Dictionnaire international des militants anarchistes
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Née à Dzieditz le 6 avril 1902 – morte en 1985
MICHAELIS, Margaret (née GROSS)
Photographe - Berlin – Barcelone (Catalogne) – Sydney
Article mis en ligne le 1er septembre 2008
dernière modification le 7 septembre 2023

par Felip Equy, R.D.
Margaret Michaelis

Margaret Gross est née en 1902 dans une famille juive de Dzieditz (Autriche), aujourd’hui Dziedzice à une centaine de kilomètres de Cracovie (Pologne). Elle étudie la photo à l’Institut d’arts graphiques et de recherche à Vienne. Elle sera copiste, retoucheuse et réalisera des photos publicitaires industrielles et de mode dans divers studios à Vienne, Prague et Berlin.

C’est en 1929 qu’elle rencontre à Berlin le militant anarcho-syndicaliste et responsable de la branche culturelle de la FAUD, Rudolf Michaelis qy’elle épousera en 1933. En 1931, elle ouvre à Berlin son propre studio Fotogross et l’année suivante part en voyage à Barcelone où son hôtel est situé dans le Barrio Chino, au cœur du quartier le plus misérable de la capitale catalane. Elle y prend des photos à la sauvette avec un petit Leica : gitans, marins, joueurs de cartes, enfants musiciens des rues. La méfiance règne dans le quartier et, prise pour un indicateur de police, elle doit se réfugier dans son hôtel auprès de compatriotes allemands. Sur cette expérience elle écrivit : « Ce fut un après-midi rempli d’émotion. Arriva un accordéoniste qui s’assit devant la pension et commença à jouer. Au bout d’un moment tous les enfants de la rue Mediodia l’avaient entouré. Une triste et terrible image. Les statistiques supposent qu’ente 90 et 95% des enfanst du Barrio Chino souffrent de syphilis. De nombreux enfants avec le nez aplati, chauves, aveugles, avec des béquilles. C’est la face obscure de Barcelone. Le Barrio Chino est la honte de toute la Catalogne. Les enfants sont une dénonciation silencieuse ». Ces photos, mal cadrées, tordues, constituent une virulente critique sociale.

Avec la prise du pouvoir par Hitler la situation devient rapidement intenable pour le couple : Rudolf est licencié de son travail au Musée des antiquités de Berlin et emprisonné pendant 5 semaines et Margaret est également arrêtée à la suite d’une curieuse histoire de vol de livre, sans doute une provocation. Après la libération de Rudolf grâce à l’intervention du directeur du Musée, tous deux choisissent de s’exiler à Barcelone où ils retrouvent d’autres militants allemands de la FAUD regroupés au sein du groupe Deutsche Anarcho Syndikalisten (DAS). Ne parlant ni catalan, ni espagnol, suspects aux yeux des autorités, ils vivent alors dans une certaine misère puis décident en 1934 de se séparer.

Margaret en 1934 ouvre son propre studio, Foto-studio (qui deviendra ensuite Foto Elis), travaille pour les architectes d’avant-garde regroupés dans le GATEPAC – dont un projet de réhabilitation du Barrio Chino ne sera jamais réalisé - et réalise des photos pour leur exposition Nova Barcelona qui paraissent dans les revues AC (Documentos de actividad contemporanea) et D’aci e d’alla. Ces photos sont des documents sociaux : elles sont pleines d’énergie, les gens acceptent sa présence et continuent leurs activités sans se soucier de l’appareil photo. Les points de vue de Margaret sont inhabituels : plongées, contre plongées, compositions graphiques. Les rues sont vues d’en haut des immeubles, les immeubles d’en bas de la rue. Par leur style elles peuvent être rattachées au courant de la Nouvelle photographie qui fut particulièrement présente en Allemagne et en URSS dans les années 1920-1930. Les maisons sont sales, les façades décrépites, les intérieurs sont pauvres et peu équipés, les cours intérieures sont remplies d’ordures. Les enfants sont toujours malades, la situation sanitaire catastrophique. Dans les revues, ses photos sont accompagnées de graphiques, de statistiques et de plans qui accentuent la dramatisation. Un photomontage représente une figure masculine « dégénérée » d’un habitant du quartier sur une vue aérienne de la ville. Un autre montage représente sur la partie droite de la page un enfant à la tête tordue, vu de haut, la partie gauche étant un texte accompagné de statistiques sur la densité de population et la mortalité ; des flèches relient les deux parties.

