Militant anarcho-syndicaliste et membre des jeunesses anarchistes, Eugène Guillot, qui devait rejoindre en 1925 le 146e régiment d’infanterie basé à Saint-Avold (Moselle), s’était insoumis. Après la mort de sa mère, il avait écrit le 2 novembre 1929 au président de la République pour revendiquer sa condition d’insoumis au service militaire : « Je vous envoie cette lettre pour vous faire savoir que depuis 4 ans mes intentions étant les mêmes, et ne voulant plus tarder à les rendre publiques, je suis et resterais insoumis. La conscience ayant mûrement réfléchi à ce sujet, m’interdit de porter l’uniforme de soldat. Etant libertaire, je ne conçois pas l’idée de patrie et partant n’ai donc rien à défendre que moi-même… J’étais enfant quand la grande tuerie eut lieu, mon cerveau a emmagasiné quand même toute la laideur de cette boucherie où les pleurs et le sang étaient les seules boissons que l’on y dégustaient. Sachant toutes les responsabilités d’une telle attitude je me sens heureux et fier de braver vos menaces que vous avez codifié dans la loi infâme du service militaire… Ne voulant pas être en contradiction avec ma conscience, je vous crie “A bas le service obligatoire ! A bas l’armée ! A bas la guerre !”…à votre disposition au 120 boulevard de la Villette, Paris 19e ».
Le 14 novembre suivant, il recevait à son domicile la visite d’un inspecteur de police qui « sous une apparence menaçante, venait simplement m’avertir du danger d’une arrestation imminente et de m’influencer afin de me déterminer à fuir et à me soustraire aux recherches, c’est à dire à me démentir moi-même ».
Arrêté peu après, le 23 novembre à la sortie de son domicile et alors qu’il partait à son travail et incarcéré à la prison du Cherche Midi, il fut condamné le 10 janvier 1930 à un an de prison par le tribunal militaire de Paris. Lors du procès il avait fait une déclaration revendiquant son insoumission « parce que être soldat c’est accepter d’être un serviteur d’une institution qui peut être à tout moment au service de la guerre » et se terminant par ces mots : « J’espère qu’après mon exposé, vous aurez compris que si je me suis résolu à subir une incarcération qui m’éloigne de ma compagne et de sa petite fille, c’est que je suis poussé par ma détermination d’objecteur de conscience qui se résume par ceci : Tout pour la vie, rien pour la mort ». Début février 1930 il se joignait avec Bauchet à la grève de la faim menée par Odéon à la prison du Cherche-Midi.
Un comité de soutien à Guillot, animé notamment par Lucien Bernizet et André Montigny, avait été mis en place. Libéré en décembre 1930 à l’issue de sa peine, il adressa une lettre ouverte au ministre de la Guerre où il écrivait notamment : “… Soyez assuré que mon année de détention n’a pas changé mes convictions d’objecteur de conscience, mais, au contraire les a renforcées. Je vous retourne la somme de 34 francs et la feuille de route qui me furent délivrés à ma sortie de prison. Veuillez agréer… mes salutations pacifistes » (cf. La Voix libertaire, 27 décembre 1930).
Eugène, “sans domicile connu depuis son insoumission”, fut placé sous mandat du tribunal militaire de Paris le 16 février 1931 et fut condamné à une nouvelle peine de un an de prison le 1er mai 1934 pour “défaut pour insoumission”. Début janvier 1933, avec G. Chevé, H. Ferjasse, R. Lippler et J. Especel, il s’était solidarisé avec l’objecteur Gérard Leretour qui venait de se rendre aux autorités et avait commencé une grève de la faim à la prison du Cherche Midi.
Passé en Espagne où il se faisait appeler Antonio, il allait y rencontrer à Barcelone Berthe Faber dont le compagnon, Francisco Ascaso venait d’être tué dans les combats de juillet 1936. Tous deux décidaient alors de vivre ensemble. Pendant toute la durée de la guerre civile Eugène Guillot s’occupa de la répartition des envois faits aux volontaires sur les fronts d’Aragon et du Levant.
A son retour en France, lors de la Retirada, il vécut sous le nom de Jacques Sallès, identité qu’il conservera jusqu’au jour où il ne fut plus mobilisable et reprit alors sa véritable identité.
A sa retraite il s’était établi à Esbly. Trésorier du groupe des Amis de Sébastien Faure, il fut nommé le 21 décembre 1968 trésorier de La Ruche culturelle et libertaire, fondée par May Picqueray en 1958 et qui réunissait les amis de Sébastien Faure, des écrivains, artistes et conférenciers libertaires. En 1974 il était le trésorier de la société des amis de Louis Lecoin, constituée le 20 novembre 1971 par M. Picqueray.
Eugène Guillot est décédé en 1978.
S’agit il du Guillot qui, à l’issue du congrès tenu par l’Union anarchiste (UA) les 1-3 novembre 1924 à la Maison des syndicats de l’avenue Mathurin Moreau, avait été nommé au nouveau Comité d’initiative aux cotés de Le Brassseur (secrétaire), Gady, Dulud, Le Meillour, Petroli, Sarnin, Kiouane, Carouet, Mualdes et Morinière ? (cf. Le Libertaire, 3 novembre 1924).