Tomas Ascheri Orsati (parfois Forsatti) était selon les uns un militant d’Igualada d’origine italienne, et, selon d’autres un militant français originaire de Marseille où au début des années 1890 il travaillait comme journalier et était fiché comme l’un des 19 meneurs anarchistes locaux à surveiller.
Après un parcours pour le moins obscure — ancien séminariste, marin et déserteur de l’armée (du 58e régiment d’infanterie) — il travaillait en 1895 aux ateliers du journal Ciencia Social (Barcelone) et était le compagnon de Francisca Saperas. Entre 1893 et 1895 il fut arrêté à plusieurs reprises à Barcelone. Fin juillet 1895 il serait devenu indicateur de la police française, pour, selon lui « mieux servir les idéaux anarchistes ». En décembre 1895 il figurait sur un État nominatif des anarchistes ou des individus considérés comme dangereux résidant ou voyageant en Espagne. L’année suivante il intégrait la police de Barcelone avant de s’en retirer peu avant les attentats.
Il fut arrêté avec de très nombreux compagnons — dont Juan Alsina, José Molas Duran, Luis Mas, et Antonio Nogués — suite à l’attentat en juin 1896 de la rue Cambios Nuevos. Tous furent atrocement torturés dans les cachots de la citadelle de Montjuich. Condamné à mort lors du conseil de guerre tenu à Montjuich en décembre, il fut fusillé dans les fossés de Montjuich le 4 mai 1897 aux cotés de Molas, Alsina, Nogués et Mas. Au même conseil de guerre avaient été condamnés à 20 ans de prison 40 des accusés et à 8 ans 27 autres.
Peu avant son exécution il avait épousé sa compagne Francisca Saperas, extraite de la prison où elle se trouvait, tandis que sa fille Salud Borras épousait dans les mêmes conditions Luis Mas.
Dans une dernière lettre sortie de prison, reproduite par La revue Blanche et Le Père Peinard, il écrivait à sa mère : « Dans ces quelques lignes qui te parviendront après ma mort qui est prochaine, vois le dernier adieu de ton fils. Elles sont écrites en secret et par elles je viens te donner une courte explication de ma conduite… eh bien, je te jure que je meurs innocent du crime que l’on m’impute. Mais, diras-tu, pourquoi as-tu avoué le contraire ? Mère, c’est qu’il m’était réservé à moi… de souffrir de si terribles [tourments] qu’aucune exagération n’est possible. Qu’il te suffise de savoir qu’après avoir été obligé de me promener dans mon oubliette pendant plus de cent soixante heures, c’est-à-dire huit jours et huit nuits, sans boire ni manger… je tombais brisé par le manque de sommeil et la fatigue, ne sentant déjà plus les coups de nerfs de bœuf ni les piqures que mes gardiens me faisaient avec la pointe d’un couteau pour me tenir éveillé… quand je tombais enfin insensible, d’autres terribles tortures commencèrent : tortures sans nom, le fer rouge et les testicules tordus, jusqu’à faire naître chez mes bourreaux la peur de m’avoir tué. Voilà, bonne maman, pourquoi j’avouai et continuerai d’assurer que je suis coupable et les autres aussi… Je voudrais bien te voir pour t’embrasser une dernière fois, toi, l’être que j’ai le plus aimé… Hélas je ne puis te dire que mes mains sont nettes de sang, mais comment le dirais-je, si, par ma lâcheté, les inquisiteurs envoient vingt-sept de mes camarades à la mort ? Ai moins, puis je dire que je crois qu’aucun homme n’aurait pu agir autrement, puisque les cinq qui ont souffert comme moi ont avoué, avec moins de tortures, les mêmes mensonges que moi… De tout ce que je pourrai t’écrire, ne crois que cette lettre ; tout le reste sera écrit sous les yeux de mes infâmes bourreaux ».