Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

PEZZI, Maria Luisa »Gigia », [née MINGUZZI]

Née le 21 juin 1852 à Ravenne – morte le 13 mars 1911 - AIT – Florence (Toscane) – Naples (Campanie) – Buenos Aires - Londres
Article mis en ligne le 23 mars 2025
dernière modification le 9 avril 2025

par R.D.
Maria Pezzi

Maria Minguzzi surnommée Gigia était la fille de Michele et de la couturière Chiara Raddi, couturière. T. Monticelli la décrit comme « une femme d’une splendide beauté, grande, robuste, bien faite, au tempérament franc et ouvert, au discours prêt et franc, [qui] exerçait un charme sur tous ceux qui l’approchaient ».

Épouse et compagne inséparable de Francesco Pezzi, elle joua un rôle essentiel dans la naissance du mouvement des femmes en Italie et un grand rôle dans ce que la police considérait comme « l’activité des époux Pezzi » ; ce n’est pas pour rien que les réunions les plus importantes des internationalistes à Florence avaient lieu "dans les salons Gigia". Et c’est grâce à "sora Gigia" que l’appartement des Pezzi n’était pas seulement le "Vatican" de l’élite anarchiste mais la maison, le refuge, et souvent aussi le siège des ouvriers du quartier populaire florentin de San Frediano, qui abritait à l’époque la plus forte concentration d’artisans florentins et la majorité des presque deux mille ouvriers de l’industrie du tabac. Dans ce contexte, dès 1872, naissait la première section féminine de l’Internationale avec une centaine de membres, dont beaucoup seront, deux ans plus tard, parmi les promoteurs de la première grande grève des fabricants de cigares.

Dès son installation à Florence, Maria prit d contact avec la section de l’AIT : le 16 octobre 1876, le journal La Plebe de Milan accueillit un manifeste, rédigé par Maria avec Assunta Pedoni et Amalia Migliorini, qui est considéré comme le début du mouvement des femmes en Italie.

En décembre, Maria s’installa à Naples avec son compagnon et, malgré leur implication dans l’affaire Schettini, participa activement à l’organisation de l’insurrection du Matese avec Cafieto et Malatesta. James Guillaume reconnaît en elle "la dame qui accompagne Cafiero et les autres lorsqu’ils se font passer pour des gentlemen anglais à San Lupo" ; Toutefois, cette nouvelle est loin d’être certaine. Ce qui est sûr en revanche, c’est le retour de Maria à Florence, après quelques mois passés à Lugano, au lendemain de l’amnistie du 19 janvier 1878.

En février, dès son retour, elle organisa avec Migliorini, Pedoni, la couturière Ildebranda Dell’Innocenti, (épouse de G. Gomez), Santina Papini, (épouse d’Arturo Feroci, fondateur bien connu de groupes et de comités), l’infatigable Teresa Fabbrini (épouse d’Olinto Ballerini), les cigarières Annunziata et Serafina Frittelli, Caterina Serafini et Annunziata Gufoni (animatrices de la grande grève de 85) et quarante autres camarades, le club de propagande socialiste parmi les ouvriers. Le Club remplaça pratiquement la section féminine de l’AIT dissoute par le gouvernement suite à l’insurrection du Matese et était basé dans la maison de Maria qui était aussi aussi celle d’Ildebranda et G. Gomez.

Le 1er octobre, Maria Pezzi avait également été arrêtée lors de la rafle visant tous les principaux représentants de l’Internationale réunis à Florence. Elle resta en prison préventive, comme les autres, pendant quinze mois en essayant de rester proche d’A. Kuliscioff, désorientée et atteinte de pleurésie.

Lorsque les prévenus furent finalement acquittés, le 7 janvier 1880, la situation de l’Internazionale en Italie était tout sauf simple : au « retournement » de Costa suivit la maladie de Cafiero et l’exil de Malatesta. Maria et Francesco Pezzi allaient contribué de manière significative à ce que le mouvement florentin affronte ce moment mieux que d’autres, mais c’est le retour de Malatesta à Florence qui allait permettre de relancer le mouvement. Depuis l’automne 1883, Maria et Francesco s’étaient parmi les plus proches de ce dernier, soutenant toutes ses initiatives ; à l’automne 1884, ils le suivirent à Naples pour aider la population touchée par le choléra et à la fin de l’année ils l’accompagnèrent dans sa fuite en Argentine. A Buenos-Aires où ils se mirent en relations avec les révolutionnaires de cette ville ils participèrent avec lui à la fondation du journal anarchistela Questione sociale, destiné à être expédié en Italie et qui, selon la police, dépassait en violence la Freiheit de Most.

