Né dans une famille bourgeoise, Robert Louzon fit de solides études scientifiques et entra à l’École des Mines. Très tôt il s’intéressa au mouvement socialiste puisque dès 1899 il adhéra au groupe des étudiants collectivistes et, en 1900, au groupe central du XVe arr. du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire (POSR) en même temps qu’il fréquentait assidûment l’Émancipation, université populaire du XVe arr.
Cependant les idées syndicalistes révolutionnaires l’attirèrent très tôt. En octobre 1931, il décrivait dans La Révolution prolétarienne, à propos d’une note sur Pouget, son évolution : « Tout jeune, porté par une force instinctive, irrévocable, vers le mouvement ouvrier, je dévorais tout ce que je trouvais dans la littérature alors fort abondante publiée par les socialistes de toutes les écoles : depuis les articles de Rochefort jusqu’au Manifeste communiste et aux œuvres de Kropotkine. Un jour, au hasard d’un kiosque, je découvris le Père Peinard. Ce me fut une révélation. Pouget me révélait à moi-même mes propres idées, celles que depuis lors je n’ai pas quittées ».
Il était donc naturel que, tout en étant, du fait même de l’unité, membre en 1905 du Parti socialiste SFIO, il travaillât avec les éléments syndicalistes du parti et collaborât à L’Avant-Garde (avril 1905-mars 1906), puis au Mouvement socialiste.
En 1906, il prêta 90 000 f à la CGT, argent nécessaire à l’achat de son immeuble de la rue de la Grange-aux-Belles. Ce fait fut connu de la direction de la Société du Gaz de Paris où il était ingénieur et il fut immédiatement révoqué.
Dès la fondation par Pierre Monatte de La Vie ouvrière, il participa aux réunions du noyau et donna à la revue, en décembre 1909, un premier article sur le « Trust du matériel des usines à gaz ». Il y collabora régulièrement par la rédaction d’études (« L’ouvriérisme et les mathématiques” ; “Les deux grandes révolutions de la technique du XIXe siècle »), des comptes rendus d’ouvrages, de notes et de documents.
En 1913, il quitta la France pour la Tunisie où il s’occupa d’une exploitation agricole.
Après avoir fait la guerre comme capitaine de zouaves, il rejoignit la Tunisie où il adhéra en 1919 à la section de Tunis du Parti socialiste. La majorité de cette section vota, après le congrès de Tours, l’adhésion à l’Internationale communiste. Robert Louzon fut alors amené à assurer la direction de L’Avenir social, organe de la Fédération communiste tunisienne, puis à prendre le secrétariat de cette fédération. En 1921, il fut poursuivi en conseil de guerre pour « diffamation envers les officiers de l’armée française » en raison d’un article de L’Avenir social, et condamné à 1 f d’amende avec sursis.
À la fin de 1921, la Fédération lança un quotidien en langue arabe qui fut interdit au bout de huit jours. Pendant une dizaine de jours, de nouveaux quotidiens en arabe furent lancés chaque jour sous un titre différent et aussitôt interdits. À la suite de ces publications, un décret fut pris qui soumit toute parution d’un journal arabe à une autorisation préalable.
En 1922, la parution, sous sa responsabilité, d’une brochure et d’un poème en arabe, valut à R. Louzon de nouvelles poursuites pour « attaque contre les droits et pouvoirs de la République française en Tunisie » et exhortation à la haine des races. Il fut condamné à huit mois de prison, condamnation réduite à six mois en appel à Alger.
À sa sortie de prison en août 1922, il fut expulsé de Tunisie et revint en France où il rejoignit Monatte et le groupe de La Vie ouvrière. En 1923, il commença à collaborer à L’Humanité, donnant essentiellement des articles économiques. Au sein du Parti communiste il se situait dans la tendance de Monatte et de Rosmer. Tout naturellement, il démissionna donc en décembre 1924 après l’exclusion de Monatte, Rosmer et Delagarde.
En 1925, R. Louzon fut du « noyau » fondateur de La Révolution prolétarienne et y commença une collaboration très régulière. Il y publia de très nombreux articles de fond et assura une rubrique : « Notes économiques ». Il en fut même, pendant plusieurs années, le secrétaire de rédaction, la revue s’imprimant à ce moment à Cannes où il résidait. En 1933 ou 1934, il fut dans les colonnes de la revue, l’un des principaux animateurs de la campagne pour la libération de Victor Serge emprisonné en URSS.
