Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

SIBILAT, Jules [SIBILARD, François dit]

Né à Montbrison (Loire) le 2 novembre 1848 — mort en 1897 — Tourneur mécanicien — AIT — Saint-Étienne (Loire) — Lyon (Rhône) — Sète (Hérault)
Article mis en ligne le 27 mars 2017
dernière modification le 14 août 2024

par Marianne Enckell, R.D.

Prévenu de tentative de reconstitution de l’Internationale dans les régions lyonnaise et stéphanoise, Sibilard comparut, en avril 1874, devant le tribunal correctionnel de Lyon. On l’accusa d’avoir assisté à un congrès régional tenu dans ce but à Lyon le 15 août 1873. Sa présence ne put être prouvée formellement et il fut acquitté le 25 avril (affaire dite du Complot de Lyon, voir Camet).

En 1881, son nom d’état-civil Sibilard fut officiellement modifié en Sibilat (on trouve également Sibilla). Il habitait 95, rue de Lyon.

Ayant trouvé un emploi de mécanicien à Cette (Hérault), Sibilat fut un des dirigeants de la fédération ouvrière de Cette et délégué, avec Louis Hébrard, au congrès de Marseille du Parti des Travailleurs socialistes de France en octobre 1879. Le 14 mars 1880, il constitua, toujours avec Hébrard, un cercle collectiviste.

Quelques années plus tard, Sibilat se trouvait à Lyon ; il habitait, 16, Grande-Rue de la Guillotière.
En juillet 1886, dans une lettre ouverte qu’il lui avait adressé, il dénonça Godin, fondateur du Familistère de Guise, dont il avait été renvoyé pour son soutien à la répression de la Commune : « Monsieur, Samedi dernier, 25 courant, vous réunissiez les sujets de votre petit royaume, au théâtre pour leur faire comprendre ce que c’est que l’anarchie.

Oyez, population des alentours, venez écouter les paroles de vérité et de lumière, le Pape du Godinisme va descendre parmi vous et compléter l’enseignement qu’il veut bien que vous ayez !.

Grand fut mon étonnement, lorsqu’arrivé sur la place du Familistère, j’aperçus une foule houleuse qui discutait avec animation. En m’approchant, j’appris que la porte leur était interdite sous le fallacieux prétexte que ces citoyens n’appartenaient pas au Familistère ; j’entrai dans la salle et la première personne que je coudoyai fut précisément un monsieur étranger à l’association.

Tiens, pensai-je, il parait que la réunion est triée sur le volet, on craint la contradiction, n’empêche d’entrer ceux qui pourraient répondre sans qu’ils soient immédiatement privés de leur gagne-pain, tant les opinions sont libres ici.

Je ne m’arrêterai pas à faire l’analyse de vos divagations, qu’il me soit donné de relever un point qui permettra aux exclus de se rendre compte de la valeur de votre argumentation ; vous dites : « J’ai fait mon œuvre, j’ai édifié des palais, j’ai donné du travail à 1000 ouvriers ; que les anarchistes me montrent ce qu’ils ont fait, quels changements ont-ils apporté à l’organisation sociale actuelle ?… »

Vraiment M. Godin, il est très imprudent de parler ainsi, car, si ce que vous appelez votre œuvre est un échantillon de ce que sera la société future vrai, moi qui descendrai dans la rue pour obtenir une a décoration, je me battrais volontiers encore pour conserver l’état social actuel !

Non, les anarchistes n ont pas construit de couvents godinistes, heureusement pour leurs semblables ; non. les anarchistes ne possèdent pas l’art de tondre le mouton sans le faire crier, mais ils soutiennent que si vous aviez voulu faire quelque chose pour vos ouvriers, vous vous y seriez pris, autrement : vous auriez d’abord abandonné les 12 1/2 pour cent que vous vous octroyez généreusement sur les bénéfices, vous auriez partagé en parts égales et entre tous les ouvriers, employés et directeurs les bénéfices annuels. — Cette dernière catégorie est d’ailleurs assez rémunérée par son salaire propre pour se contenter de ce mode de répartition.

Ah ! M. le Fondateur, si vous étiez entré dans cette voie, vos exploités vous auraient peut être pardonné les millions dont ils ont remplis vos caisses.

En voyant la tournure que prenait votre prône, je sortis, pensant que le sujet ainsi traité ne valait pas l’attention prêtée.

Est ce en voyant ma sortie que vous avez cru loyal de me prendre à partie ? Est-ce mon absence qui vous a donné ce regain de verve dont vous étiez totalement dépourvu quand vous parliez de choses que vous ne connaissez pas ?

