Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

MERLE, Eugène « Le Marseillais » [Jean, Eugène MERLO dit]

Né le 5 février 1884 à Marseille (Bouches-du-Rhône) — mort en 1946 — Journalier ; journaliste — AIA — Marseille (Bouches-du-Rhône) — Nîmes (Gard) — La Chaux-de-Fonds (Suisse) — Paris
Article mis en ligne le 30 juillet 2008
dernière modification le 8 août 2024

par R.D.

Enfant naturel d’une domestique, légitimé par le mariage de sa mère avec Jean Merlo le 4 février 1886, Eugène Merle milita, dès l’âge de quinze ans, dans les groupes révolutionnaires de Marseille tout en travaillant comme journalier.

En mars 1901 il avait été signalé de passage à Reims (Marne) où il avait rencontré plusieurs militants dont Grimbert, Degreef, et Prost avec lequel, en colportant de la mercerie, il serait parti pour Paris où il aurait demeuré dans le quartier de Belleville. Signalé comme disparu depuis juillet 1901 — il était alors à Nîmes où il participait aux activités du Groupe libertaire d’études économiques —, il fut porté en janvier 1902 sur les « états verts » des anarchistes à rechercher sous le numéro 611. En fait, Merle se trouvait en Suisse où il avait noué des relations avec les révolutionnaires russes et où il collaborait à La Sentinelle, journal du Parti ouvrier de la Chaux-de-Fonds.

De retour à Marseille en 1903, il fut avec notamment Auguste Berrier, Mazan, Barral et Jalabert l’un des principaux promoteurs de la Société pour la création et le développement d’un « Milieu Libre » en Provence, projet qui réunit 95 adhésions mais qui n’aboutit pas. Il collabora à L’Ouvrier syndiqué (Marseille, 1887-1914) et fonda un syndicat des « Hommes de peine » qui réunissait plusieurs compagnons de la région. Il collabora à cette époque à La Revue Communiste (Paris, 5 numéros de décembre 1903 à avril 1904) dont l’administrateur était Émile Tissier et qui avait été fondée par les adhérents de la colonie communiste anarchiste de Vaux (Aisne). En 1904, il participa à la création de l’Association internationale antimilitariste (AIA) et fut chargé du secrétariat du mensuel fondé à Marseille, L’Action Antimilitariste (Marseille, 5 numéros du 15 septembre 1904 au 15 janvier 1905) dont le gérant était A. Berrier. C’est à la suite d’une causerie qu’il donna à La Ciotat que se constitua en décembre 1904 une section de l’AIA dans cette ville. Il fut également en 1904 le signataire avec de nombreux autres compagnons du Manifeste contre la guerre en Extrême Orient. Il prenait à l’époque la parole dans les nombreuses réunions de quartier, mais en mars 1905 certains compagnons lui reprochèrent vivement de s’être fait inscrire sur les listes de tirages au sort de l’armée ; il répondit à ces critiques que « La présence des anarchistes au régiment est le meilleur moyen de combattre le militarisme ».

Il se rendit ensuite à Paris, où il fut condamné, à un an de prison et 3 000 F d’amende, en décembre 1905, lors du procès des 28 dirigeants de l’AIA, signataires de l’« Affiche rouge » Aux conscrits (voir Sadrin). Lors de sa défense, il avait notamment déclaré : « Pour nous, nos liberté fantômes ne valent pas d’être défendues au prix de notre sang. Nous voulons faire la révolution pour en conquérir de moins éphémères que nous défendrions, ensuite, les armes au poing si on tentait de nous les ravir » (cf. Le Libertaire, 6 janvier 1906).

Libéré conditionnel le 23 juin 1906 avec une dizaine d’autres de condamnés (voir Gohier), il bénéficia de la loi d’amnistie du 12 juillet 1906. Le 30 septembre il participait à la contre manifestation antimilitariste organisée au Trocadéro par les groupes anarchistes, puis fut nommé gérant du bulletin L’AIA (Paris, 3 numéros d’octobre à décembre 1906) aux cotés d’Almereyda et de G. Ardouin. Le 14 juillet 1907 il était arrêté au Bois de Boulogne après avoir crié « Vive le 17e ».