En 1935 elle réalise des photos pour l’exposition Barcelona Futura qui devait avoir lieu à Buenos Aires. Elle accompagne l’architecte José Luis Sert et le peintre Joan Miro en Andalousie et les photos du voyage sont publiées dans AC. Elle publie des travaux publicitaires dasn les revues Cronica et D’aci e d’alla et photographie plusieurs peintures de Miro.

Avec la révolution de juillet 1936 et tandis que son ancien compagnon Rudolf Michaelis combat en Aragon au sein du groupe international de la Colonne Durruti, elle accompagne à Valence et en Aragon Arthur Lehning secrétaire de l’AIT, Hans-Erich Kaminsky et sa compagne Anita Garfunkle et Emma Goldman dont elle fera un magnifique portrait sans ses fameuses lunettes avec un regard inflexible et une certaine gravité. Elle réalise également au cours de ce voyage plusieurs photographies des paysans des collectivités aragonaises. Elle réalise également plusieurs clichés lors de l’enterrement de Durruti à Barcelone en novembre 1936.

En 1937 Margaret Michaelis travaille pour le Commissariat à la propagande de la Généralité de Catalogne et effectue des reportages sur la vie quotidienne à Barcelone, sur la santé publique, l’aide à l’enfance, l’industrie, dont les images sont publiées dans entre autres dans Nova Iberia, SIAS, Armas y Letras et probablement dans les publications anarchistes. Ce sont des photos documentaires, descriptives, faites rapidement et non retouchées. Dans le Barrio Chino, elle photographie sans se cacher (comme en 1932) les clients des bars et restaurants et fait parfois de la mise en scène : un voleur dérobe le sac à main d’une cliente en pleine discussion. Ces photos seront utiliées par le syndicat socialiste UGT et quelques unes seront publiées sans bien sur son autorisation dans la publication franquiste Homenaje de Cataluña liberada a su caudillo.

Après les évènements de mai 1937 et l’arrestation par les staliniens de Rudolf Michaelis et de nombreux autres militants anarchistes étrangers, Margaret quitte l’Espagne à la fin de l’année. Après un passage en France, elle rend visité à ses parents en Pologne en 1938. C’est à cette occasion qu’elle photographie le ghetto juif de Cracovie, sans doute les dernières images faites avant l’holocauste.

Elle obtient ensuite un visa pour la Grande Bretagne puis pour l’Australie où elle arrive à Sydney en 1939. Elle adopta alors un profil bas, les émigrants de langue allemande étant mal vus et surveillés et cacha jusqu’à la fin de sa vie ses photos réalisées en Espagne : bien que les tenant en très haute estime, elle ne les montrait pas et n’en parlait pas. Elle évitait sans doute de parler de cette époque qui avait précédé l’holocauste dans lequel disparut toute sa famille. En 1940 elle ouvre à Sydney le Photo Studio mais ne réalise plus que des portraits conventionnels qui n’ont rien à voir avec ses travaux précédents. Son travail est uniquement alimentaire et elle photographie artistes, danseurs et écrivains abandonnant toute photo d’extérieur. Suite à des problèmes de vue, elle ferme le studio en 1952. En 1960 elle épouse Albert Georges sachs et travaille avec lui dans son commerce de cadres et vitres à Melbourne. Elle pratique alors le peinture et le dessin en amateur et s’intéresse à la psychologie de Jung et au bouddhisme. En 1967 elle rend visite à Berlin-est à son ancien compagnon Rudolf Michaelis avec qui elle restera en correspondance jusqu’en 1975.

Margaret Michaelis est décédée en 1985, ses archives écrites et photographiques sont données à la National Gallery d’Australie. Ce n’est donc qu’après la mort de Margaret que son œuvre photogaphique, restée si longtemps méconnue, sera présentée au public en particulier par l’Australian National Gallery de Canberra en 1998 et 2005 et en Espagne au Centre de la culture contemporaine de Barcelone en 1998.

Felip Equy


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