Dictionnaire international des militants anarchistes
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WEILL, Lucien “Henri Dhorr”
Né le 10 novembre 1865 à Bruxelles (Belgique) - représentant de commerce - Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) – Paris – Genève - Bruxelles - Londres - Marseille (Bouches-du-Rhône) – Lille (Nord) - Genève
Article mis en ligne le 24 juin 2010
dernière modification le 22 février 2024

par R.D.

Lucien Weill dit Henri Dhorr, qui avait participé à la rédaction de l’organe socialiste anarchiste L’Attaque (Paris) fondé en 1888 par E. Gégout, fut le premier administrateur-gérant du Père Peinard de Pouget qui parut pendant cinq ans, de février 1889 à janvier1894 (253 numéros).

Début 1890 il demeurait 7 rue Caplat (XVIIIe) Le 19 février, devant une soixantaine de participants, dont une vingtaine de femmes, il avait exposé les théories de l’amour libre, lors dune réunion organisée par le groupe Les Libertaires du XVIIIe arrondissement, au café de l’exposition, boulevard Rochechouart. A cette même époque il s’opposait à ce que les femmes puissent se réunir entre elles et allait porter la contradiction notamment auxw réunions du groupe anarchiste de Montmartre La Femme libre qui se réunissait salle Delaporte, 19 rue de Clignancourt (voir Madeleine Pelletier).

Il participait aussi aux réunions du Cercle anarchiste international de la salle Horel où en avril il diffusait un petit manifeste en faveur de la grève générale intitulé Pourquoi les travailleurs sont ils malheureux (cf. Portfolio).

Il fut condamné le 17 avril 1890 par la cour d’assises de la Seine à 15 mois de prison et 2.000 francs d’amende pour “provocation au meurtre, au pillage et à l’insubordination” suite à un article sur le 1er mai paru dans le n°56 (6 avril). Lors de l’audience il avait notamment déclaré : “M. l’avocat général a bien perdu du temps à démontrer que j’avais provoqué au meurtre et au pillage, et excité les soldats à la révolte. Je le reconnais et je m’en flatte même. La société est composée de bourreaux et de victimes. pour faire cesser ces monstrueuses irrégularités, il y a les moyens bourgeois, de la guimauve, et les moyens révolutionnaires ; ce sont ceux ci que je préconise…” ; puis, s’adressant aux jurés il avait ajouté : “Messieurs les jurés, je revendique toute la responsabilité de l’article poursuivi et je la revendique parce que je suis révolutionnaire. Révolutionnaire ? Et pourquoi ? Parce qu’en entrant dans la vie j’ai été frappé de cette effrayante contradiction entre l’insolente richesse des uns et la noire misère des autres.J’ai vu que le monde se partage entre deux grandes classes, les riches et les pauvres, les exploiteurs et les exploités, les affameurs et les affamés, j’ai pris le parti de ceux ci contre ceux là. Et je me suis demandé de quel droit les uns possédaient tout et les autres rien. J’en ai cherché la cause et j’ai constaté qu’elle résidait toute entière dans la morale bourgeoise. Car Messieurs, il y a deux morales. La morale bourgeoise, la vôtre, qui se résume en ceci, que tout doit appartenir à quelques uns. Et la morale révolutionnaire, la nôtre, qui soutient à bon droit que tout appartient à tous… Pourquoi de deux enfants qui viennent au monde, l’un nait-il rentier et l’autre misérable ? Les rentes du premier sont les causes des dettes et de la misère du second. Voila ce qui nous révolte… La fainéantise des uns s’alimente du surcroit de labeur imposé aux autres… Quand je vois tout cela, ma pitié se change en haine !” (cf. La Réforme sociale, Bruxelles, n°1) Puis il avait terminé : “Entre vous bourgeois et nous anarchistes, c’est une haine qui ne finira jamais. Vous êtes nos ennemis naturels : nous n’épargnerons pas votre classe le jour venu et je n’attends pas de vous un verdict de justice, mais de haine. Mais, adversaire de la loi, je ne reconnais aucun juge, je me considérerai comme frappé, mais pas comme jugé…” (cf. La Révolte, 26 avril 1890)

