Citoyen belge établi à Constantinople depuis 1901 environ, Edouard Jooris (orthographié aussi Joris) était employé dans une compagnie maritime allemande, puis pour la maison Singer. C’est chez lui qu’en octobre 1904 auraient été hébergés le révolutionnaire arménien Krista Mikaelian et sa nièce, bientôt rejoints par Zipa Rips et sa femme avec lesquels il allait préparer un attentat à la bombe contre le sultan Abdul Hamid. Il fut poursuivi à Constantinople avec 32 autres accusés suite à un attentat le 21 juillet 1905 contre le sultan qui en sortit indemne tandis que 26 personnes avaient été blessées. En décembre lors du procès, Jooris qui n’avait pas directement participé à l’attentat mais en avait eu connaissance, avait « proclamé très haut ses convictions anarchistes, qu’il approuvait l’attentat, les massacres d’Arménie rendant légitimes toutes les représailles arméniennes contrer l’auteur responsable de ces abominables carnages ». Il fut condamné à mort pour « complicité morale » avec 3 arméniens tandis que 10 autres, dont sa femme, étaient également condamnés à mort par « contumace. Les autres inculpés avaient été condamnés aux travaux forcés à l’exception de 7 qui furent acquittés. Le 19 décembre les autorités belges avaient demandé son extradition qui avait été refusée par les autorités turques. Plusieurs meetings furent tenus en Belgique (Anvers, Bruxelles, Gand…) pour exiger son extradition.
En 1907 son cas fut évoqué dans divers meetings à Paris lors de la campagne de soutien à Matha emprisonné pour « fausse monnaie ». Jean Grave, dans Les Temps nouveaux (22 juin 1907) lança un appel en sa faveur puis le congrès international anarchiste d’Amsterdam (août 1907), décida de lancer une campagne pour obtenir sa libération. Jooris fut remis en liberté le 25 décembre 1907 puis expulsé. Dans une lettre aux Temps nouveaux (18 janvier 1908) il remerciait les compagnons et signalait que jamais sa peine n’avait été commuée et qu’il était resté pendant deux ans et demi au régime « des condamnés à mort … strictement isolé et mis à l’interdit en prison cellulaire, sans occupation, toujours dans l’attente de la mort ».