D’abord employé de commerce, Régis Meunier entra ensuite dans les ordres comme capucin à Fontenay-le-Comte (Vendée), puis, cédant aux pressions de sa mère, il fut trappiste à Bellefontaine (Manche ?). Dégouté des turpitudes commises dans ce couvent, il décidait de reprendre sa liberté et parvenait au bout d’une année à s’échapper de cet établissement religieux et à gagner Luçon (Vendée) où il commença à entretenir une correspondance avec divers journaux socialistes.
Clerc d’huissier à Luçon en 1889, il fut condamné, le 29 octobre de cette même année, à dix-huit mois de prison pour abus de confiance (détournement d’une somme de 24 francs) ; lors du procès il avait justifié son geste par « Le droit de prendre sa part des détournements commis de complicité avec son patron sur les objets saisis ».
Après sa mise en liberté conditionnelle, il se retira à Nantes où il se mit sous la protection du Comité de patronage des condamnés libérés et où il ne tarda pas à intégrer le groupe anarchiste.
Aux cotés notamment de Victor Cails et de Faugoux, il fut l’un des animateurs du syndicat des hommes de peine de Nantes fondé le 10 février 1890.
Deux ans plus tard, il fut poursuivi à Nantes avec V. Cails, Courtois et Genest pour avoir distribué de la propagande en faveur du 1er mai et fut à nouveau condamné, le 2 juillet 1891, à un an de prison et 100 f d’amende pour excitation au meurtre et au pillage. Meunier qui s’était défendu lui même avait notamment déclaré : “…Vous pouvez me condamner, je ferai ma peine : lorsque je serai en prison, j’aurais le temps de réfléchir, mais rien ne me fera changer d’idée : anarcho je suis aujourd’hui, anarchiste je serai lorsque je sortirai du clou et je continuerai à conseiller la violence comme seil moyen de la révolution sociale ». Au prononcé du jugement il cria « Vive l’anarchie », ce qui lui valut un mois de prison supplémentaire et, à nouveau, 100 f d’amende. Dès sa libération de la Maison d’arrêt il donna une conférence à Saint-Nazaire puis alla à Angers encourager les ouvriers des filatures à se mettre en grève.
Les 27 et 28 octobre 1892, il donna à Agen (Lot-et-Garonne) devant une centaine d’auditeurs deux conférences ayant pour thèmes “la fumisterie des politiciens” et “les libertés se prennent mais ne se donnent pas”. Le commissaire chargé de la surveillance de ces réunions notait que Meunier était « un orateur fort médiocre, diffus et sans chaleur » mais s’exprimant « toutefois avec une certaine correction, évitant d’employer les expressions violentes, grossières, injurieuses auxquelles ont habituellement recours les anarchistes ».
De décembre 1892 à février 1893, il résida à Limoges où il fut notamment hébergé par Barthélémy Beaure et où il donna plusieurs conférences.
En février 1893, Meunier dit Pieds Plats était cordonnier à Angers (Maine-et-Loire) et, en avril, il participa en avril à l’organisation de la grève des ouvriers filassiers au cours de laquelle se produisirent des émeutes (18 et 21 avril). Puis il alla s’établir à Trélazé comme raccommodeur de chaussures, enfin à Lambézellec (Finistère) en octobre où il vécut en communauté à Keranfurus Izella dans une maison surnommée “la maison des anarchistes” où résidaient également les compagnons Émile Hamelin, André Bizien, Jean Marie Petrequin et leurs compagnes. Il fut à cette époque l’un des orateurs principaux des conférences anarchistes et anticléricales organisées par le groupe. A l’été 1893 il fut particulièrement actif lors d’une grève des ouvriers tisseurs. Début janvier 1894, comme de nombreux autres militants de la région, il fut l’objet d’une perquisition au cours de laquelle furent saisies « des notes de conférences, des brochures anarchistes et deux bouteilles de glycérine ».
Arrêté à la suite d’incidents de grève qui avaient eu lieu à Trélazé, accusé d’« association de malfaiteurs », Meunier, à qui l’on reprochait également d’avoir donné des conférences à Limoges et à Brest, fut condamné par la cour d’assises d’Angers, le 30 mai 1894, à sept ans de travaux forcés et à dix ans d’interdiction de séjour pour une prétendue tentative d’attentat à la dynamite. Au même procès avaient été condamnés Chevry à 5 ans de travaux forcés, Philippe à 5 ans de prison et Fouquet à 2 ans de prison tandis que Mercier et Guesnier avaient été acquittés.
Dans les années qui suivirent, la presse libertaire — dont Les Temps nouveaux, le Libertaire, La Sociale, etc.- évoqua son cas lors de campagnes pour la libération des compagnons condamnés au bagne.
