Dictionnaire international des militants anarchistes
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MARTINEZ VITA, Juan “{MORENO” ; “JUAN DE HORTA}”
Né à Sufli (Almeria) le 10 mai 1914 – mort le 3 novembre 2001 - Ouvrier du bâtiment ; docker - FIJL - FAI – CNT – Barcelone (Catalogne) – Marseille (Bouches-du-Rhône)
Article mis en ligne le 7 juillet 2008
dernière modification le 20 avril 2024

par R.D.
Juan Martinez Vita "Moreno" (Marseille, 1944)

Juan Martinez Vita avait commencé à militer très jeune à la Fédération Ibérique des Jeunesses Libertaires (FIJL) et à la CNT du quartier de Horta (Barcelone) où il avait émigré avec sa famille dans les années 1920. Il participa à une grande grève du secteur du bâtiment et au mouvement insurrectionnel de décembre 1933. Membre en 1934 d’un groupe de défense de la FAI, il fut mis sur les listes noires patronales et dut à partir de 1935 vivre de petits boulots. Membre des groupes de défense il fit partie des militants qui combattirent immédiatement le soulèvement militaire de juillet 1936 :

« Le 19 juillet 1936 était un dimanche et je me trouvais à Barcelone. Ce jour là devaient se célébrer au stade de Montjuich des Olympiades populaires avec la participation de plusieurs pays étrangers. Mais ce que l’on inaugura très tôt ce matin-là, ce fut un soulèvement ou coup d’État contre la République ou, pour être plus précis, contre la classe ouvrière.

Vers les trois heures du matin, les troupes qui purent sortir des casernes se dirigèrent vers le centre ville où tous les régiments devaient faire jonction… mais la jonction ne put se faire parce que la CNT, le mouvement libertaire tout entier et quelques anonymes les y attendaient. Nous les attendions depuis huit jours, nous couchant tous les jours aux premières heures de l’aube, la surprise fut donc minime le jour du soulèvement.

Les soldats des autres casernes ne purent pas sortir et après un long siège nous passâmes à l’assaut contre la caserne San Andrés qui se rendit en fin de matinée, contre la caserne Atarazanas qui se rendit le lendemain matin en fin de matinée et où tomba notre camarade Ascaso, et contre la Capitania General (état-major) qui se rendit dans l’après-midi après avoir reçu quelques canonnades des canons que nous avions pris aux soldats à l’angle de l’Avenue Icaria, Paseo nacional de la Barceloneta et alentours, faisant prisonnier le général Goded qui dirigeait le soulèvement à Barcelone.

Les nuits de garde pendant que nous attendions le soulèvement je rencontrai seulement des camarades de la CNT – FAI et de la FIJL, que ce soit à Casas Baratas (Horta), à San Andrés, au Cuinardo, dans les quartiers périphériques de Barcelone qui étaient les endroits que nous surveillions… Quand les troupes sortirent dans la rue, nous nous battîmes avec les moyens du bord, soit avec des pistolets, soit avec des bombes de fabrication artisanale et quelques fusils qu’avec beaucoup de peine, nous avions réussi à récupérer dans un bateau qui était gardé par la police au service du gouvernement de la Generalidat qui ne voulait à aucun prix qu’on les prenne… Les fascistes continuèrent la résistance, soit à l’université, soit dans les couvents et centres religieux. Cependant la décision se fit en 24 heures bien que les combats aient duré quelques jours… Barcelone perdue pour la fascisme, il se forma rapidement des groupes armés avec les armes prises dans les casernes – ce furent elles qui équipèrent la Colonne Durruti – qui partirent prêter de l’aide là où elle s’avérait nécessaire, à Gérone, Figueras, Tarragone etc. ».

Une fois la victoire assurée à Barcelone, Juan Martinez Vita fut membre des patrouilles de contrôle puis rejoignis la Colonne Durruti dans la section des mitrailleurs où il combattit aux cotés de volontaires Italiens, Bulgares et Français dans la section des frères Roselli. Il participa aux combats à Fuentes de Ebro, aux monts d’Alfajarin, puis à l’été 1937 à l’opération de « Vedado de Zuera » où fut pris Belchite. Il fit ensuite la campagne de l’Ebre comme servant de batterie (service du train) jusqu’à la fin de la guerre et la Retirada de janvier 1939 où Juan Martinez se trouvait au Perthus :

« A la mi-janvier l’exode de petits groupes de civils, qui avaient déjà du fuir lors de l’offensive fasciste sur le front d’Aragon, avait commencé. Il y avait des réfugiés dans toutes les villes et villages. La fin était imminente et ceux qui avaient déjà tout perdu, furent les premiers à tenter de passer en France… dans les derniers jours du mois de janvier et devant l’affluence de la foule qui s’y pressait, l’ordre fut donné de fermer la frontière. Le 5 février, suite à une forte pression internationale et après des négociations avec des représentants de la République espagnole, les autorités françaises acceptèrent de rouvrir la frontière, puis la refermèrent à nouveau jusqu’au 9 février. Nous étions des milliers.

