Dictionnaire international des militants anarchistes
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MARESTAN, Jean “ROCHAT” [HAVARD Gaston, dit]
Né à Liège (Belgique) le 5 mai 1874 - mort le 31 mai 1951 - AIA - Masseur ; conférencier, homme de lettres – Paris – Marseille (Bouches-du-Rhône)
Article mis en ligne le 16 août 2012
dernière modification le 17 mars 2024

par R.D.
Jean Marestan (1905)

Jean Marestan, de son vrai nom Gaston Havard, aurait été le fils naturel d’un médecin belge ; la famille de sa mère, une Française musicienne et peintre, s’était exilée après la guerre franco-allemande.

Des revers de fortune obligèrent Jean Marestan à interrompre des études médicales et, vers 1890, il vint à Paris, attiré par les Lettres. Il s’installa sur la Butte Montmartre et fréquenta les ateliers de peintres, les milieux artistiques et connut les littérateurs d’avant-garde.

En 1893 il résidait 26 rue du Mont Cenis. C’est à cette époque, los de ses études en médecine, qu’il se lia notamment à Paul Guillon et François Dubois (voir ces noms) qui furent impliqués en juin 1895 dans une affaire de propagande anarchiste à la caserne du 146e régiment d’infanterie de Toul où ils étaient soldats.

Il adhéra très vite au mouvement anarchiste et il compte parmi les premiers rédacteurs du Libertaire, fondé en février 1895 par Sébastien Faure et Louise Michel. Plus tard, il collabora aussi à l’Anarchie (n° 1, 13 avril 1905), organe de Libertad et, peut-on dire, des illégalistes ; mais Marestan dénoncera " le préjugé de l’illégalité " (L’Anarchie, 28 janvier 1909) et, dès 1906 — l’affaire Bonnot est de 1912 — il s’élèvera contre " l’espèce d’auréole dont les révolutionnaires, d’esprit plus romanesque que positif, avaient paré la silhouette du trimardeur et de l’assassin " (cf. L’Anarchie, 1er novembre 1906).

Marestan fut attiré un moment par les milieux magnético-spirites. C’est à cette occasion qu’il se découvrit des talents de guérisseur, qu’il exerça ensuite pendant longtemps. Dès août 1896 il avait ouvert une clinique de massage magnétique au 8 rue Lécuyer. Il publia en 1901 à Paris une plaquette éditée par la Société des journaux spiritualistes réunis, Le Merveilleux et l’Homme coupé en morceaux.

Dès cette époque il collaborait au Libertaire et donnait des conférences anarchistes à la Bibliothèque sociale de Montmartre, 2 rue d’Orchampt.

En décembre 1897 il était allé à pieds de Paris à Lyon pour y être employé chez un magnétiseur rue Tête d’or.

Peu après, il s’installa à Marseille où le 18 janvier 1899 il participa au bar de l’Alhambra à une réunion au sujet de l’affaire Dreyfus et de l’antisémitisme dans laquelle, parlant des violences des antisémites, il appela les anarchistes “à se solidariser et répondre à la violence par la violence…œil pour œil, dent pour dent”. Il anima, dès 1903, le groupe de jeunes sympathisants libertaires Les Précurseurs. En octobre 1903, dans les colonnes du Libertaire, il lançait une grande enquête sur le thème "La décadence anarchiste : enquête sur les tendances actuelles de l’anarchisme".

Signataire en 1904 d’un Manifeste contre la guerre en Extrême Orient, il collabora également au mensuel L’Action antimilitariste (Marseille, 15 septembre 1904-15 janvier 1905, 4 numéros et un supl.) édité par l’Association internationale antimilitariste (AIA) dont il était membre du Comité national. Dès cette époque, il commença à se faire connaître comme conférencier (notamment à Nîmes, Marseille, Toulon, Nice, etc). Les problèmes sexuels l’intéressaient avant tout et il se joignit bientôt au groupe des néo-malthusiens, apportant son concours à Génération consciente fondée en 1908 par Eugène Humbert. En 1904 lors de ses conférences à Toulon il était hébergé par Marie de Saint-Rémy à la Villa America.

En août 1905 la police avait signalé don départ pour la Corse afin d’y organiser des sections antimilitaristes de l’AIA.

En 1907, le groupe Les Précurseurs qui se réunissait 12 quai du Canal, avait fondé une Université populaire. Un an plus tard et après avoir organisé une quarantaine de réunions, Marestan lançait un appel à la souscription afin de couvrir les 500 franc nécessaires à son fonctionnement (loyer, gaz, affichage, correspondance…)

A l’automne 1908 il étrait signalé comme le principal conférencier du groupe Les causeries de Marseille où il demeurait 2 rue de la Darse.

En 1910, Jean Marestan publiait aux éditions de La Guerre sociale, son livre L’Éducation sexuelle qui obtint un réel succès, fut traduit en cinq langues et réédité plusieurs fois en France. Il était depuis environ octobre 1910 le correspondant de La Guerre sociale et avait organisé en mai 1909 une conférence de Gustave Hervé à Marseille.

Début 1911, il prépara une tournée de conférences dans le sud contre les bagnes militaires dans le cadre de la campagne menée par La Guerre sociale

À Marseille, l’activité de Jean Marestan fut grande et il devint vice-président de la section des Bouches-du-Rhône de la Ligue des Droits de l’Homme et président d’honneur de la Libre Pensée. Il était alors domicilié 10 Boulevard Philipon à Marseille.

