Né dans une famille juive hassidique d’Ukraine, Sacha Piotr, dont le véritable nom était peut-être Alexander Shapiro, avait adhéré en 1904, à l’âge de 14 ans, à un groupe anarchiste. En 1906 il était arrêté avec l’ensemble du groupe et était condamné à mort. Après être resté trois semaines dans les cellules de condamnés à mort, la peine était commuée en prison à vie, en raison de son jeune âge. Interné à Moscou, il était ensuite transféré suite à l’intervention d’un ami influent, à la prison de Yaroslav où les conditions de détention étaient meilleures.
Lors d’une de ses nombreuses tentatives d’évasion, il fut grièvement blessé au bras gauche qui devra être ultérieurement amputé. Il tenta également de se suicider. En 1914, et pendant une année entière, il fut interné dans un isolement total. Libéré par la révolution de 1917, après avoir passé douze ans derrière les barreaux, Sacha Piotr, qui était proche des militants anarchistes Lev Tcherny (assassiné par les bolchéviques) et de Maria Nikiforova (fusillée par les blancs), participait à la révolution en Ukraine où il fut responsable d’un détachement anarchiste lié à la Makhnovtschina. Il était alors marié avec Rachel Shapiro dont il aura un fils appelé Dodek. En 1921, alors qu’il était recherché par les bolchéviques, il gagnait Minsk où il rencontrait Alexander Berkman qui l’aidait financièrement puis, avec l’aide de Lia, une femme juive, franchissait clandestinement la frontière Russo-polonaise avec des faux papiers au nom d’ Alexander Tanaroff.
Il gagnait ensuite Berlin puis Paris. En mai 1924 il fut avec entre autres Sébastien Faure, Ugo Fedeli, Séverin Férandel et Isaak Gurfinkel Walecki l’un des fondateurs de l’Oeuvre internationale des éditions anarchistes où il représentait le mouvement anarchiste russe et collabora, sous le nom de Sacha Peter, à son organe trilingue (français, espagnol, italien) La Revue internationale anarchiste (Paris, 8 numéros du 15 novembre 1924 au 15 juin 1925). A Paris il fut très lié à l’écrivain yiddish Scholem Asch et au peintre Aron Brzezinski et fréquenta le groupe anarchiste russe dont Nestor Makhno.
A partir de 1925 il fut hébergé à Fontenay-sous-Bois par le compagnon italien Onofrio Gilioli dans le pavillon à deux étages que ce dernier avait construite de ses mains sur un terrain acquis en mai 1934 et où résidèrent plusieurs autres militants réfugiés.
Puis il allait à Berlin où il allait travailler comme photographe de rue et rencontrer sa deuxième femme Hanka Grothendieck dont il aura un fils Alexander né en 1928. Avec la montée de l’antisémitisme et du nazisme le couple, après avoir confié leur fils à une famille progressiste allemande, revenait en France en 1933. Entré sans visa, muni d’un passeport Nansen, il fut l’objet d’un arrêté d’expulsion le 10 mars 1935, ce qui provoqua l’intervention, sas succès, de la Ligue des Droits de l’homme en sa faveur.
Dès le début des événements d’Espagne à l’été 1936, tous deux partaient pour Barcelone y participer à la révolution. Sacha, lors d’une assemblée des volontaires étrangers, leur racontera son expérience en Russie et ce que les bolchéviques avaient fait aux anarchistes (cf. Supplément au Bulletin d’information CNT-FAI, 19 juin 1937).
Rentré en France lors de la Retirada de février 1939, il gagna Nîmes où sa compagne, réfugiée politique, était employée comme “domestique” par le commissaire de la ville et, en mai, quelques mois avant le début de la guerre, récupérait leur fils Alexander. Le 30 octobre 1940 Sacha Piotr fut interné au camp du Vernet, où May Picqueray, venu visiter le militant italien Fernando Gualdi, le rencontra et parvint à lui donner de la nourriture. Sa compagne Hanka et leur fils furent internés en 1940 au camp de Rieucros, puis, parvinrent à se cacher dans les Cévennes pendant l’occupation. Sacha Piotr a été arrêté par la Gestapo — qui aurait alors saisi une valise contenant de nombreux documents sur l’histoire du mouvement Makhnoviste — puis déporté sous le nom d’ Alexander Tanaroff à Auschwitz où il était assassiné par les nazis sans doute en 1942.
Sa compagne Hanka qui avait survécu à la guerre et s’était installée à Montpellier (Hérault) avait écrit une nouvelle inédite « Eine Frau » sur leur vie à Berlin. Elle est décédée en 1957 des suites d’une tuberculose contractée au camp de concentration. Leur fils Alexander Grothendieck (1928-2014), devenu un mathématicien réputé, a consacré plusieurs pages à son père (voir le site Grothendieckcircle