Henri Fuss fut être jusqu’à la première guerre mondiale une figure de premier plan du mouvement syndicaliste révolutionnaire et libertaire.
Orphelin dès l’âge de 10 ans, il avait entrepris des études d’ingénieur à l’université de Liège qu’il interrompit, sans doute à cause de ses opinions révolutionnaires, pour devenir typographe.
Á la fin du 19e siècle, Henri Fuss aurait, selon la police, résidé à Paris où il habitait 28 rue Vauquelin (5°).
Typographe et reporter au Petit Bleu il était en 1904 l’éditeur de L’utopie (Forest-Bruxelles, 13 numéros du 1er novembre 1904 au 14 mars 1905) et membre du Cercle d’Etudes Sociales (17 membres). Il était également responsable de la section de Liège du Groupement Communiste Libertaire (GCL) et un collaborateur régulier à partir de 1906 de L’Action directe (Gilly, Herstal-Liège, au moins 73 numéros du 16 juillet 1905 au 13 septembre 1908) devenu organe de la CGT belge fondée les 11 et 12 juin 1906 à Charleroi. Il demeuraot alors 124 rue Voie de Liège à Herstal.
Le 22 janvier 1906 à l’occasion de l’anniversaire de la révolution russe, il était signalé comme participant à une manifestation « à la tête d’une quarantaine de jeunes gardes socialistes et se fit remarquer par la violence de ses cris hostiles contre le tsar et la police ». Le 20 mars il présidait une réunion antimiitariste à Bruxelles et y prenait la parole ce qui lui valut d’être perquisitionné : il logeait alors avec Émile Jules Allard et le compagnon russe E. Kalantarov. Le 31 mars il était condamné à 3 mois de prison par la cour d’assises du Hainaut pour l’article “Paroles de révolte et d’espoir” paru dans L’Action directe n°2 (1er février 1906) dans lequel il avait écrit « En admettant que vos frères se révoltent et que des soldats wallons soient envoyés en Flandre et vice versa, ces soldats devront, au moment où ils recevront l’ordre de tirer, penser à leurs frères, et tirer… sur leurs officiers. Un jour viendra où les ouvriers dirigeront contre la bourgeoisie les armes qu’elle leur avait si imprudemment confiées ». De nombreux camarades de Bruxelles, Gilly et Liège s’étaient rendus au procès mais s’étaient vus refuser l’accès à la salle d’audience. Ces poursuites susciteront plusieurs meetings de protestation à Charleroi –avec Émile Chapelier, le typographe Alexandre Theunissens Antheunis et Jean Robyn Hardy — et à Bruxelles –avec Fuss, Chapelier, Hardy, Sosset Flaustier et Émile Ehlers — auxquels participèrent plusieurs centaines de personnes. Un numéro spécial de L’Insurgé (Herstal), relatant le procès dans tous ses détails, fut alors publié.
Dans une correspondance adressée à son frère, il écrivait : « Nous n’attendons rien du parlementarisme : les réformes, les prétendues lois sociales votées avec la coopération des bourgeois ne sont que des leurres. En résumé toute action est funeste qui tend à obscursir la notion de la lutte des classes. Cette lutte, nous ne la créons pas, nous la constatons. Ell est un fait. Deux forces sont en présence : les exploiteurs et les exploités. Celui qui aura le poing le plus solide, sera le maître… »(cf. Les Temps nouveaux, 14 avril 1906).
Au congrès de juin 1906 de la fédération de Liège de la CGT, Fuss avait proposé que les groupes antimilitaristes soient partie intégrante de l’organisation syndicale ainsi que la création d’une caisse antimilitariste distincte. A l’automne 1906 et en prévision du congrès anarchiste international devant se tenir à Amsterdam à l’été 1907, H. Fuss lançait avec Georges de Behogne Georges Thonar un petit journal intitulé Bulletin de l’Internationale Libertaire (Herstal-Liège, 5 numéros et un supplément d’octobre 1906 à juillet 1907) favorable à la création d’une Internationale. Fuss fut l’administrateur du journal tandis que Thonar en fut le secrétaire de rédaction. En 1907 il collaborait à L’insurgé (Herstal-Liège, au moins 200 numéros du 6 juin 1903 au 16 janvier 1909) dont le gérant était Thonar et il organisaot une série de conférences à Liège. Il s’opposa à cette époque à Thonar, qui voulait reconstituer le Groupement Communiste Libertaire (GCL), estimant « intolérable qu’un camarade isolé… s’approprie un titre qui laisse supposer une organisation nationale et qu’il s’arroge ainsi en quelque sorte le monopole de l’anarchisme organisé en Belgique… il n’y aura jamais d’autres organisations générales des anarchistes belges que celle qui résultera de la libre fédération de groupes locaux et régionaux ».
