Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

GOLDSCHILD, Jean “GOLDSKY” ; “Jacques Guerrier”

Né le 13 décembre 1890 à Paris — mort le 18 août 1969 — Publiciste — Paris
Article mis en ligne le 11 septembre 2007
dernière modification le 6 août 2024

par R.D.

D’une famille de huit enfants (dont Albert et Léon), Jean Goldschild dut quitter l’école à l’âge de treize ans. Son père, Gustave Isidore, ouvrier brodeur sur tulle, était un vieux militant républicain qui fut pendant six ans président de la section Combat-Villette de la Ligue des Droits de l’Homme et secrétaire de la 19e section du Parti socialiste, puis, en avril 1910, avait démissioné du parti « ne le trouvant pas assez révolutionnaire » et constituait un groupe d’action révolutionnaire dans le 19e arrondissement.

Jean Goldschild qui avait adopté le pseudonyme de Goldsky, adhéra très vite au mouvement libertaire. Dès 1906 il était membre du groupe La Jeunesse libre et collaborait au Libertaire. Il compta parmi les quelques anarchistes individualistes qui tentèrent l’expérience de la colonie anarchiste communiste de Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise) fondée en 1906 par Ernest Girault, André Lorulot et Émilie Lamotte et située rue Saint-Léger ; il a été l’administrateur du n°1 du bulletin L’Anarchiste (Saint-Germain-en-Laye, 2 numéros en juillet et août 1907) et fut remplacé pour le numéro 2 par Malterre ; cette expérience se solda par un échec et prit fin à l’automne de 1908.

Suite à la publication d’un article intitule “anarchistes et faux monnayeurs” paru dans Le Matin du 31 mai 1907, un groupe de compagnons avait envahi le 4 juin les bureaux du quotidien. Après un compte rendu de cette action dans ce même journal et jugé mensonger, il fut l’un des signataires avec notamment Noel Realis, Albert Frémant, Henri Patin, Jeanne Beau, Dugast, P. Cayaux, Tissier, L. Mournot, Henriette Roussel, Davret, Rédan et H. Valliquet d’une lettre de protestation, parue dans l’édition du 6 juin) où l’on pouvait notamment lire : « Le Matin qui fait des concours sur l’éducation de la démocratie, devrait bien comprendre que le meilleur moyen d’élever le niveau intellectuel du peuple, n’est pas de jeter la suspicion sur toute une catégorie d’hommes qui placent à la base de leur doctrine la science et la raison, mais plutôt de faire connaître et de discuter loyalement les doctrines dont il n’est pas partisan. Nos idées, logiques et humaines, ont tout à gagner à la contradiction ».

Il collaborait à la même époque à l’organe individualiste L’Anarchie (Paris, Robinson, 1905-1914) d’Albert Libertad qui en septembre 1908 aura une altercation avec Gustave Goldscshild, le père, qui l’avait traité de « mouchard » et l’avait accusé « de pousser les autres à faire ce qu’il ne veut pas faire lui-même ».

Disciple par la suite de Gustave Hervé et de son journal La Guerre sociale, Goldsky se rallia au syndicalisme et, aux côtés d’Almereyda et de Merle, fit partie des Jeunes Gardes et fut en juin 1907 l’un des 100 signataires de l’affiche antimilitariste Aux soldats. Il subit bientôt sa première condamnation : en septembre 1907, la cour d’assises de la Seine lui infligea trois ans de prison et 100 francs d’amende pour avoir, avec un certain nombre de compagnons — dont Ruff, Josse, Henriette Roussel, Molinier, Picardat et Tafforeau — rédigé et placardé un manifeste — Aux crimes, répondons par la révolte — s’élevant contre la fusillade de Raon-l’Étape. Le 28 juillet 1907, dans cette localité, des chausonniers en grève ayant organisé une manifestation, gendarmes et soldats firent usage de leurs armes ; il y eut deux morts et plusieurs dizaines de blessés. Goldsky, qui résidait alors rue Saint-Léger à Saint-Germain-en-Laye et avait été l’administrateur du premier numéro de L’Anarchiste (2 numéros en juillet et août 1907) fut remplacé à ce poste par Malterre (curieusement la lettre N du titre était imprimée à l’envers).
Le 15 mai 1908, pendant son incarcération à Clairvaux et suite à une bagarre, il fut roué de coups et blessé par deux gardiens ce qui entraîna une lettre ouverte — signée par Ruff, Molinier, Alzir Hella, Paris, Josse, Moucheboeuf, Tassereau tous détenus à Clairvaux — au ministre de l’Intérieur Clemenceau qualifié de “roi des flics qui nous passent à tabac et vont parfois jusqu’à nous tuer » dénonçant ces brutalités et avertissant que « si notre ami ou si l’un de nous est puni de quelque façon que ce soit, nous ne nous laisserons pas faire et qu’à la prochaine fois que vos délégués, les gardes chiourmes, useront ou feront user de brutalités à l’égard d’un de nous, nous répondrons par la violence ». (cf. Les Temps nouveaux, 23 mai 1908).

