
Après avoir participé début 1896 à une campagne abstentionniste dans le XIIIe arrondissement, Georges Butaud, né en Belgique de parents français, avait publié dès l’automne 1897 dans Le Père Peinard, un appel recensant les compagnons convaincus “de l’utilité de fonder une colonie anarchiste en France”. Il résidait alors à Paris, 4 Passage Boiton (XIIIe arr.). En 1898 il fut signalé dans de nombreuses réunions publqiues et en novembre avait receuilli avec sa compagne Sophia, l’enfant de Francis Prost condamné suite à un article paru dans Le Crid de Révolte.
Venant de Genève, il arriva à Vienne (Isère) vers 1899 où il aurait travaillé (?) comme tailleur de pierre (selon d’autres sources il aurait été tailleur à la Comédie française) et avait été le fondateur et gérant du Flambeau " organe des ennemis de l’autorité " paraissant à Vienne (n° 1, septembre 1901 — n° 13, 16 mars 1902). Le 1er février 1902, suite à un article d’Antignac où ce dernier avait écrit que bien des malheurs auraient été évités si Napoléon III avait été assassiné, il avait été poursuivi devant le tribunal correctionnel de Vienne (Isère) et condamné avec Antignac, qui n’avait pu se présenter au tribunal, à 15 jours de prison et 50 francs d’amende (cf. Le Libertaire, 8 février 1902).
Au printemps 1902 il était parti pour Paris, où il demeurait 1 Boulevard Davoust et avait participé à la campagne abstentionniste notamment aux cotés de Girault, Libertad et Louise Reville.
Butaud estimait que les colonies anarchistes, milieux libres, essais communautaires, constituaient des tentatives à encourager, car " si un certain nombre de producteurs pouvaient actuellement se réunir et vivre, dans le milieu bourgeois, de la vie communautaire, en laissant à chacun toute l’initiative, toute la liberté dont il doit disposer, ils fourniraient à tous leurs concitoyens un exemple frappant " (G. Butaud, L’Ouvrier des Deux-Mondes, 1er avril 1898).
Butaud lui-même tenta plusieurs essais et, en 1899, ce fut celui de la colonie de Saint-Symphorien-d’Ozon (Isère). Avec Zisly, Armand, et autres, il fut à l’origine de la constitution d’une société " pour la création et le développement d’un milieu libre en France " dans le but de " tenter une expérience de communisme libre ". Puis il fut un des animateurs du Milieu libre de Vaux, petite commune du canton d’Essomes-sur-Marne (Aisne) près de Château-Thierry, dont Henri Beylie était le secrétaire et trésorier. L’essai dura de 1902 à 1906. Butaud et sa compagne, Sophia Zaïkowska — il était marié à une autre Sophia (Kossowska ?) — s’y installèrent en mars 1903. Il aurait publié à cette époque un périodique intitulé L’Autarchie (Château-Thierry, paru ???) et se présentait comme le secrétaire du groupe de propagande végétalienne et développait les théories du crudivégétalisme. Lucien Descaves l’a ainsi présenté à cette époque : “garçon intarissable et joyeux, rouge de barbe et de cheveux”, avec une " figure ardente de bon diable illuminateur ", " l’homme qui ne croit pas aux miracles — et qui en fait ".
G. Butaud et sa compagne quittèrent la colonie en avril 1904, puis y revinrent à l’automne. L’affaire fut liquidée en février 1907, tuée, écrivit Zisly, " par l’incohérence, le parasitisme, parfois l’imbécilité, aussi par l’estampage de certains soi-disant camarades " (cf. Le Libertaire, 24 février 1907).
