Ouvrier émeuleur, Émile Roger fut licencié en décembre 1891 de chez Soret à La Cachette pour avoir protesté contre une diminution de salaires imposée à sept ouvrier émouleurs. Ce licenciement fut à l’origine d’un important conflit social qui amena à la formation le 4 septembre 1892 du groupe anarchiste communiste Les Deshérités domicilié chez lui, 12 rue de la Chappe à La Forge. Le groupe qu se réunissait soit chez la femme Joignaux, soit chez Louis Michaux (aubergiste) comprenait une dizaine de mmembres : Paulin Gervaise, Julien Copine, Fraznçois Malicet, Jean Baptiste Thomas, Theophile Louis, Jules et Gustave Bouillard, Désiré Valet et Thomassin.
Dans la nuit du 6 au 7 décembre 1892, suite à l’apposition dans les rues de Nouzon de 21 placards intitulé Dynamite et Panama, affiche éditée par le groupe L’Avant-Garde de Londres, Émile Roger et 16 autres anarchistes — dont les frères Jules et Gustave Bouillard, Michaux, Malicet, Thomas, Copine et Simon — étaient poursuivis mais, faute de preuves, bénéficiaient d’un non-lieu. L’accusation reposait sur le témoignage d’un facteur ayant déclaré avoir déposé quelques jours avant chez Roger « un paquet roulé de la grosseur du bras ».
Suite aux échaufourées avec les gendarmes lors de la manifestation du 1er mai 1893, il fut l’objet le 9 mai, avec 22 ouvriers dont Julien Copine un membre des Deshérités, de poursuites pour « rébellion et association illicite ». Le 4 juin 1893, il participa à une manifestation antimilitariste tenue à Charleville lors du conseil de révision et au cours de laquelle les conscrits de Nouzon entonnèrent des chants révolutionnaires et crièrent « Vive Ravachol ». Puis il partit effectuer son service militaire au 8e régiment d’artillerie à Châlons.
Le 1er janvier 1894, sa femme fut l’objet, comme Gualbert, Malicet et Bouillatd, d’une perquisition.
En 1896, il était l’un des vendeurs à Nouzon du journal Le Pére Peinard et l’année suivante il était membre, avec entre autres Ernest Dumoulin, Augusre Marchal, Jules Faynot, Julien Copine, Henri Gualbert et Camille Nabucet, du groupe Les libertaires de Nouzon qui se réunissait à son domicile. En 1897 il fut interpellé à plusieurs reprises par la gendarmerie alors qu’il vendait des journaux anarchistes sur la voie publique. Suite à l’affichage dans la nuit du 25 au 26 septembre 1897 de placards intitulés Germinal, il fut perquisitionné et condamné le 8 décembre à un mois de prison pour « incitation au meurtre, au pillage et à l’incendie dans un but de propagande anarchiste » ; le placard Germinal se terminait par les vers suivants : « Quand les meurts de faim rassemblés- Se dresseront pour la Réolte- Serrés, nombreux comme les blés- Les fusils feront la récolte- Pour chnager l’ordre social- Il faut de vastes funérailles- Plus on tuera, mieux ça vaudra- Hardi les gars — C’est Germinal- Qui fera pousser les semailles ».
L’année suivante il était le dépositaire à Nouzon du Libertaire qui comptait alors 5 abonnés dans la ville. En 1904 il était installé à son compte comme polisseur et travaillait pour les marchands de vélos et les cyclistes (polissage, nickelage). Militant de la Libre Pensée dont il fut le secrétaire local, il collaborait en 1905 au lancement du journal L’Affamé Ardennais (Nouzon, un seul numéro le 3 décembre 1905) dont le gérant était Gustave Poncin. L’année suivante, lors des élections législatives, il se présenta comme candidat abstentionniste contre le député socialiste sortant et obtint 75 voix. Il continuait de vendre les journaux La Guerre sociale de Gustave Hervé et Le Libertaire (une centaine d’exemplaires) qui en 1906 comptait alors 37 abonnés dans la région. Le 2 juin 1906 il partit travailler à Saint-Mihiel dans la Meuse.
Lors des élections législatives d’avril 1910 il fut une nouvelle fois candidat abstentionniste présenté par un Comité antiparlementaire qui au lendemain des élections se transforma en groupe d’éducation révolutionnaire. Il était domicilié à cette époque rue Lafayette et était inscrit au Carnet B des Ardennes. Selon la police il aurait été le correspondant du groupe Steiger de Genève.
Après l’incarcération de Théophile Sauvage lors du mouvement contre la vie chère, il fut en première ligne face aux dragons le 13 septembre 1911 lors de la manifestation organisée à Bel-air pour réclamer sa libération. En juillet 1912 Émile Roger participait à la fondation du groupe communiste anarchiste (FCAR) de Charleville dont faisaient notamment partie Dumoulin, Paul Mailfait, Hartel, Chapelle, Émile Blanchet, Adolphe Sikes et dont le secrétaire était Émile Legras. Lors d’une réunion du groupe, le 15 septembre 1912, il émit de vives critiques au sujet du parti socialiste et blâma ses représentants à Charleville : Poulain pour avoir voté 15.000 F. de traitement pour les députés et Boutet qui se faisiat couvrir d’honneurs et de médailles. Il figurait à cette époque sur une liste d’anarchistes des Ardennes où il était qualifié de « dangereux ».
Émile Roger étaut le père de sept enfants, non baptisés et auxquels il avait donné des parrains spirituels (Jean Baptiste Clement pour son fils René et Louise Michel pour une de ses sœurs). Il était réputé pour sa bonté et « ouvrait sa maison aux vagabonds, leur donnait à manger et les hébergeait pour la nuit. Dans son atelier avec ses deux fils et deux ouvriers, ils nickelaient des pelles et des pincettes dans un bain de son invention. Sa femme, Aline, se levait à 3heures du matin pour aller porter les commandes dans la vallée de la Semoy. Elle utilisait une remorque avec deux chiens qu’elle était obligée de pousser dans les côtes »(cf. D. Petit).
Inscrit au Carnet B. Émile Roger répondit à son ordre de mobilisation en 1914 avant que les gendarmes ne viennent le chercher à son domicile.
Émile Roger qui « politiquait comme on respire ; une sorte de dynamite ambulante » et qui resta « entouré d’une sorte de vénération » est décédé à l’hôpital Lariboisière de Paris le 14 février 1917.
Voir aussi le dossier Les anarchistes dans les Ardennes