Il se réfugia alors à Genève et y fut notamment logé 28 rue de Montbrillant, chez le compagnon Moïse Ardene chez qui il aurait continué à écrire pour Le Père Peinard où il avait été remplacé à la gérance par J. Bebin puis par A. Faugoux. Suite à la publication en novembre 1890 du placard anarchiste trilingue Souvenons nous commémorant les martyrs de Chicago, il fut l’objet d’un arrêté d’expulsion le 15 décembre 1890 avec Paul Bernard, les italiens Galleani, Rovigo, Pietraroja (voir ce nom) et le bulgare P. Stojanov, et le 18 décembre suivant fut mis dans un train à destination de la Belgique avec P. Bernard. Puis, après avoir été expulsé de Belgique au printemps 1891 avec une quinzaine d’autres dont Merlino et Lavezan, Weill se réfugia de nouveau en Suisse puis à Londres où il résida d’abord 37 Mortimer Market Tottenham, Court Road, dans une maison louée par un compagnon et entièrement sous-louée à des anarchistes. En mai il déménageait chez Charlotte Richard à Fitzroy Square et fréquentait les réunions du club L’Autonomie. Il fut alors l’éditeur du journal Le Rotschild (Londres, 3 numéros, du 15 juin au 15 juillet 1891), sous titré "organe de la classe dirigeante", dont l’administrateur était J. Prudhomme fils et qui cessa sa publication faute de ressources. Dans le premier numéro, on pouvait lire cette constatation de la "classe dirigeante" : "…Malgré une armée aveugle, malgré une magistrature et une police serviles, malgré une bande de politiciens complices, nous sommes impuissants devant nos esclaves, et l’hydre de l’Anarchie renaît sans cesse du sang dans lequel nous voulons la noyer… Pour un révolutionnaire que nous faisons disparaître, ul en nait cent, plus énergiques, plus acharnés à la revendication de leurs droits…"

A l’automne 1891 il participait à une réunion pour protester contre les exécutions de Chicago et où il éreinta très vivement les marxistes Jules Guesde, Basly et Laffargue. Au début de l’année 1892 il subsistait difficilement après avoir trouvé un emploi de laveur de vaisselle dans un restaurant. Dan diverses correspondances avec notamment le compagnon parisien S. Mougin (saisies en mai 1892), il faisait l’apologie du vol et des actions individuelles et condamnait les compagnons "tombant dans les travers de l’organisation”.

En mai 1893 Weil revenait à Paris où il fut membre du groupe La sentinelle de Montmartreavec Faure et Tennevin.

Après la disparition du Père peinard et son transfert à Londres, il alla s’installer comme représentant de commerce à Chalon-sur-Saône où la police continua à surveiller ses activités. En juillet 1894 il avait remplacé Guillemin, arrêté, comme dépositaire des Temps nouveaux et de La Sociale de Pouget. Puis il rompit avec Pouget, trop favorable à ses yeux au travail des anarchistes dans les syndicats, et devint en 1895 correspondant à Chalon-sur-Saône du Libertaire de Sébastien Faure où il exposa à plusieurs reprises en 1897 sa conception de la loi d’airain des salaires qui, à ses yeux, rendait inutile pour un révolutionnaire de militer dans les syndicats. C’est ainsi qu’en juillet il déclarait : le gain d’un ouvrier « ne saurait normalement descendre au-dessous de la somme nécessaire pour l’existence du troupeau d’esclaves dont a besoin la bourgeoisie, mais il ne saurait non plus dépasser cette somme ». Dès lors « le rapport entre les classes salariante et salariée, aussi longtemps que celles-ci existeront, restera immuable » et, en dehors d’une révolution, il n’existe aucun moyen « d’augmenter d’une livre de pain la consommation totale de la classe ouvrière ou de diminuer d’une heure la totalité de ses heures de travail » (Le Libertaire, n° 77, 29 avril-4 mai 1897). Pourquoi donc les ouvriers se syndiquent-ils ? C’est qu’ils espèrent augmenter leur part de ce salaire immuable qui est consenti à la classe ouvrière dans son ensemble. Aussi, consacrer ses efforts à assurer le triomphe d’un groupe corporatif « c’est faire oeuvre bourgeoise, réactionnaire » (Le Libertaire, n° 78, 5-11 mai 1897). On ne peut donc que condamner le syndicat, « élément de faiblesse au point de vue révolutionnaire » et déconseiller à l’ouvrier d’y entrer s’il ne veut pas devenir « conservateur féroce, autoritaire et presque gouvernemental » (Le Libertaire, n° 17, 7-14 mars 1896).

Les anarchistes du Libertaire se prononcèrent évidemment pour les actes de révolte, donc pour les grèves, mais ils distinguèrent la grève organisée et la grève spontanée ; cette dernière, seule, eut leurs faveurs car elle « aura pour couronnement la suppression du salariat et du gouvernement » (Le Libertaire, n° 83, 11-17 juin 1897, « La loi des salaires », par H. Dhorr).

