Auguste Delalé est né dans une famille pauvre de tisseurs. Dès son jeune âge il fut lui-même apprenti tisseur, mais, rapidement, il abandonna ce métier pour apprendre celui de cordonnier à Romans (Drôme), centre provincial important de la cordonnerie. Dès 1888 il était membre du groupe anarchiste Les Indignés de Vienne (cf. La Révolte).
A la fin des années 1880, Delalé partit pour Paris et apporta sa collaboration par quelques articles à La Révolte de Jean Grave. Début 1892 il était de rerour à Vienne où il demeurait alors 1 rue Victor Faugier et était l’animateur du nouveau groupe Quand même. A la mi janvier 1892 il avait participé au congrès régional anarchiste tenu à Lyon où, comme Durey (voir ce nom), il s’était prononcé contre la participation des anarchistes à la manifestation du 1er mai. C’est lui qui avait présidé le meeting de clôture du congrès dont les orateurs furent Dumas, Blonde, Monod, Ramé et Monnier…
Sa compagne, née Marguerite Bernard, au printemps 1892 était allée à la prison pour apporter quelques affaires aux ouvrières Brunel et Tavernier condamnées à 4 mois de prison et 25 francs d’amende pour avoir rosser Fagés, un ancien anarchiste devenu patron, s’était accrochée avec un gardien qui refusa de recevoir quoi que ce soit pour des anarchistes et qu’elle avait traité de feignant. Poursuivie elle fut condamnée à 3 jours de prison.
Du mois de mars au 17 décembre 1893, il fut gérant du Père Peinard d’Émile Pouget où il avait remplacé J. Lecuyer condamné à un an de prison, ce qui lui valut d’être condamné pour diffamation à Cherbourg le 4 décembre 1893 à 3 mois de prison et 2.000 francs d’amende avec Rouard [Broussouloux ?]. Il était alors ouvrier en chaussures à Romans.
Le 1er janvier 1894, comme les autres militants du groupe de Vienne, sa femme avait été l’objet d’une perquisition au cours de laquelle la police avait saisi une lettre de Pouget adressée à son mari et lui suggérant de monter une bibliothèque.
Ce même 1er janvier 1894, lors d’une perquisition chez le compagnon D. Fayard à Villefranche, la police avait trouvé un couple dont l’homme prétendit s’appeler Auguste André. Laissé libre, il quitta aussitôt Villefranche. Dans l’enquête ultérieure cet homme fut identifié comme étant A. Delalé.
Le 26 février 1894 il s’était présenté au parquet de Grenoble pour y subir sa peine, n’ayant pas les ressources nécessaires pour se rendre à Cherbourg et fut immédiatement écroué.
Le rapport d’une visite que sa femme lui fit dans sa cellule de la prison de Grenoble (publié dans Libre parole, 27 mars 1894) apporte témoignage sur le sort des anarchistes emprisonnés pendant cette période d’attentats :
« J’ai trouvé mon mari bien changé. On l’a mis au cachot pendant huit jours pour s’être plaint qu’on ne le regardait pas comme un détenu politique ; pendant ces huit jours, il a vécu avec une livre et demie de pain, sans soupe. Il m’a déclaré […] qu’il se serait suicidé s’il avait pu. Il est maigre à faire peur et marche courbé en deux, par suite de violentes douleurs dans les reins. J’ai voulu lui faire passer une ceinture de flanelle, mais on n’a pas voulu la lui faire parvenir. »
Libéré, Delalé, qui avait été remplacé à la gérance du Père Peinard par Lapie, reprit son métier de cordonnier à Romans, puis, après avoir effectué à Vienne (Isère) une période militaire de 28 jours (Arch. Drôme, M 1673, 8 octobre 1895), il s’installa à Bourg-de-Péage, où il fut ouvrier cordier et demeura 20 rue Neuve. Il apparaît alors comme le porte-parole du groupe anarchiste, et il intervint fréquemment dans les réunions publiques ; il animait alors de « sa belle voix » les fêtes organisées par les groupes locaux.
Le 8 juillet 1897, au gendarme venu vérifier son domicile, il avait déclaré : « Le grand voleur de Félisque [le président Félix Faure] va donc venir promener sa viande à Valence ; on n’a pas besoin de tant nous surveiller ; si on voulait lui faire un mauvais parti, ce ne serait pas si difficile ». Ces propos n’ayant pas été tenus en public ne permirent pas de l’inculper.
En 1898 et 1899, il participa, avec une partie des socialistes romanais divisés, à la constitution d’une éphémère « Ligue de la coalition des forces révolutionnaires de Romans et Bourg-de-Péage » (Arch. Drôme Z 3214).
