André Girard, employé de bureau à la Préfecture de police qui collaborait à La Cocarde sous le pseudonyme de Max Buhr et qui était depuis longtemps en relations de sympathie avec Jean Grave, défendit celui-ci dans les colonnes du journal lorsqu’en 1894 il se trouva détenu à Clairvaux.
La véritable identité de Girard ayant été découverte, il fut aussitôt révoqué. Il travailla alors comme correcteur ; il fut admis au syndicat en mars 1902. De 1905 à 1908, puis en 1915-1916, il appartint au comité syndical. Il quitta le syndicat en 1922 pour la CGTU et fut réadmis en janvier 1936.
Lorsque parurent Les Temps nouveaux (premier numéro, 4 mai 1895), il en devint un fidèle collaborateur, notamment de la rubrique Le Mouvement social.
André Girard, qui avait collaboré avec Pelloutier à l’éphémère Action sociale (Paris, 5 numéros du 1er au 29 février 1896) de Bernard Lazare et à la revue L’Art social (Paris, 1891-1892 & 1896) de Gabriel de la Salle et Augustin Hamon, ne croyait pas à l’innocence de Dreyfus ; ou tout au moins, comme pour les anarchistes à cette époque, le sort de Dreyfus, militaire et bourgeois, ne l’intéressait pas. Après la parution du « J’accuse… » de Zola, une évolution se produisit chez de nombbeux anarchistes, et André Girard, ébranlé par la lettre de Zola, la qualifia « d’acte révolutionnaire » de « coup formidable porté au militarisme et au respect de l’armée », et il jugea « absurde » l’abstention (cf. Les Temps nouveaux, 13-19 août 1898). Il collabora au Journal du Peuple, fondé en 1899 par Sébastien Faure à l’occasion de l’Affaire
Vers 1894, quelques essais qui n’aboutirent guère avaient été tentés par les anarchistes pour créer des coopératives de production. En 1898, A. Girard tenta à son tour un essai sur la base d’échange de services sans estimation de valeur. Il exposa ses vues dans Les Temps nouveaux (cf. n° de janvier-février 1898). Mais la proposition d’André Girard, peu réaliste, ne fut pas suivie d’effet.
En 1897, aux cotés notamment de Élisée Reclus, Kropotkine, Louise Michel, Janvion, Jean Grave, Charles Albert et R. Laurens, il fut membre du groupe d’initiative pour la création d’une école libertaire.
L’assassinat du roi Umberto 1er d’Italie par l’anarchiste G. Bresci en juillet 1900 fut l’occasion d’une prise de position des anarchistes à l’égard des attentats et, toujours dans Les Temps nouveaux, André Girard écrivit sous le titre : « Tirez fort, visez juste ! » : « Quelque sympathie, quelque admiration même qu’on puisse éprouver pour le ferme courage d’un homme qui, de propos délibéré, s’offre en holocauste en frappant un dirigeant voué par ses crimes à l’exécration publique, la vérité doit être hautement proclamée, dans l’intérêt même de l’issue de la lutte sociale. Ce n’est pas la tête politique qu’il importe de frapper. C’est la tête économique, la Propriété qu’il faut atteindre… » (cf. n° du 4-10 août 1900).
Les anarchistes, après la période des attentats, tentèrent à nouveau d’assurer une certaine cohésion de leur mouvement. Ce fut en 1900 l’organisation d’un congrès révolutionnaire à Paris, congrès qui se qualifiait d’antiparlementaire et qui fut interdit ; seuls les rapports qui devaient y être présentés parurent dans Les Temps nouveaux. Certains groupes, celui des ESRI (Étudiants socialistes révolutionnaires internationalistes) en particulier, menèrent campagne en faveur de « La constitution d’une Fédération communiste révolutionnaire internationale groupant les groupes communistes libertaires du monde entier ». Cette Fédération n’aurait eu pour but que de permettre aux camarades de se connaître et de correspondre. Certains — parmi lesquels André Girard (cf. Les Temps nouveaux, 8-14 septembre 1900) — donnèrent leur accord, mais Jean Grave fut hostile à ce projet.
A l’hiver 1900 il avait adhéré au Groupe de solidarité internationale et aux détenus.
Il s’agit sans doute du André Girard qui, à l’automne 1901, était avec E. Gouvine l’animateur de l’Université populaire de Montrouge où il résidait 14 rue Dupuis.
En 1903 il collabora à la nouvelle série de L’Homme libre (Paris, 14 novembre 1903- 26 mars 1904) publié par E. Girault.
Au printemps 1903 il fut l’un des signataires d’un manifeste contre le dogmatisme de l’enseignement officiel et pour le droit des enfants. Il y constatait que l’enseignement laïque « Loin de réformer les méthodes dogmatiques et autoritaires de l’enseignement clérical, les a au contraire adoptées en se bornant à substituer à l’idolâtrie religieuse, l’idolâtrie du Capital, du Drapeau et de la Guerre ». Avec d’autres camarades, dont jean Grave, il appelait alors à reformer l’École libertaire et fondait une Ligue pour la défense de l’enfant. Il demeurait alors 14 rue Dupuis, au Grand Montrouge.
A partir du printemps 1904, il fut chargé de la rédaction et de l’administration de la revue L’Éducation intégrale de Paul Robin.
