Dictionnaire international des militants anarchistes
Slogan du site
Descriptif du site
LOREAL, Louis [RAFFIN, Louis, dit]
Né le 16 avril 1894 à Charnay-lès-Mâcon (Saône-et-Loire) - mort le 16 février 1956 - Ouvrier plombier, puis correcteur d’imprimerie ; chansonnier – UA – UAC - UACR - LICP - Paris
Article mis en ligne le 29 septembre 2014
dernière modification le 14 septembre 2023

par ps

Au cours de la Première Guerre mondiale, Louis Raffin dit Louis Loréal, qui avait été réformé comme borgne et atteint de coxalgie, fut en accord avec les positions pacifistes prises par Sébastien Faure dans Ce Qu’il Faut Dire, le 24 février 1917. Dix ans plus tard, aux déclarations des anarchistes qui avaient été partisans de l’union sacrée et ne les reniaient pas, certains compagnons de l’Union anarchiste ripostèrent avec vigueur ; c’est ainsi que Loréal, dans Le Libertaire des 28 septembre et 26 octobre 1928, termina par ces mots un article qu’il avait intitulé “Voix d’outre-tombe » : “Il faut laisser les cadavres se putréfier."

Auteur compositeur et interprète, il avait été le fondateur du groupe libertaire par la chanson « La Gerbe » lors d’une réunion tenue le 22 mai 1918 à la Maison des syndiqués, 117 boulevard de l’hôpital et à laquelle avaient assisté une douzaine de militants dont H. Coudon dit Meric, Cuisse, Hoaeau dit René Péache et l’espagnol Serra Pelegrin. Le groupe, qui ne put publier le journal La Gerbe suite à l’interdiction par la Préfecture de police de la fête destinée à récolter des fonds, participa dès lors aux diverses sorties champêtres organisées en région parisienne notamment par Le Journal du peuple et « les Amis de Ce qu’il faut dire ». C’est à l’occasion de ces sorties auxquelles assistaient 20 à 30 camarades, que Loréal interprétait son répertoire et notamment la chanson Fermez vos gueules dont il était le co-auteur avec René Péache (voir ce nom). Il se produisait également dans les cours et voies publiques notamment dans le quartier de la Place d’Italie. Toutefois, selon la police, il ne jouissait pas d’une grande estime chez les compagnons dont certains l’avaient accuser d’indélicatesses : vente à son profit de 200 exemplaires du journal La Plèbe, non remboursement d’avances faites par Mauricius et Royer, disparition d’une caisse d’un groupe des Amis de CQFD.

Début janvier 1920 il tenta avec notamment Mouche, qui en était le trésorier, de reconstituer le groupe La Gerbe. Mais le 21 janvier suivant, lors d’une réunion tenue au 34 rue Henri Chevreau, à laquelle participèrent notamment R. Péache, Oupiter, Havane et Léon Louis, il fut considéré comme démissionnaire tout comme Mouche et fut remplacé au secrétariat du groupe par Léon Louis. Il adhéra par la suite au groupe La Muse Rouge. Auteur des Chants du travail, du Chant du drapeau noir (1922) Loréal anima le Groupe lyrique du Libertaire ; il participa également de 1922 à 1939 aux matinées et aux soirées de la Muse Rouge et, suite à la scission du groupe en 1921 créa, notamment avec notamment Charles d’Avray, Ch. A. Bontemps, M. Hallé et Robert Guérard, le groupe "Les chansonniers du peuple" dont il fut un temps secrétaire avant que le groupe ne réintègre La Muse Rouge dès 1922.

Dès 1919, Loréal, depuis sa cellule, avait apporté sa collaboration au Libertaire qui avait reparu le 26 janvier 1919 ; cette collaboration se poursuivit jusqu’en 1924 — cette année-là il travailla chaque jour au journal — pour reprendre en 1932 ; il était, a dit de lui Sébastien Faure, “en état d’exposer fort bien nos idées”. Il fut candidat abstentionniste aux élections législatives d’avril 1924 dans la circonscription de la Seine. Il prit part au congrès de l’Union anarchiste (UA) qui eut lieu à Paris, 1er-3 novembre 1924, à celui de Pantin, 31 octobre-2 novembre 1925 (à l’issue du congrès, il fut élu au comité d’initiative) ; au congrès de l’Union anarchiste communiste (UAC) tenu à Orléans, 12-14 juillet 1926, il intervint au nom du groupe de Montereau (Seine-et-Marne), et fut de nouveau élu au comité d’initiative ; à celui de l’Union anarchiste communiste révolutionnaire (UACR) qui se tint à Paris, 19-21 avril 1930, il représentait les XIe et XIIe arr. de Paris ; au congrès de l’UACR qui eut lieu à Toulouse, 17-18 octobre 1931 où il était le délégué du groupe du 11e arr. de Paris, il fut élu à la commission administrative et au comité de rédaction du Libertaire.

