Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

GOURMELON, Paul, Florent « PAULUS” ; “MAHUREC »

Né à Brest le 20 décembre 1881 — mort le 9 novembre 1928 — Ecrivain à l’arsenal — FCAR — CGT — Brest (Finistère)
Article mis en ligne le 28 septembre 2007
dernière modification le 5 août 2024

par R.D.
Paul Gourmelon

Militant du cercle néo-malthusien de Brest, Paul Gourmelon, qui était qualifié par la police « d’anarchiste dangereux », avait été élu en décembre 1910 trésorier de la Bourse du travail. Il était également l’un des responsables (trésorier) de l’union départementale de la CGT aux cotés de Victor Pengam et J. Rouillier et collaborait au début des années 1910 à la rubrique Journal d’un bon bougre de l’organe local Le Finistère syndicaliste. Il était alors domicilié 40-42 rue de la Vierge et était également le trésorier du syndicat des ouvriers du port. Il participait aussi au Comité de défense sociale (CDS) dont le secrétaire était Jules Le Gall et le trésorier Louis Bidan.

En 1909, outre la distribution de préservatifs, la police avait signalé qu’il était le reesponsable de l’envoi d’exemplaires du Libertaire et des Temps nouveaux au compagnon Cadec qui faisait son service militaire à l’arsenal de Sidi Abdallah.

Dans la nuit du 20 au 21 septembre 1911, il était arrêté alors qu’il sabotait les lignes télégraphiques sur la voie ferrée de Brest. Lors de la perquisition menée dans son placard de l’arsenal, la police découvrait la matrice d’un tract néo-malthusien en faveur de la contraception et de l’avortement. Traduit devant le conseil de guerre, il était condamné à deux ans de prison et révoqué. En prison, où il servait comme infirmier, il distribua aux autres détenus de la propagande néo malthusienne et révolutionnaire ce qui lui couta une condamnation à 60 jours de cachot “au pain sec et à l’eau” dont il sortit dans un très mauvais état physique. A la fin de l’automne 1912, selon un communiqué du compagnon Le Gall paru dans Les Temps nouveaux, à sa sortie du cachot, Gourmelon avait été laissé dans une cellule de la prison de Pontaniou « sans air, où l’eau coule le long des murs » où les gardiens l’avaient « obligé à battre, à décorder et effiler dans cette cellule les tourons sales et malsains dont il devait faire de l’étoupe ». En trois semaines il avait perdu 11 kilos et vomissait ses médicaments.

A sa libération à l’été 1913, il quitta Brest et se fixa en région parisienne à Gennevilliers puis à Paris, 53 Boulevard de Charonne et fut membre de la Fédération communiste anarchiste révolutionnaire (FCAR). Il fut mobilisé à Brest pendant la première guerre mondiale comme brigadier d’artillerie.

Paul Gourmelo avait pur compagne Henriette Guerenneur — née en 1894, fille du compagnon Jean Marie Guerenneur — avec laquelle il eut un fils, Paul Jean, né le 3 décembre 1914, reconnu avant naissance le 29 octobre 1914 et légitimé par le mariage en juillet 1915.

Dès 1919 il participait avec Pengam à la réorganisation du mouvement libertaire et ouvrier. Le 15 décembre 1920 il était l’un des sept anarchistes — J. Le Gall, R. Martin, Le Bre, R. Y. Guena, H. Cadec et J. Treguer — élus au conseil d’administratioon de la Maison du Peuple où il allait s’occuper plus particulièrement de la bibliothèque. Lors de la scisison et de la fondation de la CGTU, il choisit avec notamment Guena et Tréguer de rester à la CGT. En 1921 il était membre du comité en faveur de Sacco et Vanzetti et appartenait avec Martin, Le Gall et Tréguer au groupe libertaire qui se réunissait à l’ancienne Bourse du travail, 14 rue Guyot. Il était également le secrétaire général de la Bourse du travail et trésorier de l’union départementale et en 1922 collaborait au périodique Le Finistère syndicaliste.