Très lié avec Miguel Almereyda et Gustave Hervé, Eugène Merle, qui avait collaboré au Libertaire de S. Faure et aux Temps nouveaux de J. Grave, il participa au lancement de La Guerre sociale (Paris, n° 1, 18 décembre 1907- 31 décembre 1915) dont il fut l’un des administrateurs. Il en partagea les déboires judiciaires et fut condamné par défaut le 24 février 1908 à 2 ans de prison et 500f d’amende pour « provocation de militaires à la désobéissance ». Après s’être constitué prisonnier le 6 juin, il était à nouveau condamné le 14 novembre à 1 an de prison et 3000f d’amende pour « diffamation et injures envers l’armée ». En appel le mois suivant la peine de un an était maintenue. Le 13 octobre 1910, lors de la grève des cheminots, il fut arrêté au siège de La Guerre sociale avec Almereyda et poursuivi pour « complicité d’entraves à la marche des trains ». Remis en liberté provisoire le 24 mars 1911, il passa en Belgique à l’été pour éviter un nouvel emprisonnement suite à la séquestration dans les locaux de La Guerre sociale de Bled, Dudragne et Métivier accusés d’être des mouchards.

Le 29 janvier 1911 il avait participé à la fête organisée par la Fédération révolutionnaire au profit du Libertaire puis au printemps à une tournée de conférences antimilitaristes dans l’ouest de la France (Brest, Lorient, Nantes, etc). Lors de la conférence tenue à Brest le 8 mai 1911, la police signala qu’il avait interprété « des chansons libertaires et anarchistes et des monologues parmi lesquels « le droit à l’avortement », Doit-on aller à la caserne”, “Les préjugés”, “Birribi » … de véritables provocations aux crimes, à la désertion et à la désobéissance aux lois « (cf. commissariat central de Brest, 10 mai 1911). Il collabora à cette époque à l’organe de la CGT La Bataille Syndicaliste.

Avec Almereyda, J. Goldsky et autres, il signa l’article « Pourquoi nous entrons au Parti socialiste » (cf. La Guerre sociale, 4 décembre 1912), et, en novembre de l’année suivante, fonda, toujours avec Almereyda, le fameux Bonnet rouge qui devait devenir plus tard un quotidien du soir. Il cessa alors toutes relations avec le mouvement libertaire.

Selon Henri Zisly, Merle se serait engagé en 1914-1918 et serait revenu de la guerre avec le grade de sergent-chef.

Au sortir de la Première Guerre mondiale, Eugène Merle fonda Le Merle blanc dont le premier numéro parut le 10 mai 1919. Certains collaborateurs furent recrutés parmi des journalistes et des militants socialistes, tels que Bernard Lecache, Georges de La Fourchardière, Paul Reboux, Pierre Scize, Victor Méric qui signait Véhem. Ce dernier définit Le Merle comme « légèrement bolchévisant ». Il est vrai que le journal tournait en dérision, avec beaucoup d’humour, la censure et les mensonges secrétés par un antibolchevisme sans retenue.

De fait, Eugène Merle devint un aventurier de la presse qui, tout en gardant des attaches avec la gauche, essaya de vivre d’un journalisme parfois à bon marché. Ainsi, lors de la campagne électorale de 1924, il employait des journalistes de L’Égalité, journal de L.-O. Frossard, à son Paris-Soir et publiait simultanément un journal « léger » intitulé Frou-Frou. Cette situation fut utilisée par le Parti communiste contre ses adversaires de l’Union socialiste-communiste.

En 1923, Eugène Merle avait fondé un quotidien, Paris-Soir, avec une équipe riche en talents, d’une part Paul Reboux, Henri Béraud, Georges Pioch, H.-P. Gassier et de l’autre d’anciens membres de la rédaction de L’Humanité : L.-O. Frossard, Aimé Méric (rédacteur en chef), Raoul Alexandre, Robert Tourly, Victor Méric, Bernard Lecache, Paul Louis (voir ces noms). Merle avait lancé son journal sans provision financière suffisante et fut contraint d’en céder la direction à Paul Reboux lorsque le Journal, lié à l’agence Havas, en prit le contrôle. En 1928, il tenta une première fois de relancer un Merle, sans grand succès. Un éphémère Merle blanc reparut en 1933.

En 1927 et 1928, il dirigea Paris-Matinal, puis en 1930, devint conseiller technique au Petit Parisien et anima les éditions du Tambourin.

Eugène Merle s’était marié en 1916 à Paris (IIe arr.) et remarié en 1926 à Barbizon (Seine-et-Marne) est décédé à Paris en 1946.

Œuvre : — Le Mensonge patriotique (Ed. de La Guerre sociale, 1907).


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