Eugène Humbert avait succédé à l’automne 1890 à Charles Lapique à la tête du cercle L’Essor socialiste de Nancy. Le cercle, qui était abonné notamment aux journaux La Révolte, L’Egalité, Le Parti ouvrier, Le Père Peinard et Le Tire pied (Nancy, 26 numéros du 26 mars au 11 octobre 1890, puis 4 numéros du 25 avril au 16 mai 1891) dont le gérant était Jules Flageolet, n’allait pas tarder à céder la place début 1891 au nouveau groupe anarchiste Guerre aux préjugés de Nancy dont Humbert était l’un des responsables et qui regroupait une vingtaine de membres. Suite à l’assassinat à Paris en novembre 1890 du général russe Seliverstoff par des nihilistes, le groupe avait envoyé à la rédaction de L’Egalité une adresse félicitant l’auteur de l’article Châtiment qui s’était réjoui de ce geste.
En mai ou juin 1891 le groupe prenait le nom de Liberté et projetait de publier à partir du 14 juillet un nouvel journal L’Indépendant (au moins 3 numéros, 11-25 juillet au 21 août 1891) qui pourrait également servir d’organe aux chambres syndicales ouvrières. François Mariatte en fut le gérant et Humbert l’administrateur.
Lors de son départ au service militaire en novembre 1891, Humbert avait été remplacé au secrétariat du groupe par François Mariatte (cf. Le Père Peinard, 7 septembre 1891).
A l’automne 1895 il avait été avec le compagnon Timothée Joubert le fondateur à Nancy d’un nouveau groupe, L’Éducation sociale qui comptait environ 25 membres dont plusieurs ouvriers en chaussures et se proposait d’organiser des conférences en milieu ouvrier.
Il était à la fin des années 1890 aux cotés de Manuel Devaldés le rédacteur de la revue mensuelle littéraire, artistique et scientifique Le Libre (Paris, 5 numéros de décembre 1897 à juin 1898) qui traita à plusieurs reprises de l’affaire Dreyfus.
Au début du 20e siècle il demeurait à Paris où, à son domicile du 27 rue de la Duée (20e), il diffusait journaux et ouvrages néo-malthusiens et était le gérant de Régénération (Paris, 43 numéros d’avril 1900 à décembre 1904, puis 46 numéros de janvier 1905 à novembre 1908) organe de la Ligue de régénération humaine fondée par Paul Robin le 31 août 1896. Lors d’un congrès tenu à Liège (décembre 1905) il avait été nommé secrétaire administrateur d’une Union internationale des ligues néo-malthusiennes dont le président était le docteur Drysdale et le vice président Paul Robin.
Cette même année 1908 il avait fait la rencontre de Jeanne Rigaudin qu’il épousera en 1924 et qui collaborera aux divers organes fondés par son compagnon.
Après le retrait de Paul Robin et l’arrêt du journal, E. Humbert, continuant la propagande, fondait en 1908, avec entre autres Sébastien Faure, Victor Méric, Fernand Kolney et Gabriel Giroud un nouvel organe Génération consciente (Paris, 77 numéros du 15 avril 1908 à aiût 1914). Ce journal a également édité un très grand nombre de brochures de propagande dont : — M. Devaldés « La Chair à canon » (plusieurs éd. en 1908 et 1913) ; — S. Faure « Le problème de la population » (1908) ; — S. Faure, Nelly Roussel, Abbé Viollet « Défendons nous ! Pour le néo-malthusianisme, contre l’immoralité des moralistes » (1910) ; — Georges Hardy « Malthus et ses disciples »(1910) ; — F. Kolney « La Grève des ventres » (1908) ; — « La société mourante et le néo-malthusianisme » (s.d.). Cette propagande lui valu à plusieurs reprise d’être poursuivi — notamment au printemps 1909 où il avait été condamné à 2 mois de prison et 500 francs d’amende avec Liard Courtois (1 mois de prison et 50 francs d’amende) — et en 1911 d’être interné à la Santé. Il était à cette époque membre du groupe révolutionnaire du XVIIIe arrondissement, adhérent à la Fédération révolutionnaire communiste (FRC).