Un autre problème important fut débattu dans Les Temps nouveaux : le néo-malthusianisme, dont Paul Robin s’était fait l’apôtre. Cette doctrine avait attiré beaucoup d’adeptes dans les milieux libertaires, mais les anarchistes des Temps nouveaux et Girard en particulier se refusèrent à voir dans « cette théorie purement régénératrice […] la solution principale à la question sociale au point de vue économique » (cf. Les Temps nouveaux, 14 septembre 1912).
Lors de l’affaire Bonnot. A. Girard, face à l’illégalisme, prit une position nettement hostile (cf. Les Temps nouveaux, 6 janvier 1912) : « Si les bourgeois, dans l’application de leurs principes d’individualisme égoïste, sont des bandits, les soi-disant anarchistes qui suivent les mêmes principes deviennent, par ce fait, des bourgeois et sont aussi des bandits. Bandits illégaux, peut-être, mais bandits quand même et également bourgeois. »
André Girard était aussi un artiste et un compositeur. Lors de la fête des Temps nouveaux du printemps 1912, il avait présenté Les Pythagoriciens : prélude et hymne au soleil du 2e acte dont il était l’auteur de la musique et des chœurs.
En août 1913, se tint à Paris un congrès anarchiste où fut élu une commission de neuf membres « chargée de constituer définitivement la nouvelle fédération », et André Girard en fit partie (voir P. Martin).
Et puis ce fut la guerre. On sait que de nombreux anarchistes, comme l’écrivit J. Grave (cf. Le Mouvement libertaire sous la IIIe République, p. 242), « inorganisés, trop peu nombreux, s’étant toujours tenus à l’écart de la masse […] étaient complètement réduits à l’impuissance ». Quelle fut la position de Girard ? Dans une lettre du 21 février 1915, adressée à son camarade Mougeot, il écrivait : « Ta lettre comme beaucoup d’autres que nous recevons de camarades mobilisés nous font voir que malgré le cataclysme qui passe sur l’Europe, la plupart conservent intactes leurs idées. Il était à craindre que le milieu, l’emballement de la guerre ne modifiât leurs manières de penser. Eh bien ! il n’en est rien. » Et plus loin, il ajoutait que beaucoup de patriotes « reviendront de leurs illusions sur les beautés de la guerre, du militarisme et de la gloire meurtrière. Ils auront vu tout ça de près et sauront ce que ça vaut. Alors, quand nous, nous lutterons pour que ces choses disparaissent, ils seront avec nous, au moins de cœur ». André Girard, à l’automne 1914, avait collaboré à La Bataille syndicaliste, mais ne s’était rallié qu’avec bien des réserves à la thèse de la défense nationale. Dès février 1915 — sa lettre le montre — il s’était complètement repris et, finalement, entra en conflit avec Jean Grave qu’il désavoua publiquement en faisant paraître avec Ch. Benoît la brochure Un désaccord. Désormais, comme trésorier, il fut un des principaux animateurs d’un « groupe des Temps nouveaux dont Benoît fut le secrétaire. En février 1917, ce groupe fit paraître une seconde brochure Projets d’avenir. Girard collabora à l’organe pacifiste Ce qu’il faut dire (avril 1916-fin 1917) de S. Faure, puis fut rédacteur en chef de la revue mensuelle L’Avenir international (Paris, 32 nuùéros, janvier 1918-août octobre 1920) dont à partir de mars 1919 il assuma la gérance en remplacement de J. Beranger. Cette revue, dont un grand nombre de rédacteurs étaient d’anciens collaborateurs des Temps nouveaux, se montrait très favorable à la révolution russe.
Après la guerre, Girard collabora à La Vie ouvrière et, sans entrer au Parti communiste (cf. Le Libertaire, 11 février 1925) adhéra, en 1922, à la CGTU et travailla un temps avec Vernochet comme permanent à l’Internationale des Travailleurs de l’Enseignement (ITE). G. Cogniot, dans Parti pris, le qualifie ainsi : « Homme probe et droit, profondément estimable. » Il demeura toutefois l’anarchiste qu’il avait toujours été et, en 1935, répondant à une enquête du Libertaire (cf. n° du 29 novembre 1935), il écrivait : « Oui, le “Front populaire " prépare à la fois les bonnes élections de " gôche " de 1936 et le “climat moral " propice à une prochaine guerre du " Droit”, de la " Justice " et de la “Liberté ». »
En 1939, il demeurait à Chartres (Eure-et-Loir) et c’est sans doute là qu’il mourut le 8 avril 1942. Il avait été, à ses heures, compositeur de musique.
André Girard avait collaboré à de très nombreux titres de la presse libertaire dont outre ceux cités dans la notice : AIA (Paris, 1906), Almanach De La Revolution (Paris, 1906), Bulletin De La Ruche (Rambouillet)
Oeuvres : (Cotes de la Bibl. Nat.) : Éducation et autorité paternelles, Paris, 1897, 16 p., broch. n° 6 (8° R. 15 263). — Anarchie, Paris, 1901, 11 p. — Au fumier le drapeau ! Roubaix, 1901, 4 p. (8° Lb 57/13 162). — L’Éducation pacifique, Paris, 1902 15 p. — L’Enfer militaire, Paris, 1911, 55 p., broch. n° 44 (8° 15 263). — Le Parlementarisme contre l’action ouvrière (en collaboration avec M. Pierrot), Paris, 1912, 15 p., broch. n° 52 (8° R. 15 263). — Anarchistes et bandits, Paris, 1914, 23 p., broch. n° 70 (8° R. 15 263). — Du rôle social des Universités populaires (in Les Temps nouveaux, 1905).