C’est au cours de ses études classiques et universitaires de droit à Livourne puis à Pise que Pietro Gori se familiarisa avec les idées socialistes puis devint anarchiste. En 1885 il adhéra à l’Internationale et au mouvement libertaire et en 1887 connut son premier procès pour la publication de la brochure « Pensées rebelles » pour laquelle il fut condamné à un an de prison. Malgré les persécutions il parvint à soutenir sa thèse intitulée « La misère et le crime ».
En 1891, avant la scission entre autoritaires et libertaires dans le parti ouvrier, il assista avec entre autres Saverio Merlino, Malatesta et Amilcare Cipriani au congrès de Capolago qui marqua le début du développement de la propagande et des activités anarchistes en Italie.
Ne pouvant, suite à la répression, exercer son métier d’avocat à Livourne, il s’installa à Milan où il fonda le journal L’Amigo del popolo dont les 27 numéros seront systématiquement saisis et poursuivis.
Après l’attentat de Caserio contre le président de la République française Sado Carnot, il fut accusé de complicité et fut l’objet le 23 juillet 1894 d’un arrêté d’expulsion préventif avant même de franchir la frontière.
Constamment persécuté, il parvint en 1894 à quitter l’Italie pour la Suisse où il s’installa à Lugano et reprit son métier d’avocat. Le 27 janvier 1895, sous la pression des autorités italiennes, il fut arrêté avec 17 autres militants italiens — dont E. Milano, E. Croci, C. D’Alessandro, E. Bonometti, A. Raza et G. Demonico — et expulsé avec eux. C’est de cette époque que date sa chanson « Adieu Lugano » qui deviendra très populaire dans les milieux anarchistes italiens.
Le 23 juillet 1894 il avait été l’objet d’un arrêté « préventif » d’expulsion de France à lui « notifier en cas de découverte ». Le 14 juillet 1895, à Émile Pouget qui avait fait mention dans La Sociale de cet arrêté, il avait répondu : « Je connaissais déjà l’étrange arrêté d’expulsion contre moi qui n’avais jamais vu la France par le gouvernement de la République, lors de mon séjour en Suisse, mais je n’y croyais pas… Que les policiers de ton pays ne me cherchent pas… Depuis quelques semaines je suis un simple matelot et d’ici quelques heures je serai en plein océan. Qu’ils soulèvent s’ils peuvent contre moi la rage des vents et des vagues » (cf. La Sociale, n°11, 21 juillet 1895)
P. Gori se réfugia d’abord en Belgique, puis à Londres où il ne put s’installer. Toutefois le 18 mars 1895, aux cotés de Louise Michel, Kropotkine, H. Catts, Tochati, Gibson, Legat et F. S. Paul, il fut l’un des orateurs du meeting de commémoration de la Commune tenu à Milton Hall en présence de plus de 500 personnes ; il avait terminé son discours — traduit en anglais par la demoiselle Oliva Rosetti — par les cris de « Vive la révolution sociale ! Vive l’anarchie ! ». Le même jour il avait participé à un autre meeting sur la Commune à Grafton Hall où, suite à la présence de la police, il n’avait que prononcé quelques mots.
Après un voyage à Amsterdam pour y rencontrer Domela Niewenhuis, il s’embarqua comme matelot pour gagner les États-Unis. Il parcourut tout le pays, donnant en une seule année plus de 400 conférences en diverses langue, et fonda le journal La Questione sociale à Patterson.
En 1896, mandaté par les Trade unions américains il revint à Londres pour participer au congrès ouvrier socialiste international, mais, épuisé nerveusement, dut être hospitalisé.
Revenu en Italie pour sa convalescence, la police le laissa en « liberté surveillée » et il intervint comme avocat dans la défense des compagnons ayant participé aux émeutes de Carrarese et à la défense de Malatesta à Ancône en 1898.
Après les émeutes survenues à Milan en mai 1898 et bien que recherché par la police il resta dans la ville. Après que son étude ait été saccagée par la police, il parvint à gagner Marseille où, sous un faux nom, il s’embarqua pour l’Argentine. C’est alors qu’il était à Buenos-Aires, que le tribunal de Milan le condamna par contumace à 12 ans de prison, non pour sa participation aux émeutes, mais pour les discours qu’il avait prononcé avant les événements.
En Argentine, tout en poursuivant son militantisme anarchiste, il mit ses brillantes capacités au service de la science et du droit. Après une série de conférences à la faculté de droit et au cercle de la presse de Buenos Aires, il fonda la revue d’études La Criminologie moderne. Puis il fut chargé par la Société scientifique argentine d’effectuer un voyage dans les régions australes pour y étudier les races sauvages de Patagonie.
En 1902, à l’occasion d’une amnistie, il rentra en Italie où il reprit son activité de conférencier. L’année suivante, avec Luigi Fabbri, il fonda à Rome la revue Il Pensiero.
Tombé malade et ayant besoin de repos il partit alors pour l’Égypte où, malgré l’avis des médecins qui lui avaient recommandé de se reposer, il prononça de nombreuses conférences. Revenu en Italie, et malgré la maladie, il reprit ses tournées de conférences.
En novembre 1905, il était allé avec entre autres Domenico Zavattero, Leda Rafanelli, Rodolfo Felicioli, Giuseppe Sartini et Luigi Fabbri, à un congrès tenu à Bologne et réunissant anarchistes et socialistes favorables à l’action directe et syndicale.
Épuisé, il se retira à Portoferraio (ile d’Elbe) avec sa sœur. En 1909, après quelques mois de repos, il entreprit une nouvelle et dernière tournée en Romagne dont il revint totalement épuisé.
Pïetro Gori est décédé à Portoferraio le 8 mai 1911.
« Pourvu d’une connaissance approfondie des sciences positives [il], ’en restait pas moins un sentimental, un émotif. Par sa douceur, sa probité, son noble désintéressement, il s’imposait lui et les idées qu’il défendait, à l’estime de adversaires de bonne foi » (cf. Les Temps nouveaux, 21 janvier 1911).
Le 11 janvier 1920, une plaque en marbre à son effigie avait été inaugurée à Piombino en présence de nombreux camarades dont Virgilia D’Andrea et Luigi Galleani qui prirent la parole.
Œuvres : Pietro Gori est l’auteur d’un très grand nombre de brochures, essais, conférences, poésies, pièces de théâtre, etc, qui seront publiées en Italie sous le titre « Œuvres complètes » (13 volumes), dont, peu avant sa mort, il avait confié l’édition au compagnon Pasquale Binazzi, aidé de sa sœur Bice Gori.