Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

NEVE, Johann « Jean COURT » ; « Ernest STEVENS » ; « Peter JENSEN » ; « Piotr WARCHATOWSKIEGO »

Né 12 avril 1844 à Uelvesbüll (Schleswig-Holstein) – mort en prison le 8 décembre 1896 – Ebéniste - Allemagne - Londres – Autriche - Suisse – Belgique
Article mis en ligne le 2 juin 2025

par R.D.
Johann Neve sous différents déguisements

Johann Neve était né le 12 avril 1844 à Uelvesbuell près d’Eiserstadt dans le Scheswig, qui appartenait encore à l’époque au Danemark. Son père, Juergen, était menuisier et il fut son apprenti. Il quitta la maison en 1863 et, un an plus tard, se trouvait à Londres. En 1866, il s’installa à Paris puis en 1868 aux États-Unis. Il y resta, hormis un bref retour en Europe, jusqu’en 1874. Il retourna à Londres et vécut pendant les trois années suivantes à Londres et à Paris.

À l’été 1877, des Allemands de Londres, exaspérés par les conflits internes au sein de la Communistischer Arbeiter Bildungs Verein (Société éducative ouvrière communiste - CABV), créèrent un nouveau club à l’initiative de Frank Kitz et d’autres. Le CABV avait imprimé la première édition du Manifeste du Parti Communiste et s’était scindé en plusieurs clubs sous le même nom après les scissions au sein de la Ligue Communiste et plus tard entre les Lasalliens et les partisans de Marx. Neve avait joué un rôle important dans l’organisation de la section anglaise de ce nouveau club social-démocrate en novembre de la même année.

La création du Social Democratic Club allait amener Neve à passer les dix années suivantes à Londres, où il était l’un des militants les plus sérieux et les plus fiables du mouvement. La fondation du club coïncida avec la grève des tailleurs de pierre, qui dura de juillet 1877 à mars 1878. Le Club se trouva ainsi renforcé. Ses sections allemande et anglaise s’étaient réunies à Fitzrovia et avaient établi des relations de travail avec le CABV qui avaient conduit à la création de la Ligue fédérale unie des ouvriers en novembre 1877. Des travailleurs allemands avaient été recrutées lors de la grève des tailleurs de pierre et Neve était la force motrice d’un groupe de tailleurs de pierre en Allemagne du Sud, d’où la plupart d’entre eux étaient originaires. Des agitations parmi les Allemands déjà en activité furent également menées et toutes deux furent, dans une certaine mesure, couronnées de succès. Cela avait conduit à la fusion du Social Democratic Club et du CABV et à l’acquisition d’un immeuble à Rose Street, Soho.

Neve organisa une grande réunion commémorative pour la Commune de Paris en mars 1878, aux côtés de Frank Kitz et Franz Josef Ehrhart. Parallèlement une deuxième section avait été créée dans l’East End.
Neve et Ehrhart s’impliquèrent désormais dans l’organisation du soutien au grand nombre d’Allemands arrivant à Londres à la suite des lois anti-socialistes de Bismarck.

Johann Most en faisait partie et il fut encouragé par Neve et Ehrhart à prendre la direction d’un journal basé à Londres destiné aux travailleurs allemands. Freiheit (Liberté) paru en 1879 et dont Neve était membre de son comité de rédaction. Neve fut une force motrice de Freiheit. Il l’avait introduit clandestinement en Autriche en enroulant des centaines d’exemplaires dans des cannes de bambou. De nombreux articles de Freiheit avaient été reproduits sous forme de tracts et introduits clandestinement en Allemagne et en Autriche. La plupart d’entre eux portaient le nom de Neve en bas.

A l’automne 1880, le mouchard König s’était introduit nuitamment et en son absence chez lui et avait volé une liste d’abonnés et de correspondants de Freiheit qu’il avait remis à la police allemande.

Neve parlait rarement publiquement, bien qu’il fût l’un des deux présidents d’une réunion commémorative de la Révolution de 1848 et de la Commune de Paris en mars 1881.

Most fut arrêté et emprisonné pendant 16 mois pour avoir exprimé sa satisfaction concernant l’assassinat du tsar Alexandre dans un article en première page du Freiheit. Neve et Kitz organisèrent immédiatement un comité de défense du Freiheit. Pendant que Most croupissait en prison, Neve assuma la rédaction du journal et assuma le rôle de Most dans l’organisation du Congrès international social-révolutionnaire qui se tiendra à Londres en juillet 1881.

Neve était présent en tant que délégué de la section new-yorkaise du Socialistic Labour Party et du CABV. Le congrès avait réuni des personnalités telles que Kropotkine, Cafiero, Merlino, Errico Malatesta et Herzig de Genève. Il fut élu avec Kropotkine et Merlino à la commission d’examen des mandats. Il pensait que le Congrès était trop un lieu de discussion et n’y participa que très peu. Cependant, il fut élu au sein de son Comité international aux côtés de Malatesta créé pour entretenir les relations internationales. Seuls quelques tracts furent produits par ce comité.

L’assassinat du Lord-Lieutenant d’Irlande et de son sous-secrétaire à Phoenix Park à Dublin avait été signalé par Freiheit. En conséquence, ses bureaux perquisitionnés et son imprimeur arrêté. Neve, en tant que rédacteur en chef, avait pu échapper à l’arrestation et il s’était caché chez Kitz et Joseph Lane. Il dut quitter l’Angleterre et publia le numéro suivant de Freiheit depuis Paris. Freiheit fut ensuite publié dans deux endroits en Suisse.

