Luxembourg, Belgique) - Artisan en galvanoplastie, commerçant, couriser, contremaître, fabricant de chaises et cafetier - AIT - Liège & Herstal (Belgique)
Article mis en ligne le 23 juillet 2023
dernière modification le 26 octobre 2023

par Dominique Petit, R.D.

L’anarchiste Wagener était le fils d’un enseignant et après des études ratées, il devint sous-officier, devenant instructeur et même secrétaire du colonel. Il n’était pas sans moyens et fonda plus tard une entreprise de galvanoplastie. Il a ensuite été, entre autres, commerçant, coursier, contremaître, fabricant de chaises et cafetier à Herstal. En fait, il n’avait pas d’occupation permanente. Il habitait au 29 rue Sans l’Eau à Liège.

Wagener a été l’une des figures les plus importantes du mouvement socialiste liégeois de la fin des années 1870 au milieu des années 1880. A la fin de 1877, il est secrétaire de la section locale de l’Internationale et, à ce titre, il assiste au congrès national qui se tient à Bruxelles les 25 et 26 décembre. Il est également à cette époque l’une des personnalités marquantes du Cercle d’Études et de Propagande Sociales liégeois et en 1879 secrétaire du Cercle Varlin.

Il est régulièrement apparu comme conférencier lors de réunions et s’est montré un fervent partisan de l’anarchisme par le fait. Par exemple, le 24 août 1879, il prononce un discours sur « La guerre au capital. La destruction des monarchies et la révolution sociale. » Et les forces de l’ordre écrivent à son sujet : « que l’on considérait déjà comme le socialiste le plus violent, n’ayant qu’un but : ‘le bouleversement de la société’. En tout cas, il a pris l’allure d’un vrai révolutionnaire. Les femmes et les enfants marchaient, comme c’était souvent la coutume chez les enfants des révolutionnaires français, coiffés du bonnet phrygien. Et dans son café de Herstal était accrochée la photo de Bakounine, qu’il admirait beaucoup. Il était véritablement un apôtre des idées de Kropotkine et d’Élisée Reclus et un adversaire invétéré du Parti ouvrier belge. Néanmoins, selon Le Peuple, c’était un homme doux qui jouissait de la sympathie de ses adversaires et était universellement loué pour l’honnêteté de ses convictions.

Au milieu des années 80, il se manifeste comme anarchiste à Liège. Par exemple, son nom apparaît sur un pamphlet des anarchistes liégeois appelant à assister à un meeting le 10 janvier 1886, et sur un autre pamphlet promouvant la participation à un meeting commémorant la Commune de Paris. Cette deuxième rencontre a eu lieu à la date symbolique du 18 mars. Le soir même, ce jeudi-là, plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés sur la place centrale Saint-Lambert. Ils venaient de tous les bords du bassin industriel liégeois, mélange coloré d’habitants de la ville et de la banlieue liégeoise, et de supporters verviétois, wallons mais aussi flamands et allemands. Beaucoup de femmes, beaucoup de jeunes, … L’ambiance était en fait un peu festive. Pour conduire toute cette masse au lieu du meeting, les anarchistes Wagener et Rutters prirent chacun la tête d’un groupe. Une partie du cortège a vacillé dans les quartiers aisés. Il y eut un cri : « Vive la révolution ! et « Vive l’anarchie ». Wagener a dû s’adresser aux manifestants. C’est devenu un dialogue didactique devant les vitrines bien remplies des rues commerçantes. « Eh bien qui a produit cela ? Est-ce que vous ? » « Oui ! Oui ! C’est l’ouvrier. » … « Vos femmes, vos enfants meurent de faim, vous n’avez rien à manger ! » « Nonne ! Non ! Et puis le climax : « Eh bien vous êtes tous des lâches : Vive l’anarchie ! » C’était inévitable. Les cris se sont enflés : à bas la propriété, à bas les riches ! Une vitre s’est brisée et la voiture roulait. Au meeting même, le socialiste Edmond Warnotte tente de calmer le jeu, mais l’arrivée du démagogue anarchiste Wagener renverse la donne en faveur des anarchistes : « La faim justifie le vol et le pillage ». Ce fut donc une soirée mouvementée qui s’est terminée par la mort de deux manifestants. Wagener est parti chez lui vers 22 heures. Mais le lendemain matin, il fut bientôt arrêté. Et quelques jours plus tard, le 24 mars, il est déféré devant le tribunal correctionnel qui le condamne à six mois de prison « pour destruction de clôture » (dans le tumulte il avait (accidentellement ?) brisé une vitre avec son mât). Et comme si cela ne suffisait pas, il a dû comparaître devant la cour d’assises le 9 août, avec Rutters, où il a été reconnu coupable de » complot en vue de dévaster, piller et assassiner » et condamné à 5 ans de prison et 10 ans à la disposition de la police.

Avec cela, Wagener disparaît en prison et le mouvement anarchiste liégeois est privé de l’une de ses figures motrices les plus importantes. Même s’il faut dire ici tout de suite que l’anarchisme liégeois n’était certainement pas mort. Au contraire, au début de l’année avait été fondé un groupe anarchiste révolutionnaire liégeois de douze membres, qui avait gagné en prestige grâce aux troubles de mars. Et cela s’est également avéré un peu mieux pour Wagener lui-même. Dans les milieux anarchistes, on parlait de lui avec admiration. Par exemple, à Bruxelles, ils disaient : « tout seul [il] avait reconstitué le groupe anarchiste de Liège et consolidé celui de Verviers et que sous peu de temps le groupe de Liège serait aussi fort que celui de Verviers qui a toujours été le mieux organisé de la Belgique grâce au groupe allemand avec lequel il a formé la fusion. » Et grâce à la loi Lejeune, il est libéré au bout de deux ans seulement, le 16 juin 1888. Mais Wagener a bien disparu de la scène anarchiste.


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