Né dans une famille catholique et de condition modeste, Johann Most fit preuve dès son adolescence d’un esprit de révolte, organisant dans son école une manifestation, refusant d’assister à la messe et se définissant très vite comme athéiste républicain. A la suite d’une inflammation il avait dû subir en mars 1859, au début de son adolescence l’ablation d’une partie de la mâchoire qui le laissa défiguré toute sa vie. Puis il avait entrepris un compagnonnage d’ouvrier relieur qui le conduisit de 1863 à 1868 en Allemagne, Italie et en Suisse où à Locle il adhéra à la Société allemande d’éducation ouvrière, puis à La Chaux-de-Fonds (Suisse) où en 1867 il prit contact avec la section de l’Internationale et devint socialiste. Il fut nommé secrétaire de la section locale qui passa de 17 à 72 membres.
Après avoir été licencié à la suite de son militantisme il alla s’installer en 1868 en Autriche où il devient l’un des des principaux animateurs du mouvement social. Le 5 mai 1869, il fut condamné à 1 mois de prison suite à une manifestation. Après une condamnation en juillet 1870 à 5 ans de prison à la suite d’une prise de parole à Vienne et sa libération en février 1871 à la suite d’une amnistie, il entreprit aussitôt une tournée d’agitation ce qu lui valut d’être expulsé d’Autriche.
Most alla alors en Allemagne, d’abord à Leipzig dont il fut expulsé puis à Chemnitz où il allait éditer le journal Chmenitzer Freie Presse (6 juillet 1871-octobre 1873) qui lui valut de nombreuses poursuites. Condamné en septembre 1872 à 18 mois de prison pour « crime de lèse majesté », il fut interné à Zwickau où il rédigea Kapital und Arbeit, une explication et une interprétation du Capital de Marx. A sa sortie de prison en octobre 1873, les menaces de la police l’amenèrent à quitter Chemnitz où il avait été élu député social démocrate en 1874. Il fut une nouvelle fois condamné en mai 1874 à 19 mois de prison pour avoir célébré, lors d’un meeting public tenu à Berlin le 18 mars 1874, la Commune de Paris, perdit alors son mandat et resta emprisonné jusqu’au mois de juin 1876, une incarcération qu’il racontera dans son livre « La Bastille de Plötzensee”. Après sa libération de prison, il commença à collaborer au journal social démocrate Berliner Freie Presse, dont il devint l’un des éditeurs (juillet 1876-mai 1878) et commença à s’opposer à plusieurs leaders sociaux démocrates dont Liebknecht et Engels. La campagne qu’il avait commencé en 1877 contre la religion et l’Église ne fit que renforcer cette opposition avec les principaux responsables sociaux démocrates. En octobre 1877 il avait été condamné à Leipzig à 3 mos de prison, peine purgée à Berlin. En 1878, pour contravention à la loi sur les réunion il avait été condamné enSaxe à 6 semaines de prison. Cette même année 1878 il avait également été condamné à 2 mois (Leipzig), 2 mois (Berlin en avril) et 1 an (Elberfeld, octobre). A la suite de cette drnière condamnation il était alors sous le coup d’un mandat d’arrêt.
A la suite de l’intensification de la répression et de la promulgation de lois d’exception contre les socialistes, Most, qui avait gagné Hamburg après avoir été expulsé de Berlin, et était sous la menace d’un nouvel emprisonnement — de l’automne 1868 à décembre 1878, il avait déjà passé plus de 5 années derrière les barreaux — décida de s’exiler à Londres avec sa femme Clara Hänsch qu’il avait épousé en janvier 1874.
Dès son arrivée à Londres et à la demande du club communiste allemand des travailleurs (CABV), il participa le 25 décembre 1878 à la fondation puis la direction rétribuée du journal allemand Die Freiheit (n°1 le 3 janvier 1879) qui, avec le soutien du Club allemand de Londres et en particulier de John Neve allait être introduit clandestinement en grande quantité en Allemagne et en Autriche. Ses critiques du réformisme social-démocrate dans les colonnes du journal entraînèrent son exclusion du parti en août 1880 et une campagne de calomnies contre lui.
