Dictionnaire international des militants anarchistes
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BERTRAND, Antoine
Né à Lucciana (Corse), le 16 mars 1877 (ou 1878 ?) - mort le 12 juin 1964 - Charpentier en fer - AIA - AFA - CGT - Toulon (Var)
Article mis en ligne le 12 janvier 2014
dernière modification le 22 février 2024

par ps

Fils d’un charretier, Antoine Bertrand fut admis comme apprenti charpentier sur fer à l’Arsenal maritime de Toulon, le 1er avril 1892 (Constructions navales). Il effectua son service militaire dans les chasseurs à pied de 1898 à 1901. Il s’était vu refuser de faire son service dans la Marine. Après avoir réintégré l’Arsenal, il fut titularisé en 1902 et travailla successivement dans les ateliers de la petite chaudronnerie, des mouvements généraux, des bâtiments en fer puis des réparations en 1917.

Militant anarchiste, Antoine Bertrand, membre de la section locale de l’Association internationale antimilitariste (AIA) fondée en 1904 et animée par Victor Busquère, fut l’un des 31 signataires de l’affiche "Conscrit » en janvier 1906 (voir Augustin Bayle pour la liste de signataires) et, quand le groupe de La Jeunesse libre se constitua cette même année 1906, fut le gérant du local occupé, 14, rue Nicolas-Laugier de 1907 à 1914. Secrétaire du groupe, il demeurait 28 rue du Gard et s’occupait également de la diffusion de l’espéranto. Le groupe fut d’abord lié à G. Hervé et La Guerre sociale puis s’en éloigna lors du virage à droite des hervéistes. Il représenta notamment à partir de 1911 à Toulon, le Comité de défense sociale (CDS) dont les autres responsables pour le Var étaient Marius Pascal (Draguignan) et Léon Prouvost (Saint-Raphaël). Inscrit au carnet B, il était classé par la police parmi les " hervéistes " de la ville. En 1909 il avait été condamné à 25 francs d’amende pour "outrages à agents" et le 7 mai 1910 il fut arrêté avec Marius Menei et Vernoux en train d’afficher des placards anarchistes.

Bertrand milita au syndicat CGT des travailleurs du port comme tous ses camarades anarchiste dont Joseph Chandre, V. Busquère, Toussaint Flandrin et Paul Nicolini. Il faisait partie de la minorité révolutionnaire animée notamment par Chandre.

Une violente attaque fut portée dans L’Émancipateur en 1911 contre la gestion du nouveau secrétaire réformiste Albert Lamarque. Bertrand critiqua l’acceptation des subventions pour la marche du syndicat et le 28 février 1911, écrivit notamment :
" Personnellement, je suis contre les subventions pour les motifs suivants :
1) pour reconnaître les forces syndicalistes ;
2) pour apprendre aux individualités à ne compter que sur elles-mêmes ;
3) avoir un local à seule fin qu’à n’importe quel jour ou heure, l’on puisse se réunir ;
4) n’avoir rien de commun avec les politiciens de n’importe quelle étiquette ;
5) faire l’éducation individuelle sur l’alcoolisme, le tabagisme, etc.
"
Candidat sur ces positions pour le conseil d’administration du syndicat, il fut élu, le 7 mars 1911 avec J. Chandre et réélu le 26 janvier 1912.
Le 24 novembre 1912, le secrétaire Lamarque avait pris la parole aux côtés de militants de la SFIO dans un meeting contre la guerre. À la réunion du conseil d’administration, le 27 novembre, Bertrand lui reprocha ses rapports avec les politiciens. Le ton monta et Lamarque le gifla. Cette affaire fit grand bruit. Bertrand écrivit dans la presse plusieurs articles. Il affirmait notamment : " Je tiens à avertir les membres du CA que je veux avoir le droit de penser différemment qu’eux et de faire respecter les statuts de l’organisation, sans être traité de malotru et d’imbécile, et en même temps être frappé sans avoir le droit de légitime défense. " Aussi, Bertrand fut-il exclu définitivement par une assemblée générale spéciale, le 11 janvier 1913, en raison de ses articles jugés diffamatoires qui portaient " un préjudice moral au syndicat ".

Lors de la campagne antiparlementaire, il se porta candidat « abstentionniste » aux élections législatives en avril 1914 dans la première circonscription de Toulon mais aucune déclaration ne fut faite à la préfecture et il n’obtint pas de voix.

Comme tous les ouvriers de l’Arsenal, Bertrand resta dans l’établissement militaire au début de la guerre. Marié en octobre 1915, il continuait à diriger le groupe de La Jeunesse libre et diffusait le journal de S. Faure Ce qu’il faut dire. Aussi, quand la police effectua une perquisition dans le local du groupe, le 8 décembre 1916 et trouva des brochures antimilitaristes, Bertrand fut arrêté avec les autres animateurs du groupe et fut écroué à la prison maritime de Toulon, trois jours plus tard. L’enquête menée par le premier tribunal maritime annula son sursis de mobilisation, ce qui revenait à l’exclure de l’Arsenal. Sur le registre de matricules figura la note suivante : " Congédié et exclu définitivement des arsenaux pour actes et propagande antimilitaristes à compter du 13 février 1917. " Le même jour avait également été exclu de l’arsenal le compagnon Toussaint Flandrin. Plutôt que de se rendre au cinquième dépôt des équipages de la flotte à Toulon, Bertrand annonça son intention de " ne pas se rendre à l’ordre d’incorporation " puis finalement avait rejoint son affectation. Il appartint à un régiment d’infanterie de mai 1917 à novembre 1918. Selon le rapport du commissaire spécial de Toulon, le 11 janvier 1919, il était toujours mobilisé. Il fut en fait réadmis le 1er novembre 1918 et retrouva l’atelier des réparations, le 1er février 1919.

