Théophile Argence était né à Saint-Rambert-d’Albon, commune rhodanienne de la Drôme — à 30 km de Vienne. Ses ascendants, côté paternel (Joseph), étaient tous des paysans, mais sans terre ou presque, côté maternel (Hortense Forcheron), tous petits artisans. Les uns et les autres fortement amoureux de leur indépendance et, certains, volontiers frondeurs.
Ses parents de condition très modeste, plutôt pauvres, étant en quête de travail, vinrent s’installer à Vienne vers 1895. Ils y finirent leur vie après avoir élevé sept enfants, dont Théo était l’avant-dernier.
Th. Argence fréquenta l’école communale. Il était studieux, disposé pour l’étude et ses parents s’imposèrent un très lourd sacrifice, partagé d’ailleurs par ses frères plus âgés, en lui permettant de fréquenter, pendant quatre ans, l’École professionnelle de Vienne où il tint toujours les premières places. Le besoin de gagner sa vie et, surtout, de ne plus être à la charge des siens, lui firent renoncer à se présenter à l’École nationale des Arts et Métiers et il dut entrer dans un atelier de constructions mécaniques en qualité de dessinateur.
Son premier contact avec le monde ouvrier au travail éveilla en lui une certaine curiosité qui lui fit reporter son besoin d’étudier, sa soif de connaître, vers les questions sociales. Il fréquenta très tôt, la Bourse du Travail de Vienne où il rencontra des hommes d’un âge mûr qui n’avaient pas encore oublié les déboires qui avaient marqué leur premier 1er Mai de 1890. Ils en conservaient, avec quelque fierté, intacts, leurs souvenirs.
Dès ce moment, Argence se fit des amis de ces vieux ouvriers qui exerçaient cependant un autre métier que le sien, car c’étaient des ouvriers du textile, fileurs, tisseurs qui, tous, avaient voué à Pierre Martin un attachement dans lequel il y avait autant d’affection que d’admiration.
Cette vie ouvrière, Argence voulut la vivre. Il quitta le bureau d’études, bien que le dessin — qu’il n’abandonnera jamais — lui procurât beaucoup de satisfactions. Il demanda donc et obtint de travailler à l’étau, à l’atelier. Désormais, il était tout à fait dans le « bain ». En 1909, pour la première fois il se syndiqua, mais comme il n’y avait pas, à Vienne, en ce temps-là, de syndicat de son métier, il adhéra donc au syndicat des ouvriers mécaniciens de Lyon, rue Villeroy.
À Vienne, à la bibliothèque de la Bourse du Travail, Argence a pu lire Kropotkine et aussi Reclus qui furent, tous deux, des amis intimes de Pierre Martin. Chez un ami il trouvera L’Homme et la Terre d’Élisée Reclus et plusieurs ouvrages de Proudhon qui le marqueront pour sa vie entière. Désormais ses lectures habituelles se fixeront sur des revues comme Portraits d’Hier, Les Hommes du Jour et bientôt sur La Vie ouvrière. Il apprit encore à connaître Fernand Pelloutier.
Le 17 août 1913 il fut l’un des organisateurs à Givors du congrès régional où devait être fondée la Fédération anarchiste du sud-est.
Mais Argence travailla dans des ateliers bien différents les uns des autres, à Lyon, à Givors ou à Reims où fin février 1914 il fut inscrit au Carnet B du département de la Marne après avoir été rayé de celui de l’Isère. En mai suivant il avait quitté Reims pur se rendre à Carpentras (Vaucluse) où la polce n’avait pu le localiser. Il avait regagné Vienne où il demeurera jusqu’en octobre 1922 où, pour des raisons professionnelles il ira à Paris, domicilié 114 Boulevard de la Villette (XIXe).
La guerre de 1914 le surprit à Rives (Isère), mais, réformé du service militaire, il n’y participera pas, il ne sera même pas un « affecté spécial » et collaborera en 1916-17 au journal libertaire Ce qu’il faut dire (Paris, 83 numéros du 2 avril 1916 au 22 décembre 1917) de Sébastien Faure. Il avait, d’autre part, quitté l’étau, il était traceur maintenant et le restera jusqu’en 1917. À cette date, il reprendra la planche à dessin mais restera en contacts permanents avec ses camarades d’atelier, et c’est ensemble qu’ils mèneront les luttes syndicales.