Le 23 janvier 1900, il porta, à Romans, la contradiction à Jules Guesde et à Alexandre Zévaès, leur reprochant de « Leurrer les masses populaires », les invitant à « dire vraiment si oui ou non on peut sans violence arriver à la Révolution » (Arch. Drôme Z 3214).
Au début de 1901, Delalé, qui avait quitté le département de la Drôme, fut un temps représentant de commerce pour une bijouterie de Besançon. Il allait ensuite à Tours (Indre-et-Loire) où il organisait un groupe anarchiste et animait de nombreuses conférences : il y dénoncera par exemple un couvent qui exploitait de la main d’œuvre enfantine. De nombreux militants passaient alors chez lui dont Jean Marestan, Louise Michel, Laurent Tailhade et Alexandre Jacob. Il travaillait alors comme tisseur à Tours mais ses activités feront qu’il ne trouvera plus d’emploi. Si bien qu’en mai 1903 il devait revenir à Paris avec sa compagne, Aline Blanc épouse Rigaudin, qu’il avait rencontré à la Maison du Peuple de Romans et future mère de Jeanne Humbert. Des compagnons leur trouvaient un logement rue Cavé à Montmartre et il reprit son ancien métier de cordonnier et collabora de nouveau à la presse anarchiste. En juillet 1903, deux articles parus dans Le Libertaire, lui valurent une nouvelle condamnation à deux mois de prison pour diffamation, cette fois à Dijon. (Voir ses articles « À l’œuvre » et « Anarchismes » dans les numéros 1-8 et 15-22 de mai 1903 du Libertaire) Sa sortie de prison marque le véritable début de son engagement actif dans le mouvement syndical ; pendant une courte période, en mai 1904, il remplaça le vieux militant cordonnier Le Mao comme gérant de l’organe officiel de la fédération nationale des Cuirs et Peaux, L’Ouvrier des cuirs et peaux. C’est vers la même époque qu’il fut élu secrétaire du syndicat de la cordonnerie parisienne, poste qu’il occupa alternativement avec un autre anarchiste, Bossard, qui lui succéda définitivement en 1907. En juin 1904, il devint salarié de la fédération des Cuirs et Peaux dans ses bureaux de la Bourse du Travail de Paris. Il était également le trésorier du Comité d’organisation du congrès anarchiste antimilitariste international devant se tenir à Amsterdam à l’initiative de Domela Nieuwenhuis et sont le secrétaire était Miguel Almereyda.
Ce fut comme un des deux représentants de la Bourse du Travail de Paris (l’autre est Georges Yvetot) qu’il alla au congrès où fut fondée l’Association Internationale Antimilitariste (AIA), à Amsterdam, en juin 1904. Lorsqu’une section française de l’AIA fut créée en septembre 1904, Delalé en fut le trésorier.
En avril 1907, Delalé fût arrêté en application des « lois scélérates ». Il était accusé d’avoir essayé de faire tourner à l’émeute un rassemblement des grévistes cordonniers en déclarant : « Le Clemenceau d’hier ne ressuscitera pas, mais il pourrait ressusciter quelque Ravachol ou quelque Émile Henry ». Finalement il y eut non-lieu.
André Delalé passa les trois dernières années de sa vie dans une obscurité relative. Il continua toutefois à jouer un rôle d’une certaine importance dans le syndicat de la cordonnerie parisienne et à la fédération ; en juin 1908, il fut délégué de la CGT lors d’une grève des cordonniers du cousu-main à Paris. Selon une note de la police du 19 février 1909, il circulait dans les divers groupes anarchistes de la région parisienne auxquels il proposait de vendre des pistolets.
Il continua également à avoir une activité au sein de la presse anarchiste. En mars 1909, il fit la demande d’une licence de gérant pour l’hebdomadaire anarchiste chinois Xin Shiji (Paris, 1907-1909) sous-titré en espéranto La Novaj Tempo puis en français Le Nouveau siècle en référence aux Temps nouveaux de Jean Grave. Le journal avait été fondé par Li Shizeng, Wu Zhihui et Zhang Jingjiang et Delalé y remplaçait le précédent gérant Léopold Verrier.
Delalé mourut le 12 mai 1910 à Paris. Son corps fut incinéré au cimetière du Père-Lachaise. À l’enterrement assistaient des personnalités du monde syndical et anarchiste comme Henri Dret, C. Malato, Montéhus et Alexandre Luquet, militant du syndicat des Coiffeurs et membre du Comité confédéral de la CGT.