A l’été 1897 il fit une tournée de conférences dans le centre-est (Chalon, Lyon, Oullins, Saint-Chamond, Saint-Étienne, Roanne, Grenoble, etc.)

À partir de 1899, un courant syndicaliste se dessina dans Le Libertaire concurremment avec le courant hostile dont il a été question, puis, de 1908 à 1914, le journal fut tout entier acquis à la pénétration anarchiste dans les syndicats. Hostile au syndicalisme, comme Girault, S. Faure et F. Prost, Henri Dhorr, ex représentant de commerce, ayant quitté Chalon en juillet 1897, vivait surtout du produit de ses conférences –ce qui en explique le nombre – et était souvent aux cotés de Sébastien Faure. Ainsi en janvier 1898, avec notamment Matha, Faure, Tortelier, Broussouloux et Louise Michel, il fut au nombre de ceux qui prennent la parole pour protester contre le huis clos prononcé dans l’affaire Dreyfus. Le mois suivant il venait à Marseille avec S. Faure préparer le terrain pour le transfert du Libertaire dans la cité phocéenne et surtout pour donner le coup d’envoi à la campagne d’agitation que Faure entreprend en faveur de Dreyfus. Il fit partie aux cotés de Sébastien Faure, J. Perrière, Octave Jahn, E. Janvion Constant Martin, Louis Matha et L. Malaquin de l’équipe de rédaction qui fit paraître à Marseille 13 numéros du Libertaire (du 13 mars au 5 juin 1898).

Meeting pour Dreyfus (Toulon, octobre 1898)

Henri Dhorr donna, de février à avril, une quinzaine de conférences à Marseille et deux à Arles et à Toulon, devant des auditoires qui varièrent entre 60 et 700 personnes. Il était encore à Marseille en mai et il calmait les ardeurs de ceux qui, enthousiasmés par les évènements d’Italie, voulaient partir en masse de l’autre coté des Alpes : on sait que cette vague de fonds révolutionnaire se terminera tragiquement à Milan où le général Bava Beccaris fit tirer le canon et où 90 personnes furent tuées en trois jours.

Le 7 juin 1898, lors d’une de ces conférences à Montpellier, il avait été pris à partie par la Ligue antisémite locale qui avait publié et distribué un "Appel aux antijuifs de Montpellier" où l’on pouvait notamment lire : “Citoyens, le juif Dhorr, de retour d’Alger, via Marseille, Arles, Tarascon et Jericho, est depuis hier dans les murs de notre bonne ville… Sachez que c’est le juif Dhorr, colporteur d’anarchie qui, de concert avec l’enjuivé Sébastien Faure, jésuite défroqué, a organisé le 29 mai dernier à Marseille, ’le sabbat’ dont notre ami Edouard Drumont, Français de France, a failli être la victime ; sachez aussi que c’est lui avec l’hypocrite Sébastien, menait la bande pour siffler les vaillants députés d’Algérie… Vous ferez donc à ce vermineux et puant descendant d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, l’accueil qu’il mérite lui et sa sale marchandise” (cf. Le Libertaire, 24 juin 1898).

Dhorr revint ensuite à Paris où, le 20 août 1899 il fut arrêté lors d’une manifestation appelée par Le Journal du peuple contre le Fort Chabrol. Appréhendé dans un tramway il avait été trouvé porteur de deux révolvers, dont l’un, selon un indicateur, lui avait été passé dans le tramway par Sébastien Faure quand tous deux étaient monté dedans au moment où les manifestants étaient sur le point de lyncher un officier de police.

Puis en 1900 il s’installait à Lille où il résidait 50 rue du Molinel, animait le groupe de la jeunesse libertaire et fondait le journal hebdomadaire régional « Le Batailleur » (Lille, 14 numéros du 20 janvier au 21 avril 1900) qui dans son programme indiquait vouloir « batailler contre toutes les réactions, contre toutes les forces oppressives… pour toutes les libertés… contre les prêtres, contre les gouvernants, contre les exploiteurs… ». Acquis dès lors au syndicalisme et à ses luttes revendicatives, il multiplia les conférences dans la région. Par la suite, il se serait installé à Marseille.

Outre les titres cités ci-dessus, Henri Dhorr avait collaboré à de nombreux titres de la presse libertaire dont L’Attaque (Paris, 1888-1890) d’Ernest Gegout, Germinal (Amiens, 1904-1914), Le Journal du peuple (Paris, 1899) de Sébastien Faure, Le père Duchesne (Paris, 1896) dont le gérant était P. Guyard, La Revue anarchiste (Paris, 1893) d’André Ibels et Charles Chatel,.


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