En août 1879, venu à Bruxelles pour y donner plusiers conférences, il fut arrêté le lendemain de son arrivée et expulsé le 10 août du Royaume. en même temps que le français Paul Brouse. Ces expulsions ntraînèrent la publication d’une affiche de la section bruxelloise de l’AIT (voir portfolio) et l’organisation d’une réunion de protestation. Dès le 11 août Most avait été tansféré à Osttende où il avait été embarqué à destination de Douvres.
Dès septembre 1880 Freiheit, sous l’impulsion de Most qui se définissait alors comme socialiste révolutionnaire, commença à publier les principes révolutionnaires de Bakounine et les premiers articles vraiment anarchistes d’August Reinsdorf.
L’année suivante il avait été pressenti pour collaborer à la nouvelle revue socialiste révolutionnaire L’Anarchiste dont le premier numéro (paru ?) devait être publié à Boston en janvier 1881.
Se rapprochant de plus en plus des anarchistes, il rencontra à Londres de nombreux militants dont notamment Malatesta, Victor Dave et des compagnons russes. Début mars 1881, aux cotés notamment de Riedman, Figueras, Des Martys (ou Demartys) et Gustave Brocher (voir ce nom), il avait participé à la première réunion du comité d’initiative d’un congrès anarchiste international dont il avait été l’un des plus ardents promoteurs. Toutefois à la réunion il se montra très hostile au choix de Londres comme lieu du congrès. Ce congrès se tiendra finalement à Londres du 14 au 19 juillet 1881 en présence de 43 délégués, mais en l’absence de Most emprisonné.
Most devint rapidement l’objet de persécutions de la police et fut arrêté à plusieurs reprises. Suite à la publication dans Freiheit (19 mars 1881) d’un article justifiant l’assassinat le 13 mars précédent par les socialistes révolutionnaires du Tsar Alexandre II, il fut arrêté le 30 mars, poursuivi à partir du 1er avril et fut condamné le 25 mai à 16 mois de travaux forcés, peine confirmée en appel en juin. Dès le début du procès un grand meeting réunissant plusieurs milliers de participants avait eu lie dans un faubourg de Londres et avait été
dispersé par la police. Freiheit auquel Most parvint à collaborer depuis sa prison, continua de paraître en Grande-Bretagne jusqu’au 3 juin 1882.
Libéré de prison le 25 octobre 1882 et après quelques semaines en Suisse, suite à une invitation du Club socialiste révolutionnaire de New York, Most décida alors d’émigrer, d’y transférer Die Freiheit et le 2 décembre 1882 s’embarqua à Liverpool pour les États-Unis où il allait développer très vite une grande activité. Avant même son arrivée à New York le 18 décembre, le premier numéro de Freiheit, édité aux États-Unis, apparaissait à New York le 9 décembre grâce aux articles qu’il avait déjà envoyé à son camarade Justus Schwab.
Outre l’édition de Die Freiheit, Most qui se qualifiait définitivement comme anarchiste et était un orateur de talent, allait effectuer des tournées de conférences (Boston, Baltimore, Kansas City, etc), fonder la troupe de théâtre Free Stage, publier de nombreux textes de propagande dont La Peste religieuse et aussi polémiquer avec notamment l’individualiste Benjamin Tucker.
Suite à l’assassinat en mai 1882 à Dublin du secrétaire d’Etat à l’Irlande F. Cavendissh et de de Burke par des nationalistes irlandais, Most avait notamment déclaré : « Si le peuple ne le sait pas encore, je proclame ici que je tends la main droite de l’amitié aux hommes accusés du meurtre de Cavendish et Burke à Dublin. Je ne regarde pas cet acte comme un meurtre. Au contraire, je déclare qu’ils ont exercé le privilège le plus haut et le plus sacré des citoyens. Personne ne prétend qu’ils aient été inspirés par des motifs personnels : ils n’obéissaient qu’aux nécessités politiques. Celui là seul qui sait comment le gouvernement anglais traite ses sujets, sait ce qu’ils souffrent jusqu’à ce que leur colère atteigne lkeur oaroxyme. Je le répèrte, ces hommes n’étaient point des meurtriers, lmais des agents acrédités pour l’exécution des tyrans ». (cf. L’Echo du Parlement, 1er avril 1883).
