Christian Lagant avait appartenu à la libération au Groupe Artistique Montmartrois (GAM) puis au groupe surréaliste « Les enfants du paradis » qui éclata rapidement suite aux querelles entre anarchistes et communistes. Ajiste actif, membre du groupe Espero, il participa à la scision qui donna naissance au Mouvement Indépendant des Auberges de Jeunesse (MIAJ) et collabora à son organe Regain (Paris, 45 numéros d’avril 1951 à novembre 1967). Il était également un espérantiste convaincu membre de l’organisation SAT.
C’est au début des années 1950 qu’il vint au local du quai de Valmy de la Fédération anarchiste pour y proposer ses dessins qui bientôt parurent dans Le Libertaire sous la signature Cri Cri. Devenu militant actif du groupe du 18e de la FA, il défendait une conception sociale de l’anarchisme. Lors du congrès de 1951 il fut nommé au comité de lecture du Libertaire avec Devançon, Lustre, Devillard et Fontenis.
Le 21 mars 1952, comme secrétare des jeunesse libertaires de la FAF, il avait été avec Simon Artois (comission syndicale), Serge Nin (secrétaire à la propagande) et Georges Fontenis (Comité national), l’un des orateurs du meeting tenu par la Fédération anarchiste à a salle des Prévoyants (Gambetta) pour protester contre la répression en Espagne.
Au congrès de décembre 1953, lors de la prise de contrôle de l’organisation par Georges Fontenis, 1953 il avait été nommé à la Commission des conflits du nouveau Comité National et poursuivit son militantisme à la Fédération Communiste Libertaire (FCL) au sein du groupe Paris nord. Après la publication en août 1954 par le groupe Kronstadt d’un Memorandum dénonçant les agissements des partisans de Fontenis regroupés au sein de l’organisme secret OPB (Organisation Pensée Bataille) et la décision de participation de la FCL aux élections de janvier 1956, le groupe Kronstadt fut exclu de la FCL. Christian Lagant, après avoir participé au congrès de mai 1955 démissiona alors de l’organisation avec les camarades des groupes de Saint-Germain-en-Laye et de Mâcon. Il écrivit ultérieurement un texte critique, « La FCL et les élections du 2 janvier 1956 » (cf. Noir et Rouge, n°9, qui sera réédité en 1971 par le groupe d’Arles de l’ORA, au moment de contacts et de tentatives de rapprochement entre l’ORA et le Mouvement Communiste libertaire (MCL) de G. Fontenis).
Puis il fut l’un des fondateurs à l’automne 1955 des Groupes d’Action Révolutionnaire Anarchiste (GAAR) dont l’organe allait être la revue Noir et Rouge (Paris, 46 numéros de mars 1956 à juin 1970) dont il sera le directeur. Dans le dernier numéro paru, Christian Lagant publiait un long texte sous le titre « Sur le néo anarchisme » où il racontait ainsi la naissance de la revue : « En 1955 divers groupes et camarades, la plupart, après une décevante expérience et leur départ de la Fédération Anarchiste transformée en décembre 1953 en Fédération Communiste Libertaire aboutissant à une sirte de parti plus trotskiste que libertaire qui devait se suicider politiquement après le summun de la participation aux élections législatives de 1956… décidaient de se regrouper et créaient les GAAR en novembre 1955. Le premier numéro de Noir et Rouge est sorti à 50 exemplaires ronéotés en mars 1956 ; nous terminons au n°46, en juin 1970 à 3.000 exemplaires, 3.500 même au n°45… A l’origine cette revue était l’expression d’une organisation : les GAAR (Groupes Anarchiste d’Expression Révolutionnaire) lesquels ont scissionné en 1961n des camarades partant à la FA, pour créer l’UGAC (Union des groupes Anarchistes communistes), les autres formant le groupe Noir et Rouge… ». Lorsque la majorité des GAAR avaient décidé de rejoindre la FA, Christian Lagant avait fait partie de la minorité qui s’y était opposé et qui constitua le groupe Noir et Rouge et poursuivit la publication de la revue qui devint un lieu ouvert de débats théoriques et d’analyses du mouvement libertaire et eut une certaine influence lors des évènements de mai 1968. C’est au cours de ce mouvement que la plupart des membres du groupe dont Christian Lagant collaborèrent et participèrent aux réunions du groupe Informations et Correspondances Ouvrières (ICO) dont le but était « de réunir des travailleurs qui n’ont plus confiance dans les organisations traditionnelles de la classe ouvrière, partis et syndicats… » et « considérant que les luttes sont une étape sur le chemin qui conduit vers la gestion des entreprises et de la société par les travailleurs eux-mêmes ».
