Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

LAMBERET, Jeanne, Renée, Yvonne

Née le 4 octobre 1901 à Paris 12e — morte le 12 mars 1980 — Professeur d’histoire et géographie — FA — SIA — CNTF — Paris
Article mis en ligne le 18 février 2008
dernière modification le 28 août 2024

par R.D.
Renée Lamberet (1938)

Fille de libres penseurs, Renée Lamberet avait commencé à militer encore étudiante dans le groupe des Temps nouveaux du Docteur Marc Pierrot vers 1924. A partir de la fin des années 1920 elle apprit l’espagnol et se rendit chaque année en vacances à Lerida où elle s’intitiait dans une famille de musiciens à la guitarre flamenca tandis que sa sœur Madeleine se consacrait à la peinture. A l’été 1936 avec Madeleine, elle tentait par deux fois de passer en Espagne d’où les deux jeunes filles étaient à chaque fois refoulées. Le 1er septembre elle obtenait l’autorisation du Comité révolitionnaire de Seo de Urgell, s’installait dans un hôtel réquisitionné par la CNT et commençait immédiatement à amasser de la documentation et à prendre des notes sur la révolution espagnole. Nommée professeur d’histoire au lycée Jules Ferry de Paris, elle devait toutefois rapidement regagner la France où elle se mettait immédiatement en contact avec Nicolas Faucier et sa compagne qui animaiuent un comité d’aide à l’Espagne révolutionnaire auquel elle ne cessera dès lors de collaborer. Aux vacances de noël 1936 elle retournait à Barcelone où, à la Casa CNT-FAI (ancien siège du patronat catalan réquisitionné) elle fit la connaissance de Bernardo Pou Riera le secrétaire de presse et propagande de la CNT dont elle allait devenir la compagne. Désormais, et sans doite grace à B. Pou, elle allait recevoir régulièrement à son domicile de Villeneuve-Saint-Georges, tous les documents concernant l’œuvre constructive de la révolution et en particulier de très nombreux comptes rendus et rapports sur les collectivités, maus aussi de nombreuses affiches et tracts. Lors d’un nouveau séjour en apût 1937, elle visita les mines collectivisées de Carbona, Sallent et la collectivité agricole de Balsareny. Parallèlement elle développait une intense activité au sein de la Solidarité Internationale Antifasciste (SIA) fondée en juin 1937 et plus particulièrement avec la colonie d’enfant Spartaco organisée à Ajentona par le syndicat CNT des chemins de fer et installée dans l’ancienne villa du directeur des chemins de fer catalan, et la colonie organisée à Llansa par la SIA pour acceuillir des enfants réfugiés du Pays Basque, des Asturies et du front de Madrid. Pour aider les enfants orphelins ou réfugiés, la SIA avait également ouvert trois garderies à Barcelone, un foyer à Badalone installé dans un ancien couvent et des colonies à Masnou, Rabos, Cervera, Beguda Alta, Esparraguera, Sabadell (Catalogne) et deux foyers pour enfants à Madrid. Elle collabora à l’époque à de nombreux titres de la presse libertaire espagnole dont Solidaridad obrera, Catalunya, Nuestro, etc.
Lors de la Retirada en février 1939, elle joua un rôle important dans l’aide apportée aux militants internés dans les camps du sud de la France.

Pendant l’occupation allemande, elle resta en étroite relation avec les militants espagnols et participa avec sa sœur Madeleine et May Picqueray à l’atelier de fabrication de faux papiers monté pour la résistance par le compagnon espagnol L. Cerrada. Elle prit part également aux réunions tenues autour d’Henri Bouyé à la Bourse du travail de Paris et lors de sorties champêtres pour restructurer le mouvement libertaire français.

A la libération elle fut nommée au Comité national de la Fédération anarchiste et collabora au Libertaire et avec entre autres H. Bouyé, Giliane Berneri et Roger Caron à la rédaction de la brochure « Les anarchistes et le problème social » (58 p., 1945). Chargée du centre de formation sociale et du secrétariat aux relations internationales elle fut l’une des organisatrices de la conférence anarchiste européenne qui se tint en février 1947. Cette même année elle adhéra à la CNTF et parallèlement à ses activités militantes continua son travail d’historienne et interogeant de nombreux survivants de la révolution espagnole. En 1948, avec notamment Bernardo Pou et Henri Bouyé, elle participa à la Commission d’aide aux antifascistes bulgares.