Neve resta à Paris cet été-là, à l’exception de sa participation à une conférence anarchiste à Berne, en Suisse, le 18 juin 1882 et de quelques réunions à Zurich, ainsi que de visites secrètes en Allemagne. Neve, comme Most, s’éloignait de toute foi dans le parlement ou dans le légalisme, même si, encore une fois, comme Most, il ne se disait pas encore anarchiste et était influencé par les idées du blanquisme.

Il quitta Paris fin octobre 1882 pour organiser des cellules révolutionnaires en Suisse et en Allemagne et diffuser de la littérature révolutionnaire. Il avait été appréhendé par la police de Vienne, mais il avait refusé de révéler qui il était réellement et, faute de preuves, avait été libéré après 8 mois de prison. Il fut ensuite expulsé et conduit à la frontière bavaroise. Il était ensuite arrêté 5 jours plus tard par la police allemande et condamné à 6 mois de prison. A sa libération en juin 1884, il se rendit à Zurich et reprenait son travail de diffusion de Freiheit en Autriche et en Allemagne. Il était assisté de l’ anarchiste hongrois Karl Halbedl et des anarchistes autrichiens Leo Waleck et Jakob Nowotny. Mais le gouvernement suisse commença à réprimer les anarchistes. En mars 1884 il fut arrêté avec Josef Kaufmann et la dame Stellmacher (veuve de Hermann) avec lesquels il organisait la diffusion de Freiheit et fut expulsé de Suisse par arrêté du 15 décembre 1884. Il retourna à Londres, reprenant son travail à Freiheit et coopérant étroitement avec Kitz et Lane.

Le CABV était alors déchiré par des querelles internes. Neve essayait de rester en dehors de ces événements, même s’il avait tendance à prendre le parti de Most, qu’il considérait comme le meilleur propagandiste de langue allemande. Neve avait aidé Lane avec sa propagande intensive habituelle sur une base locale à Londres, tout en gagnant sa vie comme menuisier. Il tenta à plusieurs reprises de réconcilier les factions allemandes en guerre, mais en vain. Les communistes anarchistes dirigés par Peukert et Otto Rinke se battaient âprement contre les collectivistes, les blanquistes et les sociaux-démocrates révolutionnaires dont la principale figure de proue était Most. D’âpres querelles provoquèrent à la sécession du groupe Peukert. Neve avait veillé à ce que le CABV continue mais il était dégoûté par les querelles du mouvement londonien.

Le journal anarchiste allemand Die Freiheit avait été transféré de Londres à New York en décembre 1882 et de là, il était acheminé via des routes de contrebande vers des militants de l’Allemagne impériale.

Depuis 1883, le territoire belge jouait un rôle clé dans ce réseau souterrain. Le journal arrivait clandestinement en Allemagne via Bruxelles et surtout Verviers.

Johann Neve vint spécialement de Londres à Verviers fin 1885 pour se charger personnellement des opérations de contrebande.

Malgré les efforts magnanimes de Neve pour réconcilier les factions belligérantes, le conflit s’était aggravé. C’était grâce à Peukert que Névé fut finalement arrêté. Peukert, qui semblait avoir été remarquablement naïf, avait amené l’informateur Reuss à une réunion que Neve avait organisée à Liège. En voyant Reuss, Peukert partit immédiatement.

En 1886, la chasse à l’insaisissable Neve s’intensifia en Allemagne et des policiers étaient même envoyés en Belgique.

Il se rendit ensuite régulièrement en Allemagne pour faire passer clandestinement Freiheit et Der Rebell (le journal de Peukert).

Le 21 février 1887, à la connaissance de la sûreté de l’État belge et de la police liégeoise, il était arrêté par des policiers allemands en Belgique pour vagabondage et déporté de l’autre côté de la frontière.

Les circonstances dans lesquelles Neve avait été remis à la police allemande étaient « controversées ». La présence de policiers allemands sur le sol belge, la vigilance croissante de la police de Verviers, selon Neve, l’accusation de vagabondage qui semblait servir de prétexte, l’absence de mandat d’arrêt allemand, tout allait dans le sens d’un accord entre polices belges et allemandes. Sous couvert d’expulsion, une extradition « illégale » avait en réalité eu lieu.

Neve fut condamné à 15 ans de prison à Leipzig.

L’anarchiste britannique Fred Charles avait tenté de faire libérer Neve, en voyageant à Zurich pendant plusieurs mois et en tentant de le libérer de prison, mais ses tentatives avaient échoué et il avait dû retourner en Angleterre.

Neve avait été incarcéré à la prison de Halle puis transféré à la prison de Moabit à Berlin après une dépression nerveuse. Des rumeurs circulaient selon lesquelles il avait été torturé et maintenu au secret strict. Les traitements horribles qu’il avait reçus en prison conduirent à sa mort de tuberculose le 8 décembre 1896.

L’arrestation et l’emprisonnement de Neve intensifièrent les conflits au sein du mouvement allemand. L’anarcho-syndicaliste Rudolf Rocker pensait que peut-être les tendances concurrentes auraient pu se réconcilier (la plupart après tout étaient passées du collectivisme au communisme anarchiste) sans l’affaire Neve. Comme le dit Andrew R. Carlson dans son "Anarchism in Germany "Vol 1 : « Neve était aimé et admiré par tous les anarchistes germanophones et sa perte pour le mouvement, à la fois en tant que travailleur et en tant qu’ami personnel, a été profondément ressentie par tous. C’est peut-être cela qui explique plus que toute autre chose la longue période d’amères récriminations qui ont suivi sa capture ».


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