Lors de la déclaration de guerre à l’été 1914, Eugène Humbert devint insoumis et se réfugia en Espagne où il participa activement à la lutte contre la guerre. Il fut l’un des organisateurs du Congrès international contre la guerre tenu à El Ferrol (Galice) du 30 avril au 2 mai 1915.
Rentré en France début 1921, il fut rapidement arrêté et condamné le 5 mai par le conseil de guerre de Paris à 5 ans de prison pour « insoumission ». Le 29 décembre suivant, pour « provocation à l’avortement », il était condamné à 2 ans de prison et 3.000f d’amende.
Libéré le 13 janvier 1924, il entrait au service de publicité des journaux Paris-Soir et Le Merle Blanc. En 1928 il était le directeur de la Librairie du progrès et des livres pour tous, située 142 rue Monmartre (2e arrondissement) et l’année suivante fondait la Ligue mondiale poir la réforme sexuelle. En 1931 il publiait le journal La Grande Réforme (Paris, 100 numéros du 1er mai 1931 à août 1939) qu’en 1932 il mettait au service de la Ligue de régénération humaine dont il était par ailleurs le secrétaire. La Grande Réforme publia également au moins deux brochures : — V. Margueritte « Éducation sexuelle »(1931) ; — M. Devaldés « Une guerre de supopulation : les enseignements de la guerre Italo-Ethiopienne » (1937).
Il collaborait au numéro unique de L’Amnistie (Paris 14 janvier 1933) tiré à 120.000 exmplaires pour demander que le projet d’amnistie soit étendu aux victimes de la loi de 1920 : les militants néo-malthusiens et les condamnés pour des avortements provoqués. Il collabora à la même époque à L’Encyclopédie anarchiste de Sébastien Faure.
Dans les années 1930 il fut également membre du bureau de l’Union des Intellectuels Pacifistes dont le président était Gérard de Lacaze-Duthiers et qui publiait le journal La Clameur (Paris, 1932-1936).
Au début de la seconde guerre mondiale, il s’était réfugié avec sa compagne à Lisieux chez leur fille. C’est là, qu’après avoir procuré un ouvrage néo-malthusien à quelqu’un, il était arrêté, condamné à 18 mois de prison par le tribunal correctionnel de Vervins le 11 mars 1943, puis par la cour d’appel de Reims le 7 mai, à 2 ans de prison pour « propagande antinataliste ». Tombé malade à la prison d’Amiens il fut transféré à l’hôpital civil. « Quelques temps après ce transfert, la prison est bombardée : la partie où se trouvait la cellule d’Humbert est détruite, et tous les détenus qui avaient été, dans cette cellule, ses compagnons de captivité, sont tués. Il l’a échappé belle. A l’hôpital Humbert éprouve un certain sentiment de sécurité… Le jour de la libération approche. Il prend des dispositions pour son retour, non pas à Lisieux, qui est en ruines, mais à Paris, où sa famille l’attend… Le dimanche 25 juin 1944, exactement la veille de sa mise en liberté, Amiens est à nouveau bombardé : une bombe tombe sur le pavillon de l’hôpital où se trouve Humbert qui est tué sur le coup ». (cf. M. Devaldés in Ce qu’il faut dire, n°2, 10 janvier 1945).
Outre les organes qu’il avait fondé et ceux cités ci-dessus, Eugène Humbert avait également collaboré à plusieurs titres de la presse libertaire et pacifiste dont La Clameur (Paris, 1932-1936) de René de Sanzy, L’En dehors (Orléans, 1922-1939), Simplement (Ivry, au moins 44 numéros de 1931 à août 1938).
Le journal La Voie de la Paix (Auberville-sur-Mer) d’Émile Bauchet a par ailleurs édité en 1970 la brochure de Jeanne Humbert « Deux grandes figures du mouvement pacifiste libertaire : Eugène Humbert et Sébastien Faure ».