Voici en substance, m’a-t-on dit, le passage me concernant et que j’aurais relevé anarchiquement si j’eus été présent :

« Cet homme de désordre qui a jeté la désorganisation dans notre association a eu besoin de mes services dans des circonstances particulièrement difficiles ; il était sous le coup de poursuite correctionnelles pour un délit que je n’ai pas à qualifier ici, je fis des démarches et lui donnai 150 francs, enfin je le sauvais… » (1)

Ce récit contient un mensonge et une petite infamie (je dis petite).

D’abord, vous ne m’avez jamais rien donné et si vous m’avez remis une somme, ce n’a été qu’une avance sur les appointements qui m’étaient dus, c’est peut-être la seule fois en ma vie où je n aie pas fait crédit à mon patron, car chez vous, comme ailleurs, les employés ne sont payés que tous les mois ; c’est égal, vos nègres ont dû bien rire en vous entendant affirmer que vous m’aviez donné de l’argent, ils savent par expérience que vous ne donnez guère. !

Puis vous avez cru frapper un grand coup quand voue avez débité ce passage qui veut être méchant parce qu’il est plein de sous entendus, et qui n’est que grotesque : « il était poursuivi pour un délit que je m’abstiens de qualifier ». Heureusement que pas un n’ignorait que le fameux délit était purement politique puisqu’il s’agissait d’un placard collé à Lyon insultant le gouvernement et dont on me croyait l’auteur ; je bénéficiai d’une ordonnance de non-lieu, chose que vous auriez dû ajouter, vous qui êtes un si féroce partisan de la légalité. Vous avez voulu faire le vague sur mon compte, laissant le champ vaste à toutes les conjectures, vous auriez été heureux si vous aviez pu me faire passer pour un malfaiteur. Vous avez échoué, et j’ai la conviction d’emporter de Guise l’estime et l’amitié de ceux qui m’ont connu, ce qui pour moi est autrement essentiel que d’emporter la vôtre et celle de la plupart de vos sous-Godin.

Enfin pour terminer, dans un élan trop pathétique pour être vrai, vous avez dit en forme de conclusion : « La révolution s’approche à grands pas, je l’attends avec confiance, et le jour où elle éclatera, je me jetterai dans vos bras. »

Avant de me prononcer là-dessus, je me permettrai, de vous poser une question très simple.

Puisque vous êtes révolutionnaire, pourquoi, au 18 mars étant député, vous êtes-vous jeté dans les bras de Thiers et pourquoi dans la célèbre séance du 21 mai 71, êtes-vous portés au nombre de ceux qui ont voté des félicitations a l’armée de Versailles et à tous les bandits galonnés qui la commandaient ?? (Voir l’Officiel du 22 mai 7 !.)

(1) Il faut dire que le compagnon Sibilat a été renvoyé du familière de Guise parce qu’il a été « soupçonné » d’être l’auteur des articles qui ont paru sur cette institution dans le « Révolté ». cf. Le Révolté, 10 juillet 1886)

Militant syndicaliste de tendance anarchiste, il fut délégué des chaudronniers en cuivre de Lyon au 2e congrès de la Fédération nationale des syndicats (Montluçon, octobre 1887). Il y critiqua l’expérience du familistère de Guise et dénonça l’association Capital-Travail comme un leurre, déposa un vœu contre les exécutions de Chicago, pour la libération de l’anarchiste Cyvoct et des emprisonnés de Montceau-les-Mines et de Decazeville. « Vive la Révolution ! » s’écria-t-il en clôturant le congrès. L’année suivante, en octobre, il assista au IIIe congrès national qui se tint à Bordeaux-Le Bouscat.

En 1890, devenu secrétaire de la chambre syndicale des mécaniciens, il figura parmi les organisateurs de la première manifestation lyonnaise du 1er Mai.

Du 13 au 18 octobre 1890, il participa au 4e congrès de la Fédération nationale des syndicats (Calais) et il y donna en exemple « Les syndicats lyonnais très prospères et très unis parce qu’ils ont eu la sagesse de mettre à l’index la politique, ennemie du labeur ».

En 1892 il demeurait 16 Grande rue de la Guillotière et était en contact avec l’ouvrier mouleur Lavabre, un de ses parents, ouvrier mouleur renvoyé du Familistère de Guise pour « propagande anarchiste » et qui au printemps 1892 était poursuivi à Amiens pour « association de malfaiteurs ».

En 1896 il demeurait 43 rue de la Loue à Lyon et était signalé comme anarchiste.


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