Au début des années 1950, ouvrier du bâtiment et membre du Syndicat Unique du bâtiment (SUB) de la CNTF, Pierre Morain collaborait au Combat syndicaliste et le 29 novembre 1953, lors du congrès régional de la 2e Union régionale (Paris) de la CNTF avait été élu à la commission administrative. Il avait également adhéré à la Fédération anarchiste où il était membre du groupe clandestin Organisation Pensée Bataille (OPB) constitué autour de G. Fontenis pour contrôler l’organisation qui devint alors la Fédération communiste libertaire (FCL).
En accord avec le Mouvement National Algérien (MNA) de Messali Hadj, il fut envoyé au printemps 1953 dans le Nord pour y organiser l’agitation anticolonolialiste et la solidarité avec les militants algériens. Il fut l’auteur à cette époque de plusieurs articles parus dans Le Libertaire sur les conditions de vie des travailleurs algériens à Roubaix. Le 1er mai 1955 il participait à Lille aux violents affrontements survenus lors de la manifestation entre les forces de l’ordre et les travailleurs algériens porteurs de banderoles réclamant L’Algérie libre. Arrêté le 29 mai, il fut emprisonné à Loos et poursuivi avec plusieurs responsables du MNA pour « reconstitution de ligue dissoute ». Lors du procès tenu à Lille en août, lorsque le Président lui avait demandé pourquoi en tant que Français il avait manifesté avec les travailleurs algériens, il avait répondu « Non je ne suis pas français, je suis ouvrier ». Condamné avec trois militants algériens à 5 mois de prison, la peine fut portée en septembre à un an à la suite d’un appel du parquet et il fut écroué à la prison de Loos. Il fut le premier français métropolitain emprisonné pour soutien aux révolutionnaires algériens.
Pris en charge par un comité de défense parrainé notamment par Daniel Guérin, Yves Dechezelles, Claude Bourdet, Jean Cassou et avec le soutien d’Albert Camus, Pierre Morain qui avait été interné à la prison de la Santé, fut remis en liberté fin mars 1956 mais resta sous l’inculpation « d’atteinte à la sûreté extérieure de l’État » suite à un article anti-colonialiste paru avant son incarcération dans Le Libertaire. En février précédent était paru la brochure Un homme, une cause, Pierre Morain prisonnier d’État » éditée par le comité de défense.
A sa sortie de prison il rencontra la militante FCL Suzanne Gouillardon avec laquelle il devait se marier en 1957.
En janvier 1957 il participa à l’attaque par un groupe de la FCL du local du mouvement poujadiste rue Blomet dans le 15eme arrondissement de Paris ce qui lui valut d’être arrêté avec plusieurs autres militants de la FCL dont André Nedelec, Jean Le Gars, Paulette Pertois, Gabrielle Bernard et Manuel Rodriguez et d’être condamné avec Le Gars à une très forte amende qui sera couverte par une souscription spéciale et d’être incarcéré à la Santé puis à Poissy jusqu’au printemps 1958.
A sa libération et après la disparition de la FCL suite notamment à la répression, P. Morain s’intalla avec sa compagne dans la Nièvre où il allait militer au syndicat CGT du bâtiment de Nevers et adhérer au Parti communiste dont il fut par la suite exclu à la fin des années 1960 pour « orientation pro-chinoise ». Début mai 1968 il fut avec Georges Fontenis l’auteur d’un appel aux anciens de la FCL et aux militants de lUnion des groupes anarchistes communistes (’UGAC). Lié un temps à la Gauche Prolétarienne, il constitua au début des années 1970 le groupe autonome ouvriers paysans de la Nièvre et en 1974 participa à la tentative de regroupement Pour qu’une force s’assemble (PQFS) initialisée par l’Organisation Révolutionnaire Anarchiste (ORA) pour fédérer divers groupes intervenant dans les entreprises et les quartiers. PQFS avait été constitué lors d’une réunion tenue les 4-5 janvier 1974 à Paris et réunissant essentiellement des militants de l’ORA (groupes du Rail enchaîné, du Postier Affranchi, du Canard du 13e, militants d’Air-France, Usinor-Dunkerque, etc.) et un bulletin de Contribution au débat fut édité (5 numéros) ; puis le regroupement élargi à des groupes non-léninistes dont le groupe de la Nièvre, devint Pour un mouvement révolutionnaire des travailleurs (PMRT) qui disparaîtra en 1975 après avoir publié au moins 5 numéros d’un bulletin de même nom.
Puis vers 1976 il s’était installé avec sa compagne Suzanne sur le plateau du Larzac où tous deux participèrent aux luttes contre l’extension du camp militaire. Il s’impliqua par la suite dans la solidarité avec les Kanaks, la révolution nicaraguayenne le soutien aux Palestiniens et la lutte contre les OGM.
Pierre Morain est décédé le 27 mai 2013 et a été enterré le 30 à Saint-Martin du Larzac (Aveyron) en présence de nombreux militants (Alternative Libertaire, Confédération paysanne, Faucheurs volontaires, Campagne civile pour la protection du peuple palestinien, etc).