Le 18 mars 1883 il avait été l’un des orateurs à New York d’une réunion publique de commémoration de la Comune de Paris.
Auteur dans les colonnes de Die Freiheit d’un manuel sur le bon usage des explosifs (Science de la guerre révolutionnaire) il fut bientôt dénoncé comme l’ennemi public numéro par la presse bourgeoise qui le rendit directement responsable de l’affaire de Haymarket à Chicago (campagne de mai 1886 pour la journée de 8 heures) où plusieurs policiers avaient été tués par une bombe et qui fut suivie par la pendaison le 11 novembre 1887 de 4 militants anarchistes — Albert Parsons, August Spies ; George Engel, Adolph Fisher — et le suicide en prison de Louis Lingg… Arrêté le 11 mai 1886, il fut condamné le 2 juin à un an de prison pour « incitation à l’émeute » et interné au pénitencier de Blackwells Island dont il fut libéré en avril 1887.
En 1897 il était l’éditeur du quotidien Buffaloer Arbeiterzeitung dont Die Freiheit devenait alors un supplément hebdomadaire.
Toute sa vie il fut l’objet de campagnes de calomnies et de caricatures. A ce sujet Emma Goldman écrivit : « De temps en temps il m’envoyait quelques lignes : il faisait des commentaires spirituels et caustiques des gens qu’il avait rencontré, ou bien il dénonçait un journaliste qui, après l’avoir interviewé, avait écrit sur lui un article infamant. Parfois il glissait dans une lettre sa caricature parue dans un journal et ajoutait en marge : “Attention, tueur de dames !” ou “Voici l’ogre qui dévore les enfants”. Je n’avais jamais vu de caricatures aussi brutales et cruelles. ». L’un de ses jeunes fils, John, né en 1894, se souvenait encore en 1979, des injures (famille de rats anarchistes) et de caillassage de leur appartement modeste du Lower Eats Side par le voisinage.
En 1902 suite à un article, écrit 50 ans auparavant par Heinzen, et publié par Die Freiheit lors de l’assassinat du président Mac Kinley par Czolgocz, il fut une nouvelle fois arrêté et condamné à un an de prison. Libéré le 11 avril 1903, il fêta le 1er juin 1904 les 25 ans de publication de Die Freiheit.
Malade et épuisé, Most, qui s’était marié avec Helene Minkin et était père de deux enfants — Lucifer et John —, se lança dans une nouvelle tournée de conférences au cours de laquelle, le 17 mars 1906, il devait mourir à Cincinati.
Le Libertaire (8 avril 1906) saluait « ce vieux lutteur… mort… après cette existence active et modeste sans avoir suscité autre chose que l’amitié de ses compagnons et la haine des repus sur son chemin de souffrance et de combat. Pauvre il a vécu, pauvre il est mort. Et contre le mal violent qui le frappait, contre le désespoir, exhalant encore avec son dernier souffle l’ultime expression de son dégoût et de sa haine contre la vieille société bourgeoise cruelle, injuste et imbécile ».
Comme l’écrivit Renée Lamberet « Sa vie avait été aussi une lutte continuelle contre l’adversité… la grande presse et la police ne laissaient passer aucune occasion de l’attaquer et de l’humilier. Cependant il ne se découragea jamais, et par son tempérament de lutteur et de rebelle, son style incisif et son éloquence, il maintint une grande activité jusqu’à sa mort ».
L’organe anarchiste communiste Freiheit allait continuer d’être publié à New York jusques 1910.
