Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

D’AVRAY, Charles [JEAN Charles-Henri, dit]

Né à Sèvres (Seine-et-Oise) le 9 septembre 1878 — mort le 7 novembre 1960 — Chansonnier — Paris
Article mis en ligne le 30 juin 2012
dernière modification le 8 août 2024

par R.D.
Charles D’Avray

En 1895, Charles-Henri Jean, fils d’un architecte, suivait les cours du Conservatoire de Musique et s’exerçait déjà à composer des chansons. Au cours des années suivantes, il continua à composer et, devint anarchiste après avoir rencontré le compagnon de la mère de Jeanne Humbert qui l’avait introduit dans les milieux néo-malthusiens. Devenu adepte des doctrines libertaires, il entreprit désormais sous le nom de Charles D’Avray des tournées de propagande par la chanson qu’il devait poursuivre toute sa vie durant.

Charles d’Avray a composé ainsi des centaines de chansons, « plus de mille », disait-il et sur divers thèmes :chansons rouges, chansons du trottoir, chansons de veillées… etc. Il se produisit en province, mais aussi dans les cabarets parisiens du quartier latin et de Montmartre et, notamment au Grenier de Gringoire, situé rue des Abbesses à Montmartre et dont il fut le directeur artistique dans les années 1922-1925.

En 1900 il était le directeur administratif de la feuille Le Tohu Bohu, 42 rue Véron, qu’il avait fondé avec l’employé d’assurances Victor Tourtal et intitulé journal politique, sportif, artistique et littéraire, organe officiel de l’émancipation de la femme et s’occupait également d’édition de musique. Selon les rapports de police, il avait alors pour compagne la demoiselle Massin qui avait été la créatrice de la pièce Nana de Zola au théâtre de l’Ambigu et était Dreyfusarde.

Au début des années 1900 il fut l’un des fondateurs du Groupe de propagande révolutionnaire par les arts La Muse rouge. Longs cheveux, front élevé, joues creuses, vêtu d’une longue redingote noire, Charles d’Avray présentait en un bref commentaire l’œuvre qu’il allait interpréter, estimant que la conférence agrémentée de chansons était la meilleure forme de propagande. Chacune de ces « conférences chantées » comportait trois types de chansons : celles qui se proposaient comme but de détruire le passé (Les Géants sur l’Église, Les Monstres sur la noblesse) ; celles qui étaient dirigées contre la IIIe République (Magistrature, Militarisme), celles enfin qui exaltaient la société libertaire de demain (Le Premier Mai, Le Triomphe de l’Anarchie). Chaque chanson était reliée à la suivante par une courte argumentation du chansonnier qui faisait ensuite appel à la contradiction.

En mai 1907 il avait été l’un des signataires de l’affiche antimilitariste Aux soldats. En février-mars 1908, suite à son interprétation de la chanson Militarisme, il fut poursuivi à la demande du Ministère de la Guerre à Brive, Dunkerque, Lille, Calais, Arras et Amiens notamment.

En 1909, après avoir résidé à Clichy Lagarenne, il demeurait 11 rue du Grand Prieuré à Paris (XIe arr.)

Le 26 janvier 1909, lors d’une conférence à Lorient il avait incité les jeunes conscrits à ne pas partir et en décembre de la même année faisait une série de conférences anarchistes et antimilitaristes dans le Nord où il faisait notamment l’apologie du néo-malthusianisme. L’année suivante, en mars, il faisait également une tournée de propagande dans les Alpes-Maritimes. Cette même année 1910 et en 1911 il donnait des leçons de solfège, de diction et de chant aux pupilles du IIIe arr., groupe contrôlé par les syndicats et la parti socialiste.

Au début des années 1910 il était membre du groupe L’Effort dont le secrétaire était Léon Bouchet.

En 1911, il suppléa Almereyda à la direction de La Guerre sociale où il fut chargé principalement du groupe des « Jeunes Gardes ». Il aurait alors appartenu à la 3e section du Parti socialiste SFIO (il prit à ce titre la parole à une réunion organisée le 17 octobre 1910). Il était alors domicilié 31 rue Croix Nivert (XVe arr.).

Mobilisé en août 1914, il le demeura jusqu’en mars 1919. En 1916 il se trouvait à Etampes.
En 1919 il participait à la campagne pour l’amnistie et contre les bagnes militaires et écrivait la chanson A bas Biribi dont le refrain disait : « Abolissez les bagne militaires ; Où tant de gars laissent encore leur peau ; Abolissez ces gouffres sanguinaires ; Au fond desquels baigne votre drapeau ; Pour une fois, soyez humanitaires ; Abolissez les bagnes militaires ».
Dès 1920, il reparut dans les galas anarchistes tant à Paris qu’en province. Il donnait à cette époque des cours au conservatoire de la chanson situé 39 boulevard de Strasbourg.

