Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

LEAUTHIER, Léon, Jules

Né à Manosque le 5 janvier 1874 — tué le 22 octobre 1894 — Cordonnier — Marseille (Bouches-du-Rhône) — Paris — Guyane
Article mis en ligne le 11 mars 2008
dernière modification le 5 août 2024

par R.D.
Leon Leauthier (L’Intransigeant, 23 novembre 1893)

Léon Jules Léauther, orphelin de mère décédée lorsqu’il était tout jeune, avait été élevé par la seconde femme de son père, brasseur. Il avait suivi l’école des frères puis une école laïque à Marseille jusqu’à l’âge de 15 ans où il avait appris le métier de cordonnier. Dès 1888, alors qu’il travaillait dans les Hautes-Alpes (à Mazade), il était signalé dans les réunions et conférences anarchistes. A cette même époque, dans le bois de Mazade, il aurait expérimenté en vain un explosif de sa composition.

Ouvrier cordonnier au chômage Léon Jules Léauthier montait à Paris en avril 1893 après avoir séjourné à Marseille où il participa à de nombreuses conférences de Sébastien Faure et devint anarchiste à la lecture notamment du Père Peinard et de La Révolte. Il demeurait à Paris à l’Hôtel de Besançon, 18 rue des Communes et travaillait au ressemelage et réparation de bottines pour un artisan du quartier. Ayant perdu son emploi, il décidait de se venger et écrivait à Sébastien Faure : « Je me trouve réduit à mourir de faim ou à me suicider… Je me vengerais comme je pourrai, n’ayant pas les moyens de faire un grand coup comme le sublime compagnon Ravachol. Mon arme choisie sera mon outil de travail ; mais qu’importe ? Ce sera encore une délicatesse que j’apporterai en crevant un bourgeois avec l’arme qui m’aura servi à produire ce que celui-ci consomme à mes dépens… Je ne frapperais pas un innocent en frappant le premier bourgeois venu… Il est probable que quand tu recevras ma lettre, je serai entoilé ; néanmoins je compterai sur toi pour venir me défendre contre les enjuponnés, et il nous sera permis à tous deux de passer un joyeux moment en développant à l’audience les raisons qui me font agir. Je termine en ayant l’espoir de compter sur la solidarité des compagnons et je m’écrie avec Blanqui : Ni Dieu, ni maître ! Et Vive l’anarchie ! Hourrah ! ».

Le 13 novembre 1893 il passait à l’action et blessait d’un coup de tranchet le client d’un restaurant — le Bouillon Duval — qui se trouvait être le ministre de Serbie, M. Georgevitch. Puis il se constituait prisonnier au commissariat de la mairie du 11e arrondissement et revendiquait son acte : « Je ne connais nullement ma victime, je voulais seulement me venger de la société qui me laisse crever de faim. Aussi ai je choisi dans un endroit chic l’homme qui m’a paru le plus cossu ». La blessure était grave mais non mortelle et malgré un témoignage en sa faveur de son ancien patron, Léon Léauthier était condamné le 23 février 1894 aux travaux forcés à perpétuité. A l’audience il avait fait une longue déclaration se terminant ainsi : « Oui je suis un révolté : Je subirai vos lois, mais je ne les reconnaîtrai jamais. Sachez que je tremblerai devant un lézard, et je ne tremblerai pas devant les hommes ; que je pleurerai devant un enfant et que je sourirai devant la guillotine. Vive l’anarchie ! Hourra pour la révolution sociale ! ».

Le journaliste Henri Varennes l’avait ainsi décrit : « Leauthier, physiquement, donnait une première impression de puérilité. Tout petit, malingre, il avait le front très haut, des yeux bizarres, clignotants, sans éclat, des lèvres épaisses et fiévreuses. Le masque uniforme avec des pommettes saillantes et grasses, se terminant par un menton pointu sur lequel s’implantaient deux petits bouquets de poils naissants » (cf. “De Ravachol à Caserio”).

Lors du transport des relégués vers la Guyane à l’été 1894, il participa à une révolte à bord du navire Ville de Saint-Nazaire. Dès l’arrivée il était envoyé à l’île Royale avec les compagnons Edmond Marpaux, Placide Catinaux et Briens où ils retrouvaient d’autres compagnons dont Clément Duval, Pini, Meyrueis et Chenal. Clément Duval constatait chez Léauthier « jeune camarade malingre, chétif, cette logique serrée, cet esprit de justice, une grande force de volonté et une énergie peu commune. Il était estimé de tous les camarades de son convoi, et il était si doux que de suite les condamnés de la case en pierre lui donnèrent leur sympathie ».

Léon Jules Léauthier (matricule 28.548) a été tué le le 22 octobre 1894 lors de la révolte des bagnards anarchistes à l’île Saint-Joseph suite à l’assassinat par un gardien du compagnon Briens. Dans cette révolte furent également tués deux gardes, deux contremaîtres et douze bagnards dont Jules Garnier, Charles Simon Biscuit, Benoit Chevenet, Henri Meyrueis, Maxime Thiervoz, Lebeau, Mazarguil et Edmond Marpaux.


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