Il fut libéré de prison en juin 1909 et résida alors chez ses parents, 19 rue de belleville et fit inscrit au carnet B.

Quelques jours avant, lors d’une réunion du groupe la jeunesse libre, Goldsky, répondant au compagnon Cottel qui lui avait reproché d’être allé à Longchamp pour « acclamer le 17e régiment » qui s’était mutiné seulement pour ne pas tirer sur des parents ou amis, avait déclaré : « Je ne suis pas un sectaire qui se retranche dans une tour d’ivoire, je saisis toutes les occasions pour troubler l’harmonie sociale, il m’importe peu que tel révolté soit un abruti, pourvu qu’il se déclare ennemi de la société, je suis avec lui, je m’associe à ses efforts… ».

Goldsky fit partie du comité directeur de la Fédération révolutionnaire créée en avril 1909, au cours d’un congrès qui se tint à Paris, à la Maison des Fédérations, rue de la Grange-aux-Belles et qui réunissait autour de M. Almereyda anarchistes et antimilitaristes. Il collabora également à la même époque à Germinal (Amiens, 1904-1914), à L’Insurgé (Limoges, 1910-1911) publié par Petitcoulaud, au Libertaire et à l’organe anarchiste révolutionnaire Les Révoltés (Paris, 2 numéros en septembre et novembre 1909) dont le rédacteur était Georges Durupt. Parallèlement, à l’été 1910, il tint plusieurs meetings antimilitaristes lors de l’affaire Aernoult (Epernay, Paris) où il engagea les soldats à désobéir et ne pas tirer sur “leurs frères grévistes”.

Le 13 novembre 1910, il fut le délégué de La Guerre sociale à une réunion préparatoire de la Fédération révolutionnaire communiste (FRC) tenue 70 rue des Archives et à laquelle participèrent entre autres Ruff, Beaulieu, Combes, Douyau et Rivals. Le 26 novembre suivant, lors d’une réunion rue Brochant, il avait pris la défense de Louis Lecoin, déclarant qu’en condamnant le soldat Lecoin, les officiers avaient reconnu « qu’un soldat pouvait avoir une conscience et lui obéir ».

En février 1911 il participa à plusieurs meetings du Comité de défense sociale (CDS) en faveur de Rousset. Suite à la séquestration dans les locaux de La Guerre sociale de Bled, Dudragne et Métivier accusés d’être des mouchards, il fut arrêté le 27 juillet 1911 avant de bénéficier d’un acquittement le 9 octobre et d’être oncorporé au 8e Bataillon d’artillerie à Epinal, puis en décembre à l’île d’Aix (Charente-Inférieure).

Plusieurs rapports de police de septembre 1913 signalent que Jean Goldsky, alias Jacques Guerrier, rédacteur au Rappel, qui effectuait alors son service militaire au 4e régiment d’artillerie en garnison à La Rochelle, était devenu patriote (cf. Arch. Nat. F7/13332).
Comme tant d’autres, Goldsky s’était rallié à l’Union sacrée en 1914. Il fut mobilisé dans le service auxiliaire, mais, « embusqué malgré lui », il demanda à servir en première ligne (cf. L’Homme enchaîné, 26 novembre 1914) : « Dès la première menace, j’ai invité les jeunes à s’engager, je me suis efforcé de chauffer l’enthousiasme […]. De mes amis sont morts d’une mort que j’envie. De quel front pourrais-je reparaître devant ceux qui les aimaient si quelqu’un peut se lever pour dire : “Celui-là a prêché l’héroïsme ; mais, quand la mitraille passait en rafales sur ceux qui l’avaient écouté, il était à l’abri, il se cachait loin du péril”.  »

