Eugenio Agostinucci fut l’un des protagonistes du mouvement des chômeurs de Rome à la fin des années 1880 et au début des années 1890. A partir de 1890, avec Ettore Gnocheti et Pietro Calcagno, il se consacra à la formation de la Fédération anarchiste. Suite à sa participation à une réunion en mars 1891, il fut condamné à trois mois de prison et à une amende. Membre de la commission organisatrice de la manifestation du 1er mai 1891, à laquelle particpèrent quelques 2.000 manifestants derrière le drapeau de la Fédération anarchiste révolutionnaire et qui se termina par de violents affrontements causant un mort et une centaine de blessés, il fut condamné le 4 juillet 1892 par la Cour d’appel de Rome à 28 mois et 15 jours de prison ainsi qu’à un an de surveillance spéciale.
Après avoir bénéficié d’une amnistie, il poursuivit activement la propagande anarchiste et participa aux manifestations romaines de protestation contre les ratonnades anti-italiennes survenues à Aigues-Mortes (août 1893) où plusieurs ouvriers italiens avaient été assassinés. Il fut une nouvelle fois arrêté ce mois d’août 1893 et emprisonné pour « association de malfaiteurs ». Le 7 janvier 1894, suite à une réunion avec Ettore Gnochetti qui se termina par des affrontements avec la police aux cris de « Vive la Révolution !Vive l’anarchie », il fut arrêté et condamné à 2 ans et 3 mois de prison. En 1895 il était assigné à résidence sur l’île de Ponza, puis était renvoyé à Rome sous surveillance spéciale.
En 1899, Agostinucci partait pour Bucarest où il restait quelques mois avant de gagner la France où, le 23 juin 1900, il s’installait à Nice où il allait exercer divers métiers (tapissier, peintre, marbrier) et très vite participer au noyau militant du groupe anarchiste local. D’abord hébergé chez le compagnon Giovanni Talchi, il le fut ensuite (septembre) chez Andréa, 6 quai Place d’armes, puis en octobre, rue Emmanuel Philibert chez M. Auda.
Six mois après son arrivée, la police le signalait à la Sûreté générale comme un militant « d’une intelligence supérieure et doué d’une force physique peu commune ». Considéré comme « très dangereux » et l’un des dirigeants des anarchistes, la police signalait qu’il fréquentait « avec assiduité les réunions du parti libertaire tenues 18 rue Ségurante » et qu’il participait « à toutes les réunions des syndicats ».
Fin janvier 1901, il fut l’objet d’un procès-verbal avec A. Venturi et Mancini pour “violences légères”.
Le 1er mai 1901, en se rendant au restaurant Cuggia, quartier Saint-Sylvestre, répondant à l’invitation de la Fédération socialiste révolutionnaire italienne (FSRI), un groupe qui comptait sept italiens — Agostinucci, Casalini, De Angelis, Ferrini, Pero, Venturi, Oberti — cria à plusieurs reprises les slogans « Vive Bresci, Mort au Roi, Vive l’anarchie !”
Agostinucci assista et contribua à l’éclatement de la Bourse du travail de Nice. Lors de la scission qui se produisit, il suivit les indépendants et entraîna avec eux tous ses amis politiques. La nouvelle Bourse indépendante s’intitula Fédération des chambres syndicales ouvrières de Nice, installée 7 rue Emmanuel Philibert. Elle était plus radicale que la Bourse que la Bourse place Saint-François, soumise à la municipalité. La nouvelle Bourse adhérait à la CGT et se réclamait du syndicalisme révolutionnaire.
Agostinucci fut l’un des animateurs de la grève des ouvriers peintres, parcourant les chantiers et débauchant les ouvriers qui travaillaient encore.
Pendant la grève des débardeurs, il fit partie du Comité qui tenait permanence au siège du syndicat et à la Bourse indépendante.
Entre novembre 1902 et mars 1903 il fut signalé à Rome. A l’été 1903 il fut également signalé à Antibes avec notamment Motta et André Venturi.
Lors de la grève générale de septembre 1903, Agostinucci participa à la première réunion des grévistes le 25 septembre. Le 27 septembre eurent lieu des affrontements violents entre la police qui protégeait des cantonniers non-grévistes et les manifestants. Agostinucci se trouvait à la tête des balayeurs grévistes qui en arrachant leurs outils de travail aux cantonniers municipaux amenèrent des troubles qui se produisirent pendant une heure sur les boulevards au Pont-Vieux et Mac-Mahon. Le lendemain, lorsque la police voulut expulser les grévistes de la Bourse indépendante, Agostinucci était dans le local. Des bouteilles furent lancées sur les agents.
Les 12-20 juin 1907, il alla à Rome pour y participer au congrès anarchiste national qui s’y tint. Puis, à Nice, il fit partie du Comité pour la libération d’ A. Masetti –formé d’anarchistes, de sociallistes et de républicains — qui se proposait également de lancer une souscription pour l’organisation d’une campagne antimilitariste en Italie. Il était à cette époque en relations avec les compagnons émigrés aux États-Unis d’où il recevait le journal Cronaca sovversiva. Sous le pseudonyme de Miorn, il serait l’auteur de divers articles parus dans le journal espagnol Tierra y Libertad (Nice, au moins 4 numéros, octobre 1909-février 1910) dont le responsable était José Estivalis Cabo Armand Guerra.
Le 23 avril 1911, la police signala qu’il était de nouveau allé à Rome.
En 1919, il demeurait alors 209 boulevard du Mont Boron à Nice. Cette année là — ses déplacements étaient encore surveillés par la police — il se rendit à Vichy (Allier) où il travailla dans l’entreprise de peinture Demagistri.
A partir de 1919, son nom se fit plus rare dans les rapports et il s’éloigna du mouvement anarchiste ; lors de son adhésion à la Ligue italienne des droits de l’homme (LIDU), il s’était inscrit comme socialiste. Déjà âgé et en mauvaise santé, il cessa alors rapirement tout militantisme politique.