Œuvres : — Neuestes Proletarier-Liederbuch von Verschiedenen Arbeiterdichtern (Nouveau livre de cchansons prolétariennes par divers poètes ouvriers), Chemnitz : Druck und Verlag der Genossenschafts-Buchdruckerei, 1873. ; — Kapital und Arbeit : Ein Populärer Auszug aus “Das Kapital” von Karl Marx (Capital et travail), Chemnitz : G. Rübner, n.d. [1873]. Revised 2nd edition, 1876. ; — Proletarierleben : Soziales Zeitgemälde (Une vie de prolétaire : une vision sociale de notre temps (1874) ; — Die Pariser Commune vor den Berliner Gerichten : Eine Studie über Deutschpreussische Rechtszustände. (La Commune de Paris au tribunal de Berlin). Brunswick, Germany : Bracke Jr., 1875. ; — Die Bastille am Plötzensee : Blätter aus meinem Gefängniss-Tagebuch (La Bastille de Plötzensee : Pages de mon journal de prison) ; Brunswick, Germany : W. Bracke, 1876. ; — Der Kleinbürger und die Socialdemokratie : Ein Mahnwort an die Kleingewerbtreibenden (Le petit bourgeois et la sociale démocratie), Augsburg : Verlag der Volksbuchhandlung, 1876. ; — Gewerbe-Ordnung für das Deutsche Reich : Mit Erläuterung der für den Arbeiter wichtigsten Bestimmungen (Le Code industriel de l’Empire germanique), Leipzig : Verlag der Genossenschaftsbuchdruckerei, 1876. ; — Freizügigkeits-Gesetz, Impf-Gesetz, Lohnbeschlagnahme-Gesetz, Haftpflicht-Gesetz : Mit Erläuterung der für den Arbeiter wichtigsten Bestimmungen (La loi sur la liberté de ciculation…), Leipzig : Verlag der Genossenschaftsbuchdruckerei, 1876. ; — “Taktika” contra “Freiheit” : Ein Wort zum Angriff und zur Abwehr (“Tactique” contre “Freiheit”). London : Freiheit, n.d. [c. 1881]. ; — Die Freie Gesellschaft : Eine Abhandlung über Principien und Taktik der Kommunistischen Anarchisten : Nebst Einem Polemischen Anhang (La Société libre : un essai sur les principes et tecqtiques des communistes anarchistes). New York : self-published, 1884. ; — Revolutionäre Kriegswissenschaft : Eine Handbüchlein zur Anleitung Betreffend Gebrauches und Herstellung von Nitro-Glycerin, Dynamit, Schiessbaumwolle, Knallquecksilber, Bomben, Brandsätzen, Giften usw., usw. (Science de la guerre révolutionnaire.), New York : Internationaler Zeitung-Verein, 1885. ; — August Reinsdorf und die Propaganda der That (August Reinsdorf et la propagande par le fait). New York : self-published, 1885. ; — Acht Jahre hinter Schloss und Riegel. Skizzen aus dem Leben Johann Most’s. (Huit ans sous les verrous). New York : self-published, 1886. ; — Die Hoelle von Blackwells Island (L’enfer de Blackwells Island). New York : self-published, 1887. ; — An das Proletariat (Au proletariat). New York : J. Müller, 1887. ; — Die Eigenthumsbestie (The Property Beast). New York : J. Müller, 1887. ; — Die Gottespest (La Peste religieuse), New York : J. Müller, 1887. ; — The Accusation ! A Speech Delivered by John Most, at Kramer’s Hall, New York, on November 13, 1887, in Denunciation of the Judicial Butchery of the Chicago Anarchists : For Delivering Which, He Has Been Sentenced to Twelve Month’s Imprisonment by Judge Cowing. London : International Publishing Co., n.d. [c. 1887]. ; — Vive la Commune. New York : J. Müller, 1888. ; — Der Stimmkasten (The Ballot Box). New York : J. Müller, 1888. ; — The Social Monster : A Paper on Communism and Anarchism. New York : Bernhard and Schenck, 1890. ; — The Free Society : Tract on Communism and Anarchy. New York : J. Müller, 1891. ; — Zwischen Galgen und Zuchthaus (Between Gallows and Penitentiary). New York : J. Müller, 1892. ; — Anarchy Defended by Anarchists. With Emma Goldman. New York : Blakely Hall, 1896. ; — Down with the Anarchists ! This is the War-Cry Raised by President Roosevelt and Echoed by the Congress of the United States. Now, Then, Hear the Other Side ! The Anarchists will Take the Floor. Listen !. New York : John Most, n.d. [c. 1905]. ; — Memoiren, Erlebtes, Erforschtes und Erdachtes (Memoires : Experiences, Explorations, and Pensées). In 4 volumes. New York : Selbstverlag des Verfassers, 1903–1907.