Le 9 février je faisais partie des milliers de soldats républicains qui passèrent la frontière au Boulou. Dès notre passage nous fumes fouillés, désarmés et bien souvent aussi on nous prit nos affaires personnelles. Immédiateme, t entourés par des soldats sénégalais en armes, des gardes mobiles et des spahis à cheval, on nous jeta sur la route comme du bétail, comme un énorme troupeau d’hommes qui n’avait droit à aucune explication, à aucune considération. « Allez ! Allez !" étaient les seuls mots aimables auxquels nous avions droit. Pendant de longues heures nous avons marché sans arrêt, et lorsque, harassés nous avons voulu nous arrêter pour souffler un peu, les gardes mobiles aussitôt entreprirent avec leur « gentil Allez ! » de nous faire reprendre la route… Enfin nous sommes arrivés à Saint-Cyprien après une longue nuit et une journée et demie de marche, sans manger, fatigués à l’extrême et démoralisés et avec pour seule boisson l’eau des ruisseaux que nous croisions en cours de route… Les spahis avec leurs chevaux nous poussaient pour nous faire rentrer plus vite derrière les enceintes barbelées – ça ils avaient eu le temps de le préparer !… les premiers moments passés, nous sommes restés stupéfaits, n’en croyant pas nos yeux : on ne voyait autour de nous que des milliers d’hommes tombés de fatigue à même le sable, comme un gigantesque troupeau de moutons. Je dois avouer que nous avions une autre idée de la France. On nous traitait plus mal que des prisonniers de guerre.

C’est le 10 février que nous sommes arrivés : pendant les quatre premiers jours on ne nous a rien donné à manger. Pour ma part, je n’ai pu m’alimenter que grâce aux provisions de quleques compagnons qui étaient arrivés avant nous. Au bout de ces quatre très longues journées, ils ont pensé à nous ravitailler et voici le menu : un pain de 2 kg pour 25 hommes et c’est tout ! Il fallait vraiment être un très grand mathématicien pour arriver à couper ce pain en parts égales devant 25 paires d’yeux affamés. Ce régime a duré une dizaine de jours. Pour l’approvisionnement en eau le Génie a eu une idée de « génie » : ils sont arrivés avec des pompes à main, ont enfoncé un long tuyau dans le sable près de la mer, et après avoir longuement pompé et agité fortement le tuyau jusqu’à ce que l’eau sorte à peu près claire, ils nous ont dit alors « Voici votre eau à boire ! ». Comme nous avions soif et que nous étions obligés de boire cette eau, le résultat ne se fit pas attendre : beaucoup, surout les plus faibles et les plus démunis, moururent de la dysenterie…

A la mi février nous étions 80.000 dans ce camp, avec pour seul toit les étoiles et pour seule couche, le sable humide des nuits glaciales de l’hiver 1939. Pour seul WC il ya avait les rares endroits libres de la plage, ce qui en plus de la dysenterie ajouta des cas de fièvre typhoïde. Tous les jours nous ramassions des morts… C’est vers le mois d’avril qu’on a commencé à construire des baraquements… Deux longs mois s’étaient écoulés et il fallut toute une année pour terminer les dernières baraques… ».

Esplugas, Roige, Moreno, Villar (Marseille 1945)

En novembre 1939 pour sortir du camp, Juan Martinez Vita s’enrôla dans une Compagnie de travailleurs étrangers et fut envoyé dans les Ardennes pour y participer aux travaux de fortifications et au creusement de tranchées sur la Ligne Maginot. Il parvint à éviter d’être capturé par les Allemands comme beaucoup d’autres réfugiés espagnols qui furent ensuite déportés à Mauthausen, et après s’être caché pendant deux mois arriva à Marseille d’où il tenta vainement d’embarquer pour le Mexique. C’est à partir de cette époque qu’il se fit appeler Moreno.

A la Libération il travailla d’abord comme chauffeur pour l’armée américaine puis s’embaucha comme docker sur le port de Marseille où il eut à s’affronter aux communistes qio contrôlaient l’embauche et devint le compagnon de Pepita Carpena Amat. Militant du MLE et de la CNT en exil il exerça à plusieurs reprises des responsabilités dans l’organisation : secrétaire d’administration et propagande du Comité régional de Provence, secrétaire de la FL de Marseille, etc.

Juan Martinez Vita plus connu sous le nom de Moreno est décédé à Marseille le 3 novembre 2001 et a été incinéré le 8 novembre. Ses cendres furent par la suite dispersées au Fort de Montjuich à Barcelone.


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