Vers 1886 elle était à Londres où elle avait fondé une imprimerie puis en 1890 était la rédactrice du journal anarchiste italien L’Associazione, en même temps qu’elle collaborait à L’Internazionale. La police la présentait alors comme la maitresse de Malatesta. (cf. AD Haute-Savoie).

Fin décembre 1890, elle quitta Londres, pour se rendre à Lugano, où elle prit, avec Cipriani, les dispositions nécessaires à l’organisation du Congrès de Caolago (Tessin) tenu les 4-5 janvier 1891 où avec le jeune mécanicien Guerrando Barsanti, elle représenta les nombreux groupes d’expatriés et le groupe des socialistes et anarchistes réunis de Florence. C’est lors de ce congrès que, fut formé le Parti Socialiste Révolutionnaire Anarchiste Elle était arrivée en Suisse en compagnie de Malatesta avec lequel, dès le 6 janvier, elle était repartie pour Londres. : c’ est elle qui, selon la police, cacha Malatesta et qui le conduisit en voiture pendant la nuit du 6 janvier, jusqu’à la première station de chemin de fer, pour lui permettre de retourner à Londres, sans être arrêté.

Elle était alors considérée à Genève comme l’un des principaux agents du parti anarchiste international, voyageant constamment entre Londres, Paris, Genève, Milan, Florence et Rome et signalée : « Âgée de 38 ans ; taille moyenne ; robuste ; cheveux et sourcils noirs ; yeux noirs vifs ; front et nez ordinaires ; bouche souriante, aspect sympathique. Très ambitieuse et très audacieuse. Très insinuante et très rusée. »

Maria revint avec Francesco à Florence en 1891. Dans la ville toscane, le mouvement anarchiste avait repris une nouvelle vigueur à partir de 1887, après que l’amnistie permit à de nombreux expatriés de revenir à la fin de 1884.

Dès son retour, elle s’engagea à organiser les manifestations du 1er mai qui devaient permettre au nouveau « parti » d’apparaître et de se développer. Mais ces manifestations furent partout durement réprimées et notamment à Rome et à Florence ; Maria Pezzi et Santina Papini écopèrent d’une peine de quinze jours de prison mais d’autres reçurent de lourdes peines.

Au lendemain du 1er mai 1891, Maria avec Francesco et A. Feroci, avait mené une activité considérable en faveur des condamnés, non seulement à Florence mais dans toute l’Italie, à commencer par A. Cipriani et G. Palla. Dans ce climat de frustration et de colère face à la répression continue qui empêchait toute activité d’organisation et de propagande, les nouvelles arrivant de France sur les actions violentes des individualistes, ce qu’on appelle le revacholisme, durent accueillies avec une large sympathie. Au printemps 1892, dans une longue lettre de Londres, Malatesta, avertissant qu’il écrirait à Pezzi "sur d’autres choses", faisait part à Maria des raisons de sa claire opposition au "revacholisme" et de son intention de le combattre publiquement : "Vous" - écrivait-il à "chère Gigia" le 29 avril - "aurez interprété ces idées rejetées si confusément et si rapidement qu’elles le devraient. De plus, je les développerai complètement dans un petit ouvrage que j’imprimerai le plus tôt possible. » Entre-temps, avec sa politesse habituelle, il l’invitait à laisser filtrer également ses idées en Italie parmi ses compagnons plus sensés.

Deux ans plus tard, Maria et Francesco furent impliqués dans un attentat raté, celui contre Crispi de P. Lega qui, comme beaucoup d’autres, avait été hébergé chez eux. Arrêtés le 3 juillet 1894, ils ne furent acquittés par le tribunal de Rome qu’en août de l’année suivante et furent ensuite envoyés en résidence forcée. Maria fut transférée à Orbetello, une zone très marécageuse, où elle resta un an. Ce séjour s’avérera fatal pour sa santé dont l’état sera aggravé par une cécité progressive. De retour à Florence, elle consacra son dernier engagement substantiel, avec Francesco, au Comité des Victimes Politiques de Scaralatti de 1904 à 1906.

Comme le rappelle Monticelli, "Après la prison forcée, Luisa n’a pas perdu la foi, mais son enthousiasme et sa force l’ont mise de côté". Maria Pezzi est décédé à Florence le 13 mars 1911


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