Vienne est un centre important de manufactures de draps. On y travaille exclusivement la laine cardée obtenue surtout avec de vieux chiffons. Le drap fabriqué n’en était pas moins de bonne qualité, convenant parfaitement aux besoins de l’armée, à plus forte raison en temps de guerre. Les trois quarts au moins des ouvriers étaient syndiqués. Les militants syndicalistes de Vienne furent les premiers à répondre aux appels des minoritaires, des zimmervaldiens, et c’est à près de cent pour cent que les ouvriers viennois participèrent à la grève générale de protestation contre la guerre, dite grève de Saint-Étienne.
Ce mouvement d’indignation ne devait aboutir à aucun résultat. Il n’y eut que des victimes. Trois militants viennois : Miglioretti, Richetta, Herclet payèrent d’une condamnation à cinq ans de prison, leur action contre la guerre.
Ces militants étaient à la tête du mouvement syndical ; en les emprisonnant on croyait décapiter le mouvement syndical. Il n’en fut rien. Le jour même de leur arrestation, Claudette Coste (qui deviendra, un peu plus tard, Madame Lucien Hussel) et aussi Argence prendront leur place, en même temps qu’ils entreprenaient les démarches nécessaires pour la défense des emprisonnés. Ainsi, la Bourse du Travail n’aura pas cessé, une heure seulement, d’être la ruche bourdonnante qu’elle est restée jusqu’à la scission.
Il va, sans dire, que la lutte contre la guerre ne fut jamais abandonnée, le syndicalisme à Vienne étant toujours dans le camp des minoritaires. Secrétaire du syndicat CGT des Métaux de Vienne, élu secrétaire général de l’UD de l’Isère le 10 novembre 1921, confirmé dans cette fonction les 14-15 janvier 1922 par le congrès départemental Th. Argence rejoignit la CGTU. Il avait répondu en 1919 à l’enquête sur l’orientation du mouvement anarchiste lancée par le journal de P. Chardon La Mêlée et dont les résultats seront publiés dans les n°21/22, 25, 26 et 32.
En 1918, avec Claudette Coste, il participa aux travaux du congrès de la CGT de 1918 à Paris, dans les rangs de la minorité. Mais c’est seulement au congrès de Lille de 1921 que son nom fut mis en avant, bien qu’il ne fût pas délégué, pour un des postes du secrétariat fédéral des Métaux. Mais c’est seulement six mois plus tard, au congrès de la Minorité, à Paris, en décembre 1921, lequel devait consacrer la rupture d’avec la CGT, que Argence fut désigné, avec Lucien Chevalier et Célestin Ferré, pour former l’équipe qui devait assurer le secrétariat de la Fédération unitaire des Métaux, 33, rue de la Grange-aux-Belles. Cette jeune Fédération allait connaître une débordante activité. Avec Célestin Ferré, il présenta le rapport moral au congrès fédéral unitaire de Saint-Étienne des 23-25 juin 1922, rapport qui fut adopté mais Argence échoua avec Raitzon lorsqu’ils demandèrent que le siège de la Fédération soit transféré de Paris à Lyon (51 voix pour le maintien à Paris, 24 pour le transfert à Lyon), Argence conservant toutefois le secrétariat fédéral. Sur le plan administratif avec le méticuleux Lucien Chevalier, sur celui de la propagande avec l’infatigable Célestin Ferré qui paya de l’emprisonnement sa participation aux grèves du Havre de 1923. En juillet 1923, lors du second congrès de la Fédération unitaire, Argence proposa une adjonction à la motion Lartigue dénonçant « Les commissions syndicales de tous les partis politiques ». Motion et adjonction furent rejetées par 113 voix à la motion Semard contre 22 voix. Le courant minoritaire (Argence, Chevalier, Ferré) échoua également lors du vote sur l’orientation internationale, ne recueillant que 19 suffrages contre 113 en faveur d’une motion Berrar, Rabaté. Th. Argence ne fut donc pas réélu secrétaire fédéral et la nouvelle équipe dirigeante de la Fédération affirmant son attachement à l’Internationale Syndicale Rouge fut composée de Rabaté, Poussel et Gaye.