Son action militante ne manqua pas de valoir à Loréal poursuites et condamnations. Le 1er mai 1917, il fut arrêté au cours d’un meeting organisé par le comité de défense syndicaliste ainsi qu’une dizaine d’assistants. Le 11 septembre 1918, à la 15e Chambre correctionnelle de Paris, il fut condamné à un an de prison et 100fr d’amende avec Pierre Hoarau Péache condamné à deux ans et 200 fr d’amende suite à une causerie antimilitariste donnée aux Jeunesses syndicalistes des 11e et 12e arrondissements ; il avait été arrêté à son domicile, 36 rue de Menilmontant, avec Péache er les espagnols Bracon et P. Ruiz de Galarreta. Le Libertaire du 13 juillet 1919 rapporta que Loréal avait subi sa peine d’un an de prison et, qu’après sa libération vers juin 1919, il avait été à nouveau poursuivi. En mars 1920, il fut une nouvelle fois détenu. Pour des articles parus dans Le Libertaire, il fut condamné en juin à un an de prison, avec Julien Content à quatre mois (ou 18 mois ?) et Journet à 1 an de la même peine. Il fut condamné à huit mois de prison, le 19 mai 1922 en raison d’un article du Libertaire en faveur de Cottin qui avait tiré un coup de revolver sur Clemenceau et pour lequel il avait écrit la chanson Gloire à Cottin (sur l’air de Gloire au 17e de Montehus) ; en août 1922, il fit avec plusieurs codétenus – Maurice Fister, Kléber Nadaud, Luc Lelatin, Courme, Villiers - la grève de la faim pendant douze jours pour que Coudon Méric et Jeanne Morand, emprisonnés, soient placés au régime politique ; le 11 août, avec Fister et Villiers, il fut transporté à l’hôpital Cochin à Paris. Au bout ’une semaine il était ramené à La Santé où il reprenait sa grève, avant - sous la menace d’être transféré à Fresnes la promesse que Morand et Meric allaient obtenir le régime politique -, d’accepter de se réalimenter (cf. Le Libertaire, 1er septembre 1922, lettre à Lecoin du 30 août 1922). Il fut libéré deux mois plus tard, en novembre.
Début septembre, la 14e chambre correctionnelle (peut être en appel) le condamnait à 8 mois de prison avec Delecourt tandis que Villiers était condamné à 2 mois de la même peine.

Le Libertaire dans son numéro du 1er-8 juin 1923 signala que Loréal avait été condamné à quinze mois de prison pour deux articles parus dans le journal ; il ne put, en conséquence, assister au IVe congrès de l’UA réuni à Paris les 12 et 13 août 1923 ; le congrès, à qui il avait adressé une lettre, l’élut collaborateur "remplaçant" du Libertaire. En février 1924, il fit de nouveau la grève de la faim par solidarité avec Jeanne Morand et, le 27 février, il dut être transporté à l’hôpital Cochin ; Le Libertaire du 17 mars 1924 annonça sa sortie de prison. A cette même époque il collaborait également à La Revue anarchiste puis à L’Insurgé (Paris, 1925-1926) d’André Colomer.
En aout-novembre 1924 il publia dans Le Libertaire quotidien une série d’articles contre les bagnes d’enfants.

Débit août 1925, il fut l’orateur de l’Union anarchiste au meeting tenu au cirque municipal de Reims par le Comité d’action contre la guerre au Maroc (Parti communiste, Parti socialiste communiste et Union anarchiste) qui avait réuni environ 600 personnes. Il y avait évoqué la mémoire du grand pacifiste Jaurès, dénoncé la trahison de la SFIO et avait affirmé que le seul moyen efficace pour le prolétariat c’était “de refuser des soldats au gouvernement en attendant la révolution émancipatrice”.

Les 12-13 juillet 1926, il avait été le délégué du groupe de Montereau au congrès de l’Union anarchiste tenu à Orléans et où l’organisation prit le nom d’Union anarchiste communiste (UAC). Il avait défendu les positions anarchistes communistes et avait dénoncé “cet individualisme prétendu anarchiste, qui n’est qu’un individualisme bourgeois, sinon en puissance, du moins en pensée” (cf. Le Libertaire, 16 juillet 1926).

Fin octobre 1926 il avait remplacé Jean Girardin, qui venait d’être arrêté, à la gérance du Libertaire.

Le Libertaire (8 février 1929) signalait la disparition de sa mère qui assistait régulièrement aux fêtes et meetings organisés par le mouvement ; le journal ajoutait “C’est une vaillante femme qui disparait”.

Les 19-21 avril 1930 il avait été délégué des XI et XIIe arrondissements au congrès tenu à Paris par l’UACR.