Élu membre du conseil d’administration du syndicat des travailleurs de la Marine, le 25 avril 1919, il devint secrétaire du syndicat, le 10 juillet 1919, poste auquel il fut remplacé en août par le compagnon T. Flandrin.
Les anciens dirigeants " réformistes " du syndicat, Lamarque et Bérenguier, devenus minoritaires, résistaient à l’offensive des " révolutionnaires ". Périodiquement, la presse locale publiait des lettres de leurs partisans. Ainsi, dans Le Petit Var, le 11 août 1919, un certain Giraud indiquait que Bertrand " une des lumières du syndicat ", était " sourd " et " gueulait ". Souvent aussi, sa petite taille alimentait divers quolibets. Lors du renouvellement de la commission administrative du syndicat à la mi-août 1919, il fut réélu et nommé secrétaire aux inscriptions. Il fut à nouveau reconduit dans ses fonctions à la commission administrative, le 12 mars 1920.

Lors d’une assemblée générale à la Bourse du Travail, le 15 janvier 1920, réunissant les secrétaires des syndicats, il critiqua fort le dirigeant national Savoie, lui reprocha son attitude de repli au moment de la grève prévue pour le 21 juillet 1919. En conséquence, il vota contre l’ordre du jour proposé.
Bertrand participa aux réunions préparatoires à la constitution du comité d’amnistie pour les mutins de la Mer Noire à la fin de 1919 ; il fut nommé secrétaire général du bureau provisoire du comité de propagande en faveur de l’amnistie pleine et entière qui devait déployer une très grande activité dans la région toulonnaise.

Bertrand participa à la grève des ouvriers de l’Arsenal en mai 1920. Il fut radié des effectifs " pour ne pas s’être présenté au travail le 10 mai " conformément au décret affiché en ville à partir du 8 mai. Nous ne savons quel emploi il occupa pendant les quatre années qui suivirent.

Bertrand développait au sein des " minoritaires " de la CGT à Toulon, une position différente de celle de Flandrin. Selon lui, il ne fallait pas rester dans la CGT. Aussi, s’opposa-t-il à Flandrin, lors de l’élection du nouveau secrétaire de l’Union départementale, le 14 octobre 1920. L’informateur du commissaire spécial indiquait que le 31 décembre 1920, il s’était retiré de la CGT.

Dès lors, Bertrand milita exclusivement au Comité pour l’amnistie intégrale dont il assurait le secrétariat général tout en étant membre du groupement anarchiste, La Jeunesse libre. Toute l’année 1922 fut marquée par des difficultés internes au comité. Certains anciens membres des " Jeunesses Libres ", tels Viort ou Nicolini commençaient à militer au Parti communiste. Les affrontements semblent avoir porté exclusivement sur les questions de gestion financière du mouvement ; il est évident que les rapports de police ont privilégié cet aspect. Le 21 juillet 1921, sur la demande de l’ARAC, des sommes furent versées pour la caisse de secours aux populations russes. Par la suite, les incidents se multiplièrent. Le 21 novembre 1922, Bertrand était exclu du comité. Il engagea une campagne de presse (La République du Var, Le Radical) ; il accusait les dirigeants du comité d’avoir dilapidé les finances par des notes de frais exagérées. Le secrétaire du groupement des Jeunesses libres, Baptistin Gamba se désolidarisa publiquement de l’auteur de ces articles.

Bertrand continuait toutefois à participer aux réunions pour l’amnistie d’autant plus qu’il s’agissait d’obtenir la réintégration des exclus de l’Arsenal pour faits de grève. Les incidents se multiplièrent (il accusa Flandrin d’entretenir des relations avec la police en mai 1923 ; des coups finirent par pleuvoir à la suite d’une altercation orageuse avec Nicolini en octobre 1923, etc.).

À la suite de la victoire du Cartel des Gauches aux élections législatives de 1924, une loi d’amnistie fut votée, le 3 janvier 1925. Le préfet maritime proposa la réintégration de " plein droit " de Bertrand à l’Arsenal, le 2 avril 1925. Il reprit son travail à l’atelier des réparations le 3 juin 1925 et y resta jusqu’à sa retraite, le 1er août 1927. Il se rapprocha des communistes au moment de la lutte contre la guerre du Maroc et présida même un meeting dans le quartier des Routes, avec Duisabou, le 25 juin 1925.

Par la suite, Bertrand se rendait souvent dans les réunions communistes, posait des questions aux orateurs et les participants, en général, le conspuaient

À partir de 1930, les rapports de police associèrent son nom au groupe S. Faure, nouvelle appellation du groupe des Jeunesses libres dont il faisait encore partie en 1937. Il résidait alors Camp Pomet, petit Boulevard Barbier à Toulon et figurait sur l’État des anarchistes du Var. Il était en 1930 le trésorier-correspondant du groupe Sébastien Faure dont le secrétaire étair Lucien Quiniou et qui était adhérent à l’Association des fédéralistes anarchistes (AFA).

Nous nous demandons si ce n’est pas lui qui, le 13 avril 1934, retraité, figurait au bureau d’une réunion organisée par l’Union locale de la CGTU à la Bourse du Travail de Toulon contre les décrets-lois. La présence de Gabriel Diné, militant libertaire et alors secrétaire de l’Union départementale avait-elle contribué à le rapprocher de la CGTU ?

Antoine Bertrand est mort à Toulon (Var), le 12 juin 1964.


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