Dictionnaire international des militants anarchistes
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AERNOULT Albert, Louis
Né le 19 octobre 1886 à Romainville (Seine) - assassiné le 2 juillet 1909 - Ouvrier couvreur - Romainville (Seine-Saint-Denis) – Courrières (Pas-de-Calais)
Article mis en ligne le 25 mars 2007
dernière modification le 12 septembre 2023

par R.D.
Albert Aernoult

Fils d’un ouvrier terrassier de Romainville, Albert Aernoult exerça le métier de couvreur. Militant syndicaliste il prit une part active à la grève des terrassiers du métro qui eut lieu vers la fin de 1905. Partisan de l’action directe et de la chasse aux « renards » [1] il avait été identifié come l’un des « activistes » et dénoncé, il dut, pour échapper aux poursuites, quitter Romainville ; il s’embaucha aux mines de Courrières (Pas-de-Calais) et fut condamné par défaut à deux ans de prison pour faits de grève. De retour à Romainville, peu avant la catastrophe de Courrières, il fut arrêté et accomplit sa peine, ramenée à dix mois de prison, à la Petite Roquette. Il avait dix-neuf ans.

À sa libération, en 1907, influencé par des « gens bien intentionnés", il signa le 26 mars un engagement de trois ans. Le 20 juin 1909, douze jours avant sa mort, il écrivait à ses parents et terminait sa lettre par ces termes “Vive la classe, encore neuf mois et la paire !”. Le 1er juillet 1909, on l’envoya au camp de discipline de Djenan-el-Dar (Algérie) pour y purger une peine de quelques jours de prison.

A Djenan-el-Dar il y avait “derrière les barraquements un lieu que nous appelions la cour des miracles parce qu’on y appliquait les punitions. Là, durant des heures qui semblaient interminables, on poussait des brouettes au pas de gymnastique, on portait sur les épaules des bidons à pétrole emplis de sable. Au bout de peu de temps, l’homme astreint à ces exercices, manquait de force ; ses bras s’alourdissaient, ses jambes fléchissaient, son visage se contractait, mais la crainte des coups de matraque galvanisait les disciplinaires qui s’efforçaient d’accomplir jusuq’au bout les ordres exigés.” (Témoignage de Rousset). Dès cinq heures du matin, le 2 juillet, Aernoult était soumis à ces travaux de peloton et s’écroulait au bout de quatre heures. Battu à coups de gourdin il était ensuite soumis à la crapaudine : “une torture qui consiste à étendre le patient à terre sur le ventre, à lui replier les jambes sur les reins où elles viennent rejoindre les mains ramenées de la même façon ; chevilles et poignets sont liés ensuite par une cordelette”. Vers trois heures de l’après midi, Aernoult, dans un état proche de l’hébétude, était jeté en cellule où on le soumettait de nouveau à la crapaudine. Les sévices qu’il avait subit furent tels que le malheureux mourut dans la nuit, le lendemain de son arrivée.

Le disciplinaire Émile Rousset, compagnon d’infortune d’Aernoult, alerta l’opinion. La lettre qu’il fit parvenir au journal Le Matin, et où il relatait les faits dont il avait été témoin, provoqua une campagne animée par le comité de l’affaire Rousset — ce dernier avait été condamné à une peine de 5 ans pour avoir dénoncé l’affaire — et que soutinrent, avec les anarchistes, les journaux socialistes l’Humanité et La Guerre sociale, les syndicats, le Comité de Défense Sociale et la Ligue des Droits de l’Homme. Le 22 mars 1910 le Comité de Défense Sociale éditait l’affiche A bas Biribi ! signée par des militants syndicalistes, socialistes révolutionnaires et libertaires –dont Tissier, Grandin, Constant, Matha, Charles Albert, Goldsky, R. de Marmande – qui furent poursuivis devant la cour d’assises mais furent acquittés.

L’assassinat d’Aernoult, le dévouement de Rousset, avait inspiré Gaston Couté qui publiait la chanson Gloire à Rousset le 28 décembre 1910 :

“… Le sang du pauvre Aernoult étoilait sa cellule / Mais l’ombre cernait les barreaux/ Et déjà le silence avec le crépuscule/ Couvrait le forfait des bourreaux/ Quand de Rousset l’appel tragique/ Vint retentir comme un tocsin/ Dans l’enfer des bagnes d’Afrique/ A l’assassin ! A l’assassin…” et le refrain “Vive Rousset ! que ce cri vibre/ Hiseux chaouchs pour vous flétrir/ Vive Rousset ! et qu’il soit libre/ C’est Biribi qui doit mourir”.

Le 11 février 1912, le corps d’Aernoult, rapatrié par souscription publique lancée par le journal L’Humanité, fut conduit au columbarium du Père-Lachaise au milieu d’une foule considérable, estimée à plus de 150.000 personnes. Quant à Rousset, il ne fut libéré que huit mois plus tard.


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