En mai 1958, lors du “coup d’État larvé” du général De Gaulle, les GAAR avaient impulsé un Comité de coordination libertaire qui s’était élargi en Comité d’action révolutionnaire regroupant les trotskistes du PCI, le syndicat CGT des charpentiers en fer, la CNT Pouvoir ouvrier, Socialisme ou barbarie, L’école émancipée, les jeunesses socialistes autonomes, le mouvement des auberges de jeunesse (MIAJ), comité qui avait appelé à la manifestation du 28 mai sous les mots d’ordre « Fusillez les généraux ! Paras = SS ! A bas l’armée ! ».
Parallélement Christian Lagant participait au groupe Jeunes Libertaires auquel appartenaient entre autres Paul Barrère, René Bianco, Helyette Bess, Élisée Georgev, Tomas Ibañez, Pierre Labous Pierric, Marc Prevotel, Nestor Romero, Marcel Viaud et bien d’autres. Il collabora au bulletin de même nom (Paris, 1953-1967) et aux diverses activités clandestines du groupe : aide au insoumis et déserteurs pendant la guerre d’Algérie, soutien aux activités de la Fédération Ibérique des Jeunesses Libertaires (FIJL) dans ses activités antifranquistes, mise en place d’une filière permettant la vasectomie, pratique des avortements, etc.
Dans les années 1960 il collabora également au Monde Libertaire organe de la FA et au bulletin Recherches Libertaires (Viry Chatillon — Strasbourg, 9 numéris de décembre 1966 à mars 1972) publié par Michel Hirtzler et Annie Piron.
Suite à l’assassinat en Espagne de Salvador Puig Antich et de la publication d’un article condescendant et méprisant pour les anarchistes dans le journal “Libération”, il fit la réponsa suivante : “… Certes, il y a bien longtemps de ça, les foules s’étaient rassemblées, battues pour Sacco et Vanzetti, mais depuis ? Les “grands” partis de la gauche officielle appelèrent jadis à manifester pour le communiste Grimaud fusillé par le régime franquiste, et nous anarchistes, nous joignîmes à cette protestation. Mais peu de temps après les militants libertaires Delgado et Granados étaient garrottés dans l’indifférence quasi totale. Ce n’étaient que des anars, ces juifs du mouvement ouvrier et révolutionnaire, vous savez bien, ces gens dont les mots d’ordre en Espagne, selon M. Chabrol cinéaste (“Pour le cinéma”, 9 janvier) d’abord “Viva la Muerte” et ensuite “Nada”, ce qui prouve que le bonhomme sait de quoi il parle, à ce détail près que “Viva le muerte” fut lancé par le général franquiste Millan Astray et que “Nada” est nihiliste, tout ce qu’on veut, mais sûrement pas anarchiste. Qu’importe ! Ce genre de saleté est allègrement colporté de film en roman : voir “Nada” précisément écrit en Série Noire par un petit malin, puis le présent film de Chabrol, voir “Solo” et ses “anarcho-fascistes”, voir “La Bande à Bonnot” — sous titré “les anarchistes” — film à palme objective mais en fait dégueulassement anti-anar… Alors voilà : nous les pelés, les galeux, ceux dont on garrotte les copains espagnols… on commence à en avoir marre que les margoulins, faiseurs de fric en tout genre, salissent en plus l’anarchisme et les anarchistes. On ne demande pas l’adhésion, ni même le soutien, voire un essai de compréhension, non, mais on leur demande de la boucler un peu, de la mettre en veilleuse ; les anars ce n’est pas le folklore que ces gens-là voudraient, ce ne sont pas les belles chansons, de bons “tubes”, ce sont plus simplement des hommes et des femmes, jeunes et moins jeunes, qui se battent obscurément, durement et pas quoiqu’on en dise pour “Nada »(cf. Libération, 18 mars 1974).
Christian Lagant, qui était correcteur dans le labeur et adhérent au syndicat CGT, et l’auteur de nombreux dessins d’inspiration surréaliste restés inédits, ne désirant plus vivre dans une société revenu à la « normale », se suicidait le 2 décembre 1978.
Dans un texte intitulé Mon Testament (cf. Jeunes Libertaires, mars 1963) il avait écrit :
« Si je meurs/ Ne vous fatiguez pas pour moi/ L’incinération ou le cimetière ?/ Cela me laise froid /
Ne chantez pas de Marseillaise ou d’Internationale/ Ne cherchez pas de drapeau noir, de drapeau rouge, de drapeau noir et rouge/ Ne cherchez pas tout ça/
Si j’ai un trou/ Ne vous « recueillez » pas // Je n’y serai pour personne / Même si vous voulez me voir / Je serai plus loin avec les copains / Heureux de les voir rire / rigolant avec eux/
Je serai près du fou sous la cheminée traîtresse/ et si je m’y cogne les « Jeunes du Monde Entier »/ ne seront pas ébréchés. /
Pas de tristesse, amis, sinon j’irai la nuit/ vous chatouiller les pieds/ pour vous faire rire. »