Envoyé au front, Goldsky dut cependant être évacué peu après. Dès 1915, d’ailleurs, son enthousiasme patriotique s’était apaisé, puisque cette année-là, il publia, dans Les Hommes du jour, une adresse de sympathie à Romain Rolland. À la fin de 1915, Goldsky, qui appartenait à la 22e section d’infirmiers militaires, fut versé à Paris dans un service de secrétaires d’état-major.
En mars 1916, il devint secrétaire général de rédaction au Bonnet rouge, le journal d’Almereyda, et, le 25 septembre, il fut mis en sursis par le ministre de la Guerre. Il signa dans ce journal, sous le nom de Général N…, « des articles semi-patriotes, semi-pacifistes » (cf. Le Libertaire, 10 février 1924). Sa collaboration prit fin le 12 décembre 1916. Grâce aux libéralités d’un nommé Duval qui soutint aussi Le Bonnet rouge, Goldsky fonda La Tranchée républicaine, sept numéros, 1er mai-20 juin 1917 (Bibl. Nat. Gr. Fol. Lc 2/6 456).

Jean Goldsky (bois gravé de L. Gaudeaux)

Duval, qui faisait de fréquents voyages en Suisse, fut arrêté ainsi que Goldsky, celui-ci le 24 septembre 1917, sous l’inculpation de « complicité d’intelligence avec l’ennemi ». Duval qui, jusqu’à la fin, proclama son innocence, fut fusillé ; Goldsky fut condamné le 15 mai 1918, par le 3e conseil de guerre de Paris, à huit ans de travaux forcés et à cinq ans d’interdiction de séjour. Des campagnes de presse, l’intervention de la Ligue des droits de l’Homme et de son avocat Pierre Loewel, qui en 1922 publia la brochure « Goldsky est innocent », permirent à Goldsky de ne pas être envoyé au bagne et de purger sa peine à Clairvaux. En 1922 il avait été transféré à l’Ile de Ré où, atteint de tuberculose, il avait été ensuite hospitalisé à La Rochelle.
En février 1924, le prisonnier fit pendant douze jours la grève de la faim (cf. Le Libertaire, 8 février 1924). Transféré à l’hôpital de Troyes, il fut, à sa sortie, interné au quartier politique de Clairvaux, puis libéré, par anticipation, le 10 août 1924 (cf. Le Libertaire, 11 août 1924), mais non réhabilité.

Dans une lettre à Georges Vidal, reproduite dans Le Libertaire du 21 mai 1924 et datée Maison Centrale de Clairvaux, 16 mai 1924, septième année de captivité, Goldsky affirmait : « C’est dans les milieux libertaires que j’ai appris à penser. C’est dans Le Libertaire que j’ai publié mes premières chroniques. Et si la vie, multiforme et contradictoire, m’a parfois éloigné des compagnons de mes premières luttes, ma sympathie ne s’est jamais détournée d’eux, non plus que les tendances profondes de mon action. »

Après sa libération, J. Goldschild reprit une activité journalistique, fonda Paris-Phare en 1926, Midi-Journal en 1932 et dirigea un temps l’Office général de la Presse française (OGPF). Il fut à la même époque, un des dirigeants du « Parti radical français » devenu ensuite « Mouvement radical français » (cf. H. Coston, op. cit.)
Ayant rompu avec les milieux anarchistes, il fut violemment attaqué par Loréal dans Le Libertaire du 26 juin 1931.

Au soir de sa vie, l’« ex-anarchiste », aux dires de Loréal, retrouva le chemin du journal de Louis Lecoin, Liberté (1958-1971) auquel il collabora, ce qui lui valut, lorsqu’il mourut le 18 août 1969, « une poignée de fleurs » d’AC (Alexandre Croix).

OEUVRE : En Prison, Paris, 1924. — L’Antichambre de la mort, Paris, 1929, 310 p., Bibl. Nat. 8° R 36690. — J. Goldsky publia aussi en 1937 le roman “la Dame de l’Ariana” (en collaboration avec Charlotte Charpentier) et dirigea un temps Paris-Phare (avec Pierre Dominique) et autres organes de presse.


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