Enfin sur le plan plus spécifiquement technique avec Argence qui mit ses connaissances professionnelles au service de la Fédération. Tout d’abord ce fut la parution du journal corporatif Le Métallurgiste, bientôt suivi du lancement de la revue Le Creuset. C’était là une innovation « révolutionnaire » selon le mot de Roger Francq, secrétaire général de l’Union des syndicats des Techniciens (USTICA). Cette revue était rédigée, dessinée, à peu près entièrement par des manuels ; elle se proposait de mettre à la disposition du syndicalisme et plus particulièrement des ouvriers sur métaux : « un instrument qui devait préparer les hommes à leur rôle de gestionnaires de la production ». Argence, dont la participation y fut considérable, poursuivait une idée qu’il avait été un des premiers à répandre, en France, en publiant en juillet 1921, aux « Cahiers du travail »(Paris) une brochure où il s’était réservé la question du Contrôle ouvrier. Dans cette brochure Auguste Herclet, militant du textile, traitait des Comités d’atelier. Elle porte le n° 10 de la collection des Cahiers, son titre : « Le Contrôle ouvrier et les Comités d’atelier ». Les Cahiers du travail publieront entre mars et août 1921 douze brochures signées entre autres Rosa Luxembourg, Pierre Monatte, Victor Serge, Georges Dumoulin et James Guillaume.
Cette revue Le Creuset était une manifestation évidente de la « capacité politique » du syndicalisme en même temps qu’une affirmation de son indépendance, à un moment où les partis politiques se le disputaient dans une atmosphère faite de suspicion, d’injures et de haines et qui, au lieu de rapprocher les militants, les poussait aux passions déchirantes, au sein de la CGTU plus particulièrement. C’était le temps où se discutait l’adhésion à l’Internationale syndicale rouge de Moscou. La Fédération unitaire des Métaux, dont le congrès constitutif avait eu lieu à Saint-Étienne les 23-24 et 25 juin 1922, devait connaître ces pénibles moments qui ne pouvaient aboutir qu’à une nouvelle scission, empreinte de plus de haine que la première. Le congrès de Bourges de 1923 devait en décider par son adhésion spectaculaire à l’ISR. Naturellement, la démission du bureau fédéral des Métaux, formulée avant même ce congrès, devenait définitive. Il collaborait également à la même époque au mensuel Le Cri des jeunes (Lyon, au moins 46 numéros entre 1920 et 1925) organe des Jeunesses Syndicalistes de France dont le 2e congrès s’était tenu tenu à Lyon les 14-15 juillet 1923, ainsi qu’au Libertaire et à la revue individualiste L’Idée libre de Lorulot.
Alors, Argence revint à Vienne, mais sollicité par ses amis, il accepta, pour un an seulement, le secrétariat des Métaux de Lyon. Inlassable, peu enclin à déserter la lutte, il allait profiter de cette circonstance pour orienter le syndicat corporatif vers le syndicalisme d’usine ou d’entreprise tout en lui conservant des sections techniques qui devaient maintenir l’indispensable contact, au sein d’une même industrie, entre les travailleurs d’un même métier. Cette idée lui était chère, il l’avait préalablement exposée à Saint-Étienne. Depuis, elle a été bien déformée.
Installé modestement à la tête de son syndicat, Argence allait reprendre son œuvre d’éducation. Il créa un journal : Le Travailleur des métaux qui fut, en réalité, une petite revue « d’éducation syndicale, technique et économique ». Enfin, et avec plus d’ardeur encore, et avec la même foi que son ami Henri Fourcade, le remarquable secrétaire de l’Union des syndicats du Rhône, Argence utilisera tous les moyens qu’offre la propagande pour s’opposer à la totale et définitive dépendance de la CGTU à l’égard du Parti communiste. Cependant, la deuxième scission étant consacrée, ces deux militants Fourcade et Argence s’opposeront à la constitution d’une troisième Centrale syndicale qui devait être la CGT-SR. Argence ira même plus loin, il rejoindra la vieille CGT malgré que l’en séparaient « de pénibles souvenirs de guerre mais surtout la nouvelle théorie de l’intérêt général » (témoignage de Th. Argence).