En 1949 elle fut avec Jean Maitron et Edouard Dolléans membre fondatrice de l’Institut français d’histoire sociale. A l’été 1951 elle fut membre avec entre autres Vincey, M. Joyeux, Danon, Lanen, H. Bouyé, L. Louvet, Louis Laurent, Roger et Marcelle Auchère et d’autres d’une Commission d’Etudes Anarchistes (CEA) qui rassemblait les opposants à la tendance menée par G. Fontenis et l’OPB dont les thèses venaient de l’emporter en mai au congrès de Lille de la Fédération anarchiste. Lors du 8e congrès de l’Association Internationale des Travailleurs (AIT) tenu à Puteaux les 19-23 juillet 1953, où elle était déléguée de la CNTF avec L. Bregliano, R. Fauchois, Molina, Muñoz, Riguidel, Salembier et G. Yvernel, elle fut nommée secrétaire de l’internationale où elle remplaçait John Andersson et poste qu’elle occupa jusqu’en 1956. Elle fut alors la responsable de la rédaction du « Bulletin de l’AIT » (Paris) de septembre 1953 à août 1954 où elle fut remplacée par Raymond Fauchois. Ce bulletin qui avait fait suite au Service de Presse-AIT (Stockholm) paraîtra jusqu’en juillet 1956 (au moins 50 numéros).

Lors du VIè Congrès de la CNTF tenu à Mrseille les 5-7 juin 1954, elle avait été nommée à la nouvelle commission administrative aux côtés de Fauchois, Bouyé, Trigent et Muñoz.

Renée Lamberet

A la fin des années 1960, elle était proche semble-t-il de l’Union Fédérale Anarchiste (UFA) fondée par H. Bouyé, Louis Laurent et René Leclainche et qui publiait Le Libertaire (Chailles-Paris, 1968-1972). Elle collabora également à Liberté (Paris, janvier 1958 — juillet 1971) de Louis Lecoin puis à Le Réfractaire (Paris, avril 1974-décembre 1983) de May Picqueray.

Renée Lamberet est l’auteur de très nombreux articles, en particulier sur la collectivisation, tants dans la presse libertaire française — dont Le Libertaire, SIA, Le Combat syndicaliste, etc. — que la presse de l’exil espagnol : Solidaridad obrera, CNT, Universo, Ruta, Espoir… etc. Elle préparait également un Dictionnaire biographique des anarchistes (non paru) pour lequel elle avait obtenue la collaboration de plusieurs militants dont John Andersson (Suède), A. C. Bakels (Hollande), Ugo Fedeli (italie), Alfred Costes (France), Albano Rosell (Uruguay), Latelaro (Argentine), Pedro Vallina, Bernardo pou et Ramon Franquet (Espagne) [cf. Lettre de R. Lamberet in Tierra y libertad, Mexico, lai 1970]. Elle a également participé à de très nombreuses conférences et meetings du mouvement libertaire espagnol en exil. C’est grâce à elle qu’au début des années 1950, la CNT en exil pouvait faire represser le disque « A las barricadas — Hijos del pueblo » dont elle avait conservé le disque original en 78 tours (original qui sera cassé lors du réenregistrement chez Philips).

En 1975 elle s’était associée au travail de l’équipe de jeunes cénétistes qui préparait une exposition sur l’œuvre constructive de la Révolution espagnole, les avait aidé à choisir dans ses riches archives les documents les plus significatifs avant de participer en mai 1976 à l’inauguration de l’exposition intitulée « Espagne 1936 ».
En 1979 elle participa à Barcelone à un colloque sur la guerre civile.

Renée Lamberet est décédée d’un cancer le 12 mars 1980 à l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges et a été enterrée le 18 mars au cimetière de Brunoy. Elle avait légué ses archives à l’Institut français d’histoire socialeEl fondo Renée Lamberet conservado en el Institut Français d’Histoire Sociale/ Gérard Brey.

L’équipe de jeunes à l’origine de l’exposition « Espagne 1936 » soulignait dans un hommage « ses qualités personelles rares, de simplicité, de gentillesse, d’honnêteté mais aussi d’énergie et de curiosité servies par une intelligence vive et une mémoire remarquablement précise » et concluait « Notre perte à tous est immense mais nous voulons tout d’abord garder le souvenir d’une existence remarquablemen, t remplie tant par l’estime si largement partagée qu’elle a su créer… que par l’œuvre accomplie en tous domaines. Pour nous Renée, debout, est d’abord énergie. Ce souvenir nous aidera, pour notre part à poursuivre dans la voie de toute sa vie, comme militante et comme historienne » (cf. Combat syndicaliste, 3 avril 1980).

Œuvres : — Mouvements ouvriers et socialistes : chronologie et bibliographie : l’Espagne (Ed. Ouvrières, 1953) dont une refonte complète sera republiée en Espagne à partir de 1985 par son collaborateur Luis Moreno Herrero ; — Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier espagnol (inédit) ; — Les travailleurs espagnols et leur conception de l’anarchie au début du siècle (Communication de colloque) ; — L’organisation des travailleurs des champs dans la première Internationale (idem) ; — Soledad Gustavo et sa place dans la société espagnole (idem) ; — Quelques études sociales : textes de Marc Pierrot recueilis et présentés par R. Lamberet (Ed. de la Ruche ouvrière, 1970, 234 p.). Elle fut également à l’origine de la publication en 1969 du manuscrit de Max Nettlau « la première internationale en Espagne » (Amsterdam, IIHS, 683 p.).


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