Suite à plusieurs articles parus dans Le Libertaire en juin et juillet 1931, signés par lui, et mettant en cause Léon Daudet, il fut condamné avec Marcel Montagut, gérant du journal, le 9 novembre 1932 à 10.000 francs de dommages et intérêts avec astreinte de 500 francs par jour de retard. Le non paiement de cette amende fut suivie le 5 janvier 1933 de la visite d’un huissier au siège du Libertaire, 186 Boulevard de la Villette, où l’administrateur du journal, René Frémont, signa une opposition de non-saisie.

A partir des années 1930, sa conduite, la façon qu’il avait de se comporter dans la vie quotidienne – il s’était semble-t-il mis à boire - n’avaient pas toujours été appréciée de ses compagnons, et c’est ainsi que la Fédération parisienne de l’UACR, dont il était membre de la Commission administrative, l’avait exclu en 1932 pour fautes graves et préjudices financiers causés “à l’égard de divers camarades et groupes”. Il s’était alors investi dans le mouvement pacifiste.

En tant que gérant de la Patrie humaine, de 1933 à 1938, il fut condamné à cinq ans de prison, mais la cour d’appel supprima une partie de la peine et Loréal ne fut condamné qu’à un an de prison et 100 F d’amende. Il accompagna Victor Méric dans ses tournées de propagande et participa, avec d’autres chansonniers, aux galas en faveur du "pacifisme intégral". Il y créa la chanson Patrie humaine, écrite en collaboration avec Jean-Paul Monteil.

Il était membre dans les années 1930 du groupe des XI et XIIe arrondissements de la Ligue internationale des combattants de la paix (LICP). Au printemps 1934, considérant que la LICP était victime d’une dérive droitière, avait démissionné avec plusieurs autres camarades – dont Bodeau, Mercier, Monteil, Loréal, Toutain, Cantarel… - puis avait participé à la fondation de la Ligue d’action pacifiste et sociale, placée sous la présidence d’honneur de Victor Méric et dont les secrétaires étaient J. P. Monteil et Bodeau (secrétaire adjoint).

En 1935, son domicile, 9 rue Jules Verne à Paris 11e, figurait sur la liste de vérification de domiciles d’anarchistes en région parisienne.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, Loréal collabora à l’Atelier et au Trait d’union, journal des prisonniers de guerre imprimé à Berlin où écrivaient entre autres Georges Dumoulin et Aimé Rey. Loréal y vantait les mérites de la collaboration. Son article du 16 mai 1942 dans l’Atelier, "L’indispensable présence", dit sa satisfaction du retour de Laval comme chef du gouvernement ; un autre article, le 22 août, "Une besogne urgente : épurer l’administration", appelait à la dénonciation et à la répression. Le 7 juillet 1944, dans Germinal il avouait : “Moi aussi j’eus un moment d’hésitation. Ce n’est pas en vain qu’on a milité une trentaine d’années dans les milieux libertaires. Puis j’ai réfléchi. Et maintenant je n’ai aucune vergogne à confesser que l’autoritarisme dont il s’agit ne m’effraye pas le moins du monde… Votre devoir est d’être avec nous, avec le peuple…." Cette attitude lui valut d’être sanctionné d’une année de retrait de sa profession par l’assemblée des correcteurs au syndicat desquels il avait été admis le 5 mars 1932.

Emprisonné à la Libération, Loréal fut libéré assez vite sur intervention de certains de ses amis. Vieilli avant l’âge, miné par un alcoolisme chronique, tenu à l’écart par la plupart de ses anciens camarades anarchistes, il eut une fin misérable : atteint d’un cancer à la gorge, il fut hospitalisé en 1955 à Tenon, où une opération ne lui accorda qu’un bref répit. Le 16 février 1956, Loréal mourut des suites d’un cancer à la gorge.
Seul de la presse, le périodique Contre-courant rappela son souvenir dans son numéro de mars 1956 : “Il avait quitté nos milieux depuis la Libération, ce qui ne voulait point dire qu’il se désintéressait de la propagande à laquelle il avait consacré sa jeunesse."

Œuvre : Contre le Crime, édité à Genève, 1920. — Rumeurs et clameurs (poèmes). - Récidiviste (nouvelle, 1925) - Collaboration à L’Encyclopédie anarchiste de Sébastien Faure (article, Idolâtrie)


Dans la même rubrique

LUNA, Antoinette
le 31 décembre 2023
par R.D.
LUCCHETTI, Conrado
le 30 août 2023
par R.D.
LUCAS, Walther, Gerard
le 19 juillet 2023
par R.D.
LUCAS, Maurice
le 19 juillet 2023
par R.D.
LUSTENBERGER, Louis, Joseph
le 9 juin 2023
par R.D. ,
Dominique Petit