Le 1er novembre 1924 il avait participé à la conférence de la minorité syndicaliste révolutionnaire qui, à la Maison des syndicats de l’Avenue Mathurin-Moreau, avait réuni une centaine de délégués CGT, CGTU et autonomes. Il y avait défendu l’unité avec la CGT (cf. Le Libertaire, 2 novembre 1924).
Jean Chaintron (voir ce nom) qui travailla à ses côtés en 1924 à la Compagnie générale électrique à Vénissieux, évoque son souvenir dans Le vent soufflait devant ma porte : « M. Argence, dont j’étais l’assistant, un homme de taille moyenne, d’une trentaine d’années, d’allure intellectuelle, me semblait défier la discipline excessive qu’imposait le chef. Il accompagnait toujours les indications techniques qu’il me donnait de quelques conseils et propos aimables et s’il parlait à mi-voix, pour ne pas trop gêner nos collègues, il s’exprimait avec aisance au lieu de chuchoter de façon craintive. Parfois même il sifflotait légèrement en travaillant […] L’attitude un peu crâne de mon aîné augmenta ma sympathie pour lui. Je le lui dis. Il m’accorda quelque amitié et me proposa de venir à sa table pour le repas de midi dans un restaurant d’alentour. Il m’apprit bientôt qu’il était comme moi, ancien élève de l’école pratique de Vienne, ayant plus que moi prolongé ses études. Il me confia plus tard qu’il était devenu un militant anarcho-syndicaliste […] Puis mon initiateur anarchiste occasionnel quitta l’entreprise où nous nous étions rencontrés car, grâce à un de ses amis de même tendance, il avait été embauché à des conditions plus avantageuses aux usines Maréchal, fabricant de toile cirée à Vénissieux. Dès qu’il fut en place, il m’incita à réclamer une augmentation de salaire et, en cas de refus, à démissionner, car il pourrait m’aider à me replacer à ses côtés. Ainsi fut fait. » (p. 48-49).
Nous sommes aux approches de 1925. Une nouvelle vie s’ouvrait à l’activité d’Argence.
Les tribulations de la vie professionnelle le conduisirent à Saint-Priest, une commune qui naissait à la vie industrielle et qui était en pleine expansion. Une importante usine textile (la filature Marechal) venait de s’y installer, dans le voisinage immédiat des usines Berliet de Vénissieux. Il y arriva en 1925. Bien vite, Argence gagna la confiance et la sympathie des ouvriers de l’usine où il travaillait en qualité de dessinateur d’études. Les problèmes qu’il devait maintenant connaître étaient surtout d’ordre social. Il s’agissait moins de la condition ouvrière dans l’usine que dans la cité. Écoles, logements, urbanisme, telles étaient les graves questions qui préoccupaient les ouvriers. En d’autres termes ce n’était pas tant contre leur patron que ceux-ci avaient à lutter, mais contre un conseil municipal rétrograde, aux idées étroites, composé uniquement de ruraux qui s’opposaient absolument à l’aménagement de leur commune, plus encore à tout ce qui était ouvrier. En définitive, et malgré son peu de goût pour tout ce qui touchait à la politique des partis, Argence fut emporté par les événements. Il adhéra au Parti SFIO.
En mai 1927, « ne fréquentant plus les milieux unitaires », il avait été proposé à la radiation du Carnet B, dont il fut finalement radié le 2 août suivant.
En 1929, il devint maire de Saint-Priest. Au surplus, Argence n’était pas mécontent de pénétrer, de plain-pied, dans un milieu et dans des activités, jusqu’ici, complètement inconnus de lui. Il y avait cependant moins loin qu’on l’imagine entre la vie municipale et la vie syndicale, pour un administrateur tout au moins, et quant aux réalisations. Les problèmes qui se posaient n’étaient sans doute pas de même nature, mais ils demandaient à être étudiés avec le même souci de préserver la liberté et avec le même respect des règles de la justice, qui n’étaient pas, tant s’en faut, toujours celle de l’Administration.