Charles d’Avray fut indirectement impliqué dans l’affaire Philippe Daudet ; le soir du 23 novembre 1923, il avait aidé le fils du leader de L’Action française, en lui prêtant la somme de 35 f ; le lendemain, Philippe Daudet mourait tragiquement (assassinat ou suicide ?). Ces circonstances dramatiques créèrent bien des difficultés au chansonnier et notamment une violente campagne contre lui orchestrée par L’Action française, aboutissant à la fermeture par la police du Grenier de Gringoire 6 rue des Abbesses.

A compter de septembre 1924 il donna au Grenier un cours de chant, de diction et de déclamation, entièreùment gratuit, chaque samedi et dimanche.

En 1927, sous l’égide de La Muse Rouge, son camarade et ami François Coladant publia un numéro spécial des fascicules Nos Chansons contenant 9 de ses œuvres inédites.
Le 13 ocrtobre 1927, il fut poursuivi pour le poème Ils étaient deux (Sacco et Vanzetti) paru dans Le Libertaire (3 septembre 1927).

Le 1er février 1928, inculpé de « provocation directe au meurtre dans un but de propagande anarchiste », il fut condamné par défaut — il s’était réfugié en Belgique — à un mois de prison et 200 f d’amende ; le 3 septembre, sur appel, la 11e chambre correctionnelle lui infligeait un mois de prison avec sursis.

Charles D’Avray

Au début des années 1930, comme la plupart des chansonniers libertaires — dont Coladant, Couté, Jolivet, Monteil — il s’opposa vigoureusement à l’adhésion de La Muse rouge à la Fédération du théâtre ouvrier de France (FTOF) contrôlée par le Parti communiste. Cette position majoritaire à La Muse Rouge entraîna de la part des organisations communistes un appel au boycott des chansonniers de la Muse. Charles D’Avray et ses camarades continueront jusqu’à la guerre d’animer les goguettes de la Muse et les sorties et fêtes des groupes et journaux libertaires et pacifistes.

A la Libération il continua d’animer des fêtes libertaires et en 1949 ouvrit même un nouveau cabaret situé rue des Abesses Chez l’vieux où il continua de chanter avec ses ancoens camarades de la Muse. En mars 1954, pour lui venir en aide, un gala fut organisé à kla Salle des Sociétés savantes et en 1958, à l’occasion de son 80e annoversaire, un nouveau gala avait réuni autour de lui entre autres Roger Monclin, Noel Noel, Jean Lumière, Jacques Grello et Jeanne Monteil. C’est à l’occasion de ce gala que fut enregistré puis gravé sur un disque vinyl le vieux barde libertaire.

Charles d’Avray, qui était également franc-maçon — il avait fréquenté la loge Equité de Pantin, affiliée au Grand Orient — mourut à Paris, à l’hôpital Tenon, le 7 novembre 1960 et a été inhumé le 9 au cimetière du Père Lachaise où furent prononcées des allocutions par J. Olive (groupe des Amis de Sébastien Faure), Maurice Joyeux (Fédération anarchiste), Ch. Bontemps (Liberté) et Catty (syndicat des chansonniers). Trois années auparavant, il avait perdu sa compagne Hélène, Aline Discher. Il lui avait consacré un recueil de cinquante poèmes, Le Livre du Souvenir, d’où nous extrayons ces quelques vers de facture typiquement anarchiste et qui montrent qu’à près de quatre-vingts ans le chansonnier avait conservé ses idéaux de jeunesse :

Viens chez moi ! — Écrivain pourchassé — Déserteur — Avorteur — Justicier — Étranger — À toute loi je suis hostile — Anarchiste invétéré, — Je pratique le droit d’asile — Et pour moi, ce droit est sacré !Charles-Auguste Bontemps écrivit de lui : « Il parlait clairement, simplement au peuple, dans le langage du peuple »

Œuvres : — parmi les milliers de chansons composées par Charles D’Avray, et dans la série qu’il appelait « Chansons rouges » regroupant ses chansons révolutionnaires, il convient de citer entre autres : Amour et volonté, A Bas Biribi, La chanson de notre jeunesse, La chanson d’un incroyant, Le Chant des combattants de la paix, La Chevauchée infernale, Dictature, Egalité, Espagne Espagne, Les fous, Fraternité, Les géants, Les Gueux, L’Homme libre, L’Idée, L’Insurrectionnelle, Jeunesse, Liberté, Loin du rêve, Magistrature, Maternité, Militarisme, La moisson rouge, Monsieur Schneider et Cie, Ne votez plus, Paroles d’un révolutionnaire, Patrie, Le Peuple est vieux, Pour mon vieil ami l’anarchiste, Le premier Mai, Les Pieds nus, Procréation consciente, La Prolétarienne, Prostitution, Le sang des ouvriers, Le Triomphe de l’anarchie, L’UA, Vers l’idéal, La Vierge noire.


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