Selon la lettre d’un compagnon à Cayenne, Meunier, au printemps 1896, se trouvait à bord d’une chaloupe allant de Cayenne à la Montagne d’Argent qu’une dizaine de bagnards avaient tenté de détourner vers Démérara (Guyane anglaise), mais qui pour la plupart avaient été repris. Toutefois le compagnon ignorait si Meunier avait participé à cette tentative d’évasion (cf. La Sociale, 19 juillet 1896).
Au moment de l’affaire Dreyfus et de la publication de “J’accuse” de E. Zola, Émile Pouget avait interpelé ce dernier à ce sujet : « Voyez vous les bons bougres, tant que le pauvre peuple tombe seul sous la coupe des jugeurs et des garde-chiourmes, les journaleux restent indifférents et muets comme des carpes. Mais ça change de gamme dès qu’un jean-foutre de la haute se trouve pris dans la filière… et vous Môssieu Zola… que ne réclamez-vous avec la même flamme que pour Dreyfus, la mise en liberté de Girier-Lorion, de Meunier, de Chevry, de Monod, de Liard-Courtois, de Vauthier, de Lardaux ? Dites… Pourquoi ? » (cf. Le Père Peinard, 16 janvier 1898).
Sa peine achevée au bagne, il vécut à Saint-Laurent-du-Maroni, où il était en somme libre, mais on lui refusa d’aller à Cayenne. Il travaillait à la briqueterie de la commune pénitentiaire de Saint-Laurent pour un salaire de 2, 75 f par jour, le pain coûtant 0, 40 f les 500 grammes.
A l’automne 1900, dans une lettre adressée à Lard Courtois, il écrivait : « Le 17 août dernier, on m’a annoncé que remise du restant de ma peine m’était faite, mais en laissant subsister l’interdiction de séjour… Malgré cette grâce apparente, je n’en suis pas moins au bagne. Aussi je dois travailler dix heures par jour, sous les ardeurs du soleil que vous connaissez, pour la somme dérisoire de 2fr.75, et encore, je fais des jaloux, je suis un privilégié… Des centaines de relégués individuels et de libérés ayant de l’interdiction de séjour sont là ; travaillant beaucoup pour la nourriture et le logement seulement, les autres, forcément, pour un salaire dérisoire. Heureux encore qui trouve un morceau de pain en travaillant comme une bête » (cf. Les Temps nouveaux, 12 janvier 1901).
Il écrivit également à Ludovic Ménard une lettre datée du 7 mars (1901 ?) : « Revoir ma mère, la France, vous tous, frères ! Cette pensée, cet espoir […] j’en ai les larmes aux yeux, oui, je pleure, pardonnez-moi cette faiblesse, j’ai tant souffert, et aujourd’hui encore […] Notre cher Duval habite avec moi, un petit taudis que je loue 8 f par mois, en attendant que la case de sa concession soit faite… Si je revenais parmi vous, mes amis, avec seulement la moitié des qualités du compagnon Duval, je vous serais un sujet d’édification. Jugez donc de ce qu’est cet apôtre de la vérité. "
Meunier contribua à l’évasion de Clément Duval condamné aux travaux forcés à perpétuité.
Il écrivit encore à propos de Saint-Laurent du Maroni :
« Comme habitants, des Noirs, fainéants, lâches et crapules, de malheureux Indiens abrutis par le tafia, des Blancs condamnés libérés ou autres misérables fiévreux, anémiés, plus maltraités que les parias hindous, des chiourmes assassins, ignobles, orgueilleux comme poux, qui vivent sur la teigne, des fonctionnaires, ah ! les fonctionnaires, ils rendraient des points à tous les mandarins de Chine et d’ailleurs. »
Régis Meunier fut gracié par décret en date du 18 juin 1901, à la suite d’une démarche faite par la Ligue des Droits de l’Homme et revint en France en 1902. A son retour il semble avoir vécu du coté de Limoges où dès l’automne 1902 il donnait des conférences et où en 1903 il était membre de la Ligue des droits de l’homme et des jeunesses libertaires. Il fit alors plusieurs conférences antireligieuses dans la région (notamment en juin 1903) et s’employa « à plusieurs reprises et en voisin, à déchristianiser les enfants de Saint-Junien » (cf. C. Dupuis). Il était à cette époque le correspondant à Limoges de la nouvelle série de L’Homme libre (Paris, 1903-1904) publié par Ernest Girault.
Installé ensuite à Brest il y poursuivit la propagande anarchiste. Régis Meunier est décédé le 26 juin 1936.