Dans le numéro du 1er mai 1907 de L’Action directe il lançait une violente attaque contre le parlementarisme : « … les politiciens, les socialistes et les autres démocrates n’ont qu’une chose en tête : instaurer une législation protectrice qui ne fera que cultiver un esprit de faiblesse parmi les ouvriers… le principe d’une législation protectrice les obnubile à ce point qu’ils en perdent le sens de la réalité. Ils consacrent toutes leurs énergies à une loi visant à protéger des ouvriers qui n’existent même pas encore. Mais ils trouveront ainsi une majorité et donneront une fois de plus aux ouvriers l’impression qu’ils ont obtenu quelquechose, alors que les capitalistes n’auront en réalité rien concédé… S’il faut déjà sans cesse temporiser à propos d’une réforme aussi simple que la réduction du temps de travail, quand donc le mouvement ouvrier se sentira-t-il suffisamment fort pour accomplir lui-même la grande révolution sociale ? Assez de comédie parlementaire ! Place à l’action directe ! ». Ses positions sur la grève générale et la journée de huit heures commençant à avoir un certain écho en particulier à la fédération des mineurs. lui valaient alors d’être durement attaqué dans la presse socialiste du Parti Ouvrier Belge (POB).
En juin 1907 il participait à Bruxelles à la seconde assemblée d’une soixantaine de délégués des syndicats indépendants, représentant 24 syndicats et 12.000 syndiqués en vue de constituer la Confédération syndicale belge sur les principes de la lutte des classes, de l’indépendance vis-à-vis de tout parti politique et sur le fédéralisme.
Après le congrès international d’Amsterdam (25-31 août 1907) auquel il avait participé, il entamera avec Thonar une longue polémique au sujet du syndicalisme dans les colonnes de L’Insurgé. Face à Thonar soutenant une position strictement anarchiste considérant que le syndicalisme n’était qu’une forme de lutte temporaire, Fuss, avocat du syndicalisme révolutionnaire, considérait que le syndicalisme était « Le lieu privilégié où mener la lutte de classes révolutionnaire… moyen et fin de la libération, il est le pivot du mouvement révolutionnaire auquel doit s’identifier l’anarchisme. »
En 1908 il était le rédacteur de L’Action directe, puis après la fusion de ce titre avec L’insurgé , devenait membre de la rédaction du nouveau titre L’Avant Garde (Liège, au moins 7 numéros à partir du 1er novembre 1908) avec Thonar et le mineur Camille Mattart. Entre temps la CGT belge s’était fondue dans une nouvelle Confédération Syndicale Belge.
Vers 1910, découragé par les querelles, Fuss partait s’installer à Paris. En 1913 il collaborait au journal L’Action ouvrière (Liège, 14 numéros du 1er juin 1913 au 1er juillet 1914) lancé par l’Union des syndicats de la province de Liège et sous titré « organe syndicaliste fédéraliste ». la fédération s’affirmait syndicaliste révolutionnaire dont le but final « est et restera la suppression du salariat et la création d’une société sans maîtres » (cf. n°1). Le journal fut administré tour à tour par Gilbert Pollard puis par Mathieu Demoulin et cessa sa parution avec la déclaration de guerre.
Pendant la première guerre mondiale, Fuss, qui s’engagera volontairement, sera l’un des signataires belges –avec Jules Moineau — le 28 février 1916 du Manifeste des 16 (dont Jean Grave, P. Kropotkine, C. Cornelissen, A. Laisant, C. Malato ; Paul Reclus et Tcherkesoff) en faveur de l’intervention contre l’impérialisme pangermaniste et publié dans le quotidien syndicaliste La Bataille (Paris, n°1 3 novembre 1915 à décembre 1920) auquel Fuss collaborait comme de nombreux autres anarchistes ralliés à « l’union sacrée ».
Après guerre Henri Fuss fit une brillante carrière au Ministère du travail belge. Mais il avait gardé quelques amitiés dans le mouvement libertaire puisqu’il collaborait à l’organe anarchiste de Camille Mattart L’Émancipateur (Flémalle-Grande, 1928-1936).
Henri Fuss qui avait participé à la résistance pendant la seconde guerre mondiale, est décédé à Bruxelles en 1964.
H. Fuss avait également collaboré à d’autres titres de la presse libertaire et syndicaliste francophone dont ; L’Émancipateur (Stockel, 17 numéros du 11 août au 1er décembre 1906) organe du GCL, La Révolution (Paris, février-mars 1909) quotidien fondé par E. Pouget, Les Temps nouveaux (Paris, 1895-1914) de Jean Grave et à la revue de la CGT La Vie ouvrière (1909-1914) dirigée par Pierre Monatte.