Argence donna à sa commune une impulsion telle que toute la région en fut secouée. En dehors des importants travaux d’urbanisation qu’il entreprit et qui, jusqu’alors, avaient été complètement ignorés, et qui, réalisés, constituèrent un équipement social considérable, il n’est pas inutile de préciser que chez Argence l’administrateur n’avait jamais étouffé le militant syndicaliste. On le vit donc intervenir, en personne, en 1934, dans un conflit Berliet et obliger les forces de la police lyonnaise, à ne pas intervenir et à évacuer la voie publique que les ouvriers grévistes, seuls, continuèrent à occuper, sans, pourtant que l’ordre public, comme on dit, en soit troublé. On le vit également, cette même année, s’opposer à l’installation de ligues fascistes. Et encore, en 1936, il aida aux occupations d’usines dans les deux établissements industriels que comptait Saint-Priest. A propos de cette expérience municipale T. Argence écrivait à May Picqueray qui avait fait sa connaissance en 1921 à la Fédération des métaux : « N’allez pas croire, chère May, que j’ai abdiqué quoi que ce soit de ma personnalité, j’ai défendu tout ce qui peut être défendu des manifestations de la liberté : m’opposer au fascisme, garantir le droit de grève, contre Berliet par exemple, aider les réfugiés espagnols autrement que par des discours, faire respecter la liberté syndicale en aidant, contre le monopole outrageant de la CGT moscoutaire, les ouvriers du bâtiment qui avaient rejoint la CGTSR… »
Il apparaîtra donc tout à fait naturel, en tout cas dans l’ordre des choses, qu’avec Pétain au pouvoir, les forces réactionnaires aient repris le dessus et qu’en 1940, Argence ait été révoqué de ses fonctions de maire, connaisse même la prison durant trois semaines à Vienne et enfin soit astreint à résidence forcée dans quelque localité des environs de Cahors. Et la suite apparaît, inévitable : la Résistance avec toutes ses vicissitudes : la Gestapo mettra son domicile à sac « détruisant mes livres, notre linge, nos meubles que m’avaient procuré 20 ans de travail » (Lettre à May Picqueray).
La Libération fera rentrer Argence dans ses droits municipaux, mais pour un temps très court. Aux élections municipales qui suivirent presque immédiatement, sa liste ne fut pas élue. Il succombera, en effet, « sous les efforts conjugués (sur une même liste électorale) des communistes, des réactionnaires et des éternels mécontents “sans parti bien défini” » (témoignage de Th. d’Argence). Il précisait dans une lettre à May Picqueray : « Je dus quitter la place, les gens de droite, les communistes, les socialistes à la flan, s’étaient ligués contre mes amis et moi-même. Il ne m’en coutât rien, car j’ai toujours su garder assez de dignité pour ne pas m’incliner. »
Désormais, Argence allait se consacrer au syndicalisme artisanal. Depuis 1929, il n’était plus salarié. Il installa, à Saint-Priest, un très modeste atelier de serrurerie. Il n’avait pas perdu, pour autant, sa foi dans le syndicalisme ouvrier et il lui arrivera d’apporter, occasionnellement, sa collaboration, sous un pseudonyme, généralement “Ursus”, à quelque revue ou journal syndicalistes. De 1963 à sa mort il a collaboré à la revue Les Cahiers de l’humanisme libertaire édité par Gaston Leval.
Enfin, signalons que Argence a consacré beaucoup de ses efforts à la Franc-Maçonnerie. Il y fut initié en janvier 1931, à la Loge “Concorde et Persévérance” de Vienne. Vingt ans après il en devenait le Vénérable.
Marié, Théophile Argence était père d’un fils, maître de recherches à l’Institut franco-allemand de Saint-Louis (Haut-Rhin) en 1980.
Avec grand dévouement et désintéressement, c’est Th. Argence qui achemina vers le Centre d’Histoire du syndicalisme Paris I-Sorbonne la bibliothèque — considérable en volumes et en qualité — littéraire et sociale de son ami Pierre Gamache. La bibliothèque sociale a constitué le premier fonds du Centre ; quant aux ouvrages littéraires, ils furent remis par la suite à l’Université de Nanterre.
Théophile Argence est mort le 7 août 1975 à Saint-Priest (Isère).