Fils de cultivateurs, Ernest Gegout était élève au lycée de Nancy lorsqu’il s’engagea, à seize ans, dans les Chasseurs d’Afrique pour la durée de la guerre. Le conflit terminé, il retourna à ses études avant de faire régulièrement son service militaire où il se révéla indiscipliné et rebelle. Élève officier à Saumur, ce qui lui valut d’être surnommé Cadet dans la famille il finit son temps dans des compagnies disciplinaires, en Algérie. Nommé sous-préfet de Falaise (Calvados), il dut renoncer rapidement (au bout de 28 jours) à sa fonction après avoir refusé de rendre visite à l’évêque et au député bonapartiste de l’arrondissement. Nommé inspecteur de l’Assistance publique par la suite, il démissionna peu après. Ernest Gegout devint alors socialiste « guesdiste » et collabora au Cri du peuple fondé par Vallès en 1883.
Vers 1888, il se rallia à l’anarchisme. Gegout, qui demeurait 4 rue Danrémond, avait fondé L’Attaque dont le premier numéro, daté 20-27 juin 1888, exposait les buts de la rédaction : « … Nous commençons L’Attaque. Attaque contre les intrigants politiques, les corrompus et les traîtres, contre les exploiteurs du peuple, les oppresseurs de la classe ouvrière, contre les fainéants du dogme, les escrocs de la foi… ». Le journal dont le gérant était L. Meunier, s’intitula d’abord organe socialiste révolutionnaire de la jeunesse, puis organe socialiste révolutionnaire à partir du numéro 7 (1-8 août 1888), enfin, organe hebdomadaire anarchiste à partir du numéro 46 (25 juillet-3 août 1889). Ernest Gegout, d’abord rédacteur en chef, devint « rédacteur-délégué » à dater du numéro 42 (1-8 juin 1889). Le journal eut 66 numéros jusqu’au 26 avril-3 mai 1890. Le 28 avril 1890, Gegout et Malato furent condamnés pour des articles parus dans L’Attaque, à quinze mois de prison, qu’ils purgèrent à Sainte-Pélagie et à 3.000 francs d’amende. Pendant leur incarcération, tous deux firent sirtir clandestinement de la prison plusieurs lettres destinées notamment à S. Mougin et à Giuseppe Rovigo.
A sa sortie de prison en mai 1891 Gegout reprit la publication de L’Attaque (octobre 1891 à 1915 dont il sera le principal rédacteur ; toutefois, le journal qui était sous-titré « journal indépendant » n’avait plus rien d’anarchiste.
En 1892, d’après un rapport de police, quelques anarchistes français, dont Jean Grave, Charles Malato, Émile Pouget et Gegout, songèrent à centraliser des renseignements sur le mouvement anarchiste européen, mais le bureau qu’ils devaient constituer à cet effet ne donna pas signe de vie (Arch. Nat. F7/12504).
Lors d’une interview donnée au journal Le Gil Blas (14 février 1892), Gegout déclarait notamment : « A mon avis l’anarchie ne réside pas uniquement dans le vol, dans l’estampage, dans la bombe et le pétrole. Ces moyens ne font que développer les tendances brutales de la masse, sans développer le moins du monde l’éducation morale ». Et il ajoutait à propos de Tolstoi : « Son anarchisme comme celui de beaucoup de mes amis, comme le mien même, réside en ceci : la conscience absolue des devoirs envers tous, c’est-à-dire le respect des lois de la nature, et en même temps le mépris des lois gouvernementales ».
En mai 1892, lors d’une perquisition chez Stéphane Mougin auquel il était très lié, près de 150 lettres de Gegout furent saisies par la police.
Gegout collabora à la revue individualiste L’Idée libre d’André Lorulot à partir d’août 1912. Il refusa toujours de s’inscrire à un parti. En 1913, il collabora au Populaire de l’Est, puis, à la fin de sa vie, au Réveil Ouvrier, organe de l’Union des Syndicats de Meurthe-et-Moselle, auquel il donnait surtout des articles locaux. Aussi ce journal lui consacra-t-il deux articles nécrologiques, saluant en lui le « dernier révolutionnaire romantique » après son décès survenu le 3 février 1936 à Paris où il fut incinéré.
OEUVRES : En collaboration avec Malato, Prison fin de siècle, Souvenirs de Pélagie, Paris 1891, 352 p. (Bibl. Nat. 8° Lb 57/10422). — Jésus, Paris, 2e édition, 1897. — Les parias : vie anecdotique des enfants abandonnés, placés sous la tutelle de l’Assistance publique (Ed. L’Attaque, 1898).