Membre du Comité de Défense sociale, il représenta en 1923 la Bourse du travail au Comité de vigilance et d’action contre les menaces fascistes d’Action Française et autres groupes réactionnaires, qui avait été fondé le 6 juillet 1923 par R. Martin et dont le bureau de 10 membres comprenait 6 anarchistes et 4 communistes. Il travaillait à cette époque à la coopérative de production L’Egalitaire dont il sera un temps le directeur, mais que, tuberculeux, il quittera vers 1925 pour raisons de santé. Il collabora au Libertaire et sous les pseudonymes de Paulus et de Mahurec à l’organe mensuel Le Flambeau (Brest, 80 numéros du 1er juin 1927 au 5 juin 1934) dont les responsables étaient R. Martin et J. Treguer.

En janvier 1924, suite aux affrontements à la Maison de syndicats à Paris entre acommunistes et anarchistes dans lesquels avaient été tués plusieurs libertaires (voir Adrien Poncet), il avait écrit : « Nous ne serons pas des assassinés. Nous ne serons pas non plus des assassins. Nous nettoierons les écuries d’Augias. Nous enverrons les politiciens chercher fortune ailleurs. Nous leur ferons comprendre — au besoin avec la trique — que le Syndicalisme est l’apanage des exploités et que personne ne doit exploiter les exploités… Nous aurons à cœur de défendre avec fougue, vigueur, notre patrimoine : le Syndicalisme. Nous ne permettrons pas que des aigrefins de la politique, stipendiés par Moscou, sabotent un siècle de progrès social » (cf. Le Finistère syndicaliste, 1924)

Dans la nuit du 10 mars 1924, alors qu’il était porteur d’une somme de la coopérative communiste L’Egalité, dont il était le directeur, il avait été agressé, dépouillé et jeté à la mer par trois individus et avait été sauvé, assez sérieusement blessé, par un batelier qui s’était porté à son secours. (cf. Le Libertaire, 12 mars 1924).

Le 15 juillet 1927, suite au détournement de 34700 fr. de la coopérative L’Egalitaire par un camarade ayant imité la signature de Gourmelon et dont des experts graphologues estimèrent qu’il en était l’auteur, Gourmelon était arrêté au lendemain des obsèques de sa vieille mère aveugle et emprisonné en droit commun de juillet à octobre où, son état de santé s’étant aggravé, il était hospitalisé à l’hospice civil de Brest. Alors que Louis Lecoin s’apprêtait à lancer une campagne pour sa libération, Paul Gourmelon, qui avait toujours refusé de dénoncer l’auteur du détournement et devait passer en Cour d’assises en janvier 1929, décédait de tuberculose le 9 novembre 1928 avant même d’avoir été jugé. Une foule très importante assista à ses obsèques. Le véritable auteur du chèque était semble-t-il Joseph Chapin.
Dans une lettre adressée à Jules Le Gall quelques jours avant son décès Gourmelon écrivait : « Me voici, mon cher Jules, depuis le 3 courant, à l’hospice civil, dans un état de santé qui m’effraie sérieusement, je me demande si je me relèverai jamais de ces trois mois d’emprisonnement subis, dans des conditions révoltantes. Rappelle toi que j’étais alité depuis quarante jours avec une congestion pulmonaire corsée d’un point de pleurésie et de pneumonie du coté gauche, lorsqu’on ma arrêté » et, après avoir réfuté l’analyse des experts ajoutait : « Crois tu qu’il n’y a pas lieu de devenir fou quand on voit sa liberté et sa vie entre les mains d’experts semblables et qu’il faut se débattre contre des conclusions aussi matériellement fausses » (cf. Le Libertaire 19 octobre 1928).

Plus de 2000 personnes avaient assisté aux obséques de Gourmelon qui laisssait une compagne et son enfant pour lesquels une souscription avait été ouverte.

Dans Le Cours d’une vie, Louis Lecoin écrivait : « Les anarchistes ne se situent pas au dessus des autres nommes. Ils n’en ont pas la prétention. Mais ai nom de la solidarité, ils sont capables de très beaux gestes. Et celui de Gourmelon, préférant mourir dans d’aussi lamentables conditions, sans la consolation d’êtres chers, plutôt que d’accabler un compagnon, qu’il dépassait pourtant de cent coudées, semble atteindre à l’héroïsme le plus pur car le plus effacé. »


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