De 1911 à 1913 notamment, il parcourut la France entière, donnant des conférences sur l’éducation sexuelle et le problème des familles nombreuses. Parallèlement, il se dépensait en faveur du mouvement antimilitariste et contre les bagnes militaires qu’il avait eu l’occasion d’approcher au cours d’une enquête en Algérie. C’est ainsi que, par exemple, le 20 décembre 1911, il donna à Epinac les Mines (Saône-et-Loire) une conférence accompagnée de "projections lumineuses" sur Biribi à la grande salle de bal du café Lioret dont le tenancier, Lioret, était un antimilitariste, conférence qui toutefois n’avait réuni qu’une vingtaine d’auditeurs.

En 1914, il fut mobilisé dès le début des hostilités au 42e régiment d’infanterie à Carqueiranne dans le Var puis au 112e régiment d’infanterie, enfin muté dans le service sanitaire et affecté comme infirmier à l’Hôtel-Dieu à Paris.

Après la guerre, Marestan poursuivit ses activités, mais c’est le néo-malthusianisme qui l’occupa avant tout et il fit de nombreuses conférences.

Il fut initié à la franc-maçonnerie et fréquenta la loge " La Parfaite Union " de Marseille.

En 1922 i était l’un des animateurs du Groupe d’études sociales qui venait de se réorganiser et se réunissait au Bar Canals.

Marestan, qui ne fut, " à aucune époque, un orthodoxe de l’anarchisme " (cf. sa controverse avec Sébastien Faure, La Voix libertaire, octobre-novembre-décembre 1931), éprouva certaines sympathies pour l’URSS comme en témoigne sa polémique avec Voline dans L’En-Dehors (septembre 1932 à janvier 1933) et, en 1936, après un voyage en URSS, il tenait " pour profondément injuste " de ne pas faire de distinction entre les régimes fascistes d’Italie et d’Allemagne et celui de " l’actuelle Russie rouge, alors même que cette dernière n’aurait pas évolué dans un sens absolument conforme à celui de nos espérances " (cf. La Voix libertaire, 24 octobre 1936).

Après son voyage, il publia un ouvrage, L’Émancipation sexuelle en URSS. Par ailleurs, il rédigea de nombreux articles pour l’Encyclopédie anarchiste de S. Faure.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Marestan s’occupa d’insoumission et de Résistance. Il fut arrêté comme "intellectuel suspect"le 26 février 1943 par la police allemande et resta emprisonné une centaine de jours à la prison Saint-Pierre de Marseille. Il y écrivit un manuscrit inédit A Marseille sous l’occupation Allemande, souvenirs de la prison Saint-Pierre où il expliquait son évolution : “…. Le bon Tolstoi [avait] été l’un des maîtres de ma jeunesse. J’ai cru à la puissance communicative de l’objection de conscience, à la multiplication géométrique des partisans du pacifisme en tous pays… j’ai rêvé des millions de fusils élevés simultanément vers le ciel, la crosse en l’air, à la première déclaration des hostilités. Et cela aurait été dans le monde entier le signal de l’insurrection”. Mais après le triomphe dans les années 1930 du fascisme et du nazisme, il se tint de plus en plus “résolument éloigné des pacifistes intégraux qui se faisaient, de plus en plus avocats de nos pires ennemis et proclamaient que, de tous les maux que l’on voudrait écarter par la guerre, aucun n’est aussi redoutable que la guerre elle-même, ce qui les conduit à accepter les pires servitudes, c’est à dire Vichy”. Revenant à la “tradition des hommes de Valmy et des combattants de la Commune, pour qui, la défense de la France et celle de la révolution universelle en marche, n’étaient point choses contradictoires”, il s’était très vite intégré à la Résistance et dès le 11 novembre 1940 avait participé à la cérémonie aux Monuments aux Morts de Marseille. Puis il collabora au réseau animé par Y. Farge et David Mossé d’embarquement clandestin pour rejoindre aux larges des côtes les sous-marins alliés évacuant des responsables de la Résistance.

Après sa libération en juin 1943, sa compagne Berthe, suite à la dénonciation d’une femme juive à qui Arru avait fourni des faux papiers, fut arrêtée à son tour à l’été 1943 et transférée au camp de Brens. Marestan parvint à la faire libérer grâce à l’intervention du chef de division de la Préfecture des Bouches-du-Rhône, Antoine Zattara qui sera arrêté en juin 1944, déporté à Buchenwald où il décéda en septembre. Après ces arrestations, Marestan s’abstint “de fréquenter ceux de mes amis qui auraient eu particulièrement à craindre d’être, à leur tour, soupçonnés…."

Après la Libération, Jean Marestan maintint des rapports étroits avec les milieux anarchistes et fut notamment membre du groupe des « Amis d’Eugène Humbert » et reprit sa collaboration à La Grande réforme de Jeanne Hulbert. En 1949, il effectua, sous l’égide de la Fédération anarchiste, une série de conférences sur " l’Éducation sexuelle ", à Clermont-Ferrand, Saint-Étienne et Roanne.

Jean Marestan est mort à Marseille (Bouches-du-Rhône) le 31 mai 1951.

Œuvres : - Le Merveilleux et l’homme coupé en morceaux ; - Le Mariage, l’amour libre et la maternité ; - L’Éducation sexuelle (1910) ; - Biribi d’hier et d’aujourd’hui (1913 ?) ; - Le Mariage, le divorce et l’union libre (1927) ; - L’Émancipation sexuelle en URSS : impressions de voyages et documents (1936) ; - L’Impudicité religieuse (vers 1934-1939) ; - Nora ou la Cité interdite (Provencia, 1950)


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