Coopérateur, Jean Ailloud était, en 1867, membre du conseil de surveillance et secrétaire de la « Société de Beauregard » (Vienne) qui prit la suite de la « Société des Travailleurs unis ». Cette société coopérative agricole et industrielle cherchait à constituer un organisme qui contînt tous les éléments de la vie communale.
Du 2 au 8 septembre 1867, à Lausanne, Ailloud représenta la section de Vienne — il habitait alors, 1, rue de l’Archevêché — au deuxième congrès de l’AIT et il assista avec assiduité aux séances (il n’a manqué qu’à deux appels sur les 15 qui ont été faits — cf. p. 79 des Procès-verbaux du congrès). J. Guillaume, qui rendit compte du congrès dans Diogène (27 septembre-24 octobre 1867), logea avec plusieurs délégués français à l’Hôtel du Raisin. Parmi eux se trouvait Ailloud qu’il présente ainsi : « Le Dauphinois est un tailleur sérieux […] à la faconde toute française, parlant vite et haut, crâne républicain ».
Avec Longuet de Caen et Aubry de Rouen, il fit partie de la commission de neuf membres chargée d’étudier la seconde question de l’ordre du jour ainsi libellée :
« Comment les classes ouvrières peuvent-elles utiliser pour leur émancipation le crédit qu’elles donnent à la bourgeoisie et aux gouvernements ? — Crédit et banques populaires. — Monnaie et papier-monnaie. — Assurances mutuelles. — Sociétés ouvrières. »
Longuet, rapporteur, ne présenta pas de résolutions formelles et se borna à affirmer « Le principe de l’organisation mutuelliste du crédit en service public » ; il recommanda « L’institution de Banques nationales fournissant le crédit gratuit, à prix de revient, à tous les producteurs qui présentent un gage réel », et « L’organisation des sociétés d’assurances mutuelles, basées sur les principes de division des risques, de responsabilité personnelle et de proportionnalité selon les risques. » (Cf. Procès-verbaux du congrès, pp 11 et 40.)
Le 3 septembre, Ailloud donna quelques indications sur la section de Vienne : fondée en 1866 avec un noyau de 52 membres, elle fut trop faible pour se faire représenter à Genève. Aujourd’hui, précisait-il, elle compte 500 adhérents acquittant chacun un versement initial de 1.25 et payant mensuellement une cotisation de 30 centimes.
Le 7 septembre, avec Palix et Schettel, de Lyon, Chassin, de Villefranche-sur-Saône, et Rubaud, de Neuville-sur-Saône, il déposa une protestation, votée à l’unanimité par le congrès, contre des agissements de la police de Tournon (Ardèche) qui avait arrêté Richard, délégué lyonnais venu créer une section dans cette ville, et fait comparaître ceux qui, à Tournon, avaient adhéré, et leur avait fait déposer leurs cartes (cf. Procès-verbaux du congrès, p. 74.)
Le 13 mars 1870, Ailloud assista avec Vaganay et Cluzel à l’assemblée générale de la fédération lyonnaise de l’AIT. Poursuivi deux mois plus tard avec ses deux camarades pour affiliation à l’Internationale, il bénéficia d’un non-lieu.
Après le 4 septembre et la proclamation de la République, il devint commissaire de police à Vienne.
Ailloud conserva, après la Commune, une très grande influence sur la classe ouvrière viennoise et joua un rôle essentiel dans la renaissance, vers 1875, du mouvement révolutionnaire. Il présidait aux destinées d’un « Cercle des travailleurs progressifs » qu’il avait créé en 1869, et qui réunissait les éléments les plus avancés de la ville, les anarchistes, notamment, groupés autour de Pierre Martin, dit Le Bossu. En août 1879, c’est Ailloud qui organisa à Vienne une conférence de Jules Guesde ; il prit part au congrès national ouvrier de Marseille de 1879 et s’y prononça pour le collectivisme ; au Havre en 1880, ce « vieux bonhomme myope » représenta quatorze groupes ouvriers de Vienne. Après son retour, son organisation se rebaptisa Cercle d’études sociales (CES). Le 9 octobre 1880, lors d’une réunion au théâtre de Vienne, le CES décida de désigner des candidats aux élections, conformément aux orientations du congrès du Havre. Les éléments anarchistes se séparèrent alors du CES et constituèrent le groupe des Indignés, avec Pierre Martin.
Alphonse Ailloud fut cependant déçu de l’expérience électorale, et fonda un groupe indépendant de propagande révolutionnaire dit Les Ratapels. Dans L’Étendard révolutionnaire du 8 octobre 1882, il écrivit : « Il ne sera possible de remédier à la situation actuelle que par la transformation complète de la société. La première des conditions est la suppression de la propriété individuelle, et la seconde : réduire l’autorité, qui en est la conséquence, à sa plus simple expression. Considérant en outre que ce n’est pas par le Parlement que cette transformation pourra s’opérer, que bien au contraire il sera toujours un obstacle lorsqu’il s’agira de faire ces deux réformes indispensables. Pour ces motifs, le groupe se place sur un terrain purement et simplement révolutionnaire. Il se déclare abstentionniste. »
Il se montra néanmoins rétif à la propagande par le fait et, après l’attentat de L’Assomoir (voir Cyvoct), il écrivit dans Le Moniteur viennois des 8 et 15 décembre 1882 : « Nous ne craignons pas de déclarer que nous sommes anarchistes. Nous ne craignons qu’une chose, après cette déclaration, c’est que notre contradicteur ne nous accuse d’avoir fait partie de ceux qui ont fait sauter L’Assomoir ».
Au cours des années suivantes, malgré son grand âge, Alphonse Ailloud était toujours considéré toujours comme l’âme du « parti » ouvrier à Vienne. En 1883, il organisa un banquet pour célébrer l’anniversaire du 18 mars 1871, qui rassembla une trentaine d’anarchistes et de socialistes collectivistes.
Début 1887 il figurait toujours sur une liste d’anarchistes de Vienne. Il demeurait toujours 1 rue de l’Archeveché mais était considéré comme « sans influence aujourd’hui ».