G. Butaud participa, avec notamment Trimel, à un nouvel essai à Saint-Maur (Seine), 59 bis, quai de la Pie, où il s’installa en avril 1913. On s’y adonnait à l’élevage, à l’agriculture, et la colonie comprenait aussi quelques ateliers. On y pratiquait la polygamie, mais, écrivait Zisly, cela " ne va point sans causer quelques aléas " (voir l’Unique, n° 32, juillet-août 1948). Henriette Tilly et Scott étaient également parmi les animateurs du Milieu libre de la Pie auquel participèrent aussi Grosset, Georges Renard, Belverge, Baudon et Lapierre entre autres. Selon un rapport de police daté de juin 1913, le milieu libre comptait une “vingtaine de compagnons et de nouvelles chambres doivent être aménagées pour recevoir de nouveaux compagnons. Ceux qui y habitent payent 18 francs par semaine, ils travaillent à Paris et rentrent le soir à la colonie… Butaud y dispose d’une presse au moyen de laquelle il imprime son journal La Vie Anarchiste, paraissant chaque quinzaine.”. La police ajoutait que divers membres de la colonie diffusaient une brochure rouge intitulée >i>En cas de guerre et que la colonie disposait d’une filiale dans le XXe arrondissement, appelée Le Nid et dont le responsable était Louis Roger.
Le 14 mars 1914, aux cotés de Mauricus, Thuilier et Courty, il avait été l’un des orateurs du meeting organisé 33 rue Blomet par le groupe anti-parlementaire du XVe arrondissement (voir Portfolio). Il y avait notamment déclaré : “Lorsqu’un individu vote, il abandonne ses droits aux mains de l’élu, or, si on considère que la plupart des électeurs se contentent de voter et ne s’occupent plus ensuite de leurs mandataires, on comprendra aisément que l’action de voter n’est autre chose qu’un acte de renoncement à être soi même. Ne votez donc pas, ne vous donnez pas, ne vous abandonnez pas aux parlementaires, parce que ceux ci font leurs affaires et non celles du peuple".
Butaud était également membre fondateur du Groupe des mille communistes qui se réunissait 49 rue de Bretagne et dont faisaient entre autres partie Scott, Henriette Tilly, M. Lienard, Madeleine Pelletier et Leconte.

Après la guerre de 1914-1918, Butaud pratiqua le végétalisme, collabora au Néo-naturien et participa à la colonie de Bascon près Château-Thierry (Aisne). Le 1er avril 1923, il fonda à Paris le Foyer végétalien, appelé aussi Œuvre préventive des misères humaines. Le Foyer, situé 40 rue Mathis (19e arr), avec un sous-sol et deux étages reliés par un monte-charge, comprenait un dortoir de six lits, une bibliothèque et un réfectoire où étaient servis pour 2, 50 fr. des repas végétaliens. Des cours de physique-chimie, de français, d’espéranto et d’Ido, d’orateur, etc. y étaient donnés ainsi que des conférences. Le foyer, qui servait également de boite aux lettres à divers groupes anrchistes, fut, à la mort de Butaud, géré par des compagnons espagnols dont Enrique Guma, Jean Muñoz, Juan Torrens et Augustin Ronamy.
En 1924 il avait ouvert un nouveau foyer végétalien 3 rue Fodéré à Nice qui comptait une dizaine de lits et organisait conférences et cours d’espéranto. En novembre 1924 il avait commencé à publier à Vence (Alpes-Maritimes), où il tenait un café, le mensuel Le Végétalien (Vence, 1924-1925, puis Ermont, 1925-1929, au moins 20 numéros en 3 séries), tiré à un millier d’exemplaires et repris à Ermont par Sophie Zaikowska lorsque le couple s’y installa vers l’été 1925.
Le Semeur contre tous les tyrans du 10 mars 1926 annonça que G. Butaud venait de mourir à Ermont (Seine-et-Oise) le 26 février 1926, âgé de 57 ans. A la veille de sa mort, il avait encore le projet de fonder une colonie en Ariège pour laquelle Tricot avait promis son concours.
OEUVRE : Ce que j’entends par individualisme anarchiste, juin 1901, 27 p. – Essai d’étude du besoin (Bascon, 1903) — En collaboration avec S. Zaïkowska : Étude sur le travail, Bascon par Château-Thierry (Aisne), 1912, 8 p. — L’Individualisme anarchiste et sa pratique, Saint-Maur, 16 p. — Seigneur de Château-Thierry, Nogent-l’Artaud et autres lieux, et croquant de Bascon, 1908 ; - Le végétalisme (préf. du Dr Legrain) ; - L’individualisme conduit au Robinsonisme ; - En collaboration avec V. Lorenc et J. Laboulais Résumé de la doctrine végétalienne ; - En collaboration avec S.Zaïkowska Tu seras végétalien (1925 ?).