En août 1936, d’accord avec la CNT d’Espagne, il alla au Maroc contacter les Marocains des comités d’action pour qu’ils tentent d’empêcher Franco de recruter des Arabes dans le Riff. Son accord avec les républicains espagnols était tel qu’en février 1937 (ou à l’été 1936 ?) il s’engagea comme milicien dans la Colonne Durruti où il était surnommé El Abuelo (grand père) mais ne put, étant donné son âge et son état de santé — il avait déjà la cinquantaine bien sonnée —, rester plus de quelques mois sur le front. Il publia dans La Révolution prolétarienne de nombreux articles sur les problèmes de la guerre et de la révolution espagnoles et collabora à SIA (Solidarité internationale antifasciste) où il publia des textes sur les luttes anti-coloniales. Il fut membre avec entre autres Jean-Pierre Finidori et Daniel Guérin du Bureau de défense des peuples coloniaux constitué en novembre 1938 au sein de la SIA.
Le 6 février 1938, il prit la parole lors de la fête organisée à La Chaumière Niçoise parla SIA de Nice devant une centaine de personnes. Il y appela à s’unir « contre le fascisme t l capitalisme son allié » et à l’aide matérielle de l’Espagne républicaine.
Lors de la Retirada en janvier-février 1939, il était à Perpignan d’où dans le journal SIA il lança l’appel suivant : « Dans le camp de concentration d’Argelès des dizaines de milliers d’hommes sont sans nourriture et sans abri. Chaque nuit des dizaines meurent. Baraquements ou tentes et un minimum de nourriture sont indispensables. Intervenez d’urgence » (cf. SIA, n° 13, 9 février 1939). Dans le numéro suivant, sous le titre « Les assassinats organisés » il témoignait : « C’est un crime inouï, monstrueux… qui est en train de se commettre à l’heure qu’il est en Roussillon… Plus de 100.000 hommes, soldats de l’armée catalane ou civils, parqués comme des bestiaux sur les plages d’Argelès et de Saint-Cyprien, à 20 kilomètres de Perpignan, sont en train de mourir de faim et de froid, en attendant de périr de la dysenterie et de la typhoïde… La vérité est que si ces hommes d’Argelès et de Saint-Cyprien meurent de froid et de faim (sans compter les coups) c’est parce qu’on veut qu’ils meurent. On veut l’hécatombe des rouges d’Espagne. Pourquoi la veut-on ? On la veut d’abord par férocité. La bourgeoisie est une classe féroce… Dès qu’elle craint pour ses privilèges, elle voit rouge. Pour la rassurer, il lui faut périodiquement un bain de sang. Elle a massacré 20.000 ouvriers parisiens en juin 1848, elle en a massacré 30.000 en mai 1871… N’ayant pas l’occasion pour le moment de se livrer à une saignée du prolétariat français, la bourgeoisie française la remplace par une saignée du prolétariat espagnol… Si vous en doutez, lisez la presse, plus particulièrement la presse régionale, depuis le réactionnaire Indépendant de Perpignan, jusqu’à la « radicale » Dépêche de Toulouse, ou écoutez les conversations des bourgeois, vous serez fixés » (cf. SIA, n°14, 16 février 1939). Federica Montseny se souvenait que Louzon « infatigable, accourant partout avec sa petite voiture, arborant le cordon de la légion d’honneur gagné au front pendant la guerre de 14-18. Ce petit bout de ruban ouvrait beaucoup de portes qui, sans lui, auraient été fermées… » et avait notamment permis de sortir clandestinement du camp d’Argelès plusieurs camarades dont germinal Esgleas et Francisco Isgleas. Il avait accompagné également F. Montseny à Saint-Laurent de Cerdans pour y visiter son père F. Urales emprisonné et pour lequel Louzon fit toutes les démarches indispensables à sa libération.
Le 31 juillet 1939, suite à l’article « La Tunisie aux Tunisiens » paru dans SIA, il fut condamné par défaut avec Jeanson à 18 mois de prison et 500f d’amende tandis que les responsables de la SIA, Faucier, Lecoin et Vintrignier étaient condamnés à 2 ans de prison et 1000f
Résolument pacifiste, Robert Louzon signa en octobre 1939 le tract « Paix immédiate » et fut de ce fait poursuivi devant le conseil de guerre, mais obtint un non-lieu.
Il fut arrêté en mai 1940 sur ordre du ministre Mandel et envoyé dans un camp de détention, en France d’abord, puis dans le Sud algérien. Libéré en août 1941, il revint à Cannes où il vécut les années d’occupation à l’écart de toute activité militante.
En 1947, quand La Révolution prolétarienne reparut, il fit à nouveau partie du noyau et y entama dès le premier numéro une collaboration soutenue. Il publie depuis régulièrement des « Notes d’économie et de politique », au ton très libre et souvent paradoxal qui suscitèrent bien des fois d’ardentes polémiques.
Robert Louzon est mort à Antibes le 8 septembre 1976. Peu avant il avait encore écrit dans La révolution prolétarienne, un reportage sur son voyage en Chine effectué en 1974, à près de 92 ans.
Oeuvres : : L’Économie capitaliste. — L’Ère de l’impérialisme. — La Chine, ses trois millénaires d’histoire, ses cinquante ans de révolution.