Dictionnaire international des militants anarchistes
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LUCE Maximilien
Né à Paris le 13 mars 1858 – mort le 7 février 1941 - Graveur, dessinateur, peintre, aquafortiste - Paris
Article mis en ligne le 19 juin 2018
dernière modification le 27 octobre 2023

par R.D.
Maximilien Luce

Tout enfant, Maximilien passait son temps à dessiner. Son père, sans contrarier sa vocation, mais avec le souci de lui donner un métier, lui fit apprendre la gravure sur bois. Son apprentissage terminé vers 1876, le jeune homme travailla pour des revues tout en poursuivant son éducation de peintre, et il fit partie du groupe des néo-impressionnistes. En 1887, il exposa à la Société des Artistes indépendants dont il deviendra, après guerre, le vice-président puis, en 1934, le président.

C’est en 1879 lors de son service militaire au 48e Régiment de ligne basé à Guingamp puis à Paris, qu’il fit la connaissance du cordonnier Frédéric Givort qui le présenta ensuite au compagnon Eugène Baillet. Ces deux derniers l’amenèrent ensuite en 1881 à adhérer au groupe anarchiste du XIVe arrondissement et à s’abonner au Libertaire. Parallèlement il se liait à Camille Pissaro, G. Seurat et Paul Signac.

Dès 1887, Maximilien Luce était un fidèle lecteur de Jean Grave qui, cette année-même, faisait paraître La Révolte (elle succéda, le 17 septembre, au Révolté) puis Les Temps nouveaux pour lequel il donna une quarantaine de dessins. Dans ses mémoires Grave écrivit à son propos : “Je dois faire une place spéciale à Luce. D’abord ce fut à lui que je dus de connaître d’autres artistes et quelques littérateurs. Toujours prêt, on pouvait lui demander n’importe quel service. Il se mettait en quatre pour vous satisfaire. Et, ce qui est plus rare, je ne lui ai jamais entendu faire la moindre critique sur ses confrères. Prenant au contraire leur défense, lorsque quelque rosserie était hasardée contre eux en leur absence. Cela, même lorsque celui qui était attaqué n’était pas tout à fait de ses amis”.
Il se liait également à E. Pouget et commençait une collaboration au Père Peinard pour lequel il allait dessiner les en-têtes successives et donner une centaine de dessins…
En 1892 il fréquentait avec Félix Fénéon les rédacteurs du journal L’En Dehors et en 1891-1892 avait donné l’hospitalité au compagnon Eugène Dufour dit Paterne Berrichon.

Luce, litographie pour Les Temps nouveaux

Depuis 1892 il vivait maritalement avec la demoiselle Ambroisine Boisin (?) dont en juillet 1894 il avait un enfant âgé de 1 mois.
En juillet et août 1892 il était allé à Londres où il avait résidé chez Pissaro.

En 1893, selon la police, il recevait chaque semaine des lettres de Londres et “souvent même des rouleaux d’affiches rouges que l’on supposait être des placards anarchistes”.

Le 6 juillet 1894, suite à l’attentat de Caserio contre le président Carnot, Luce, qui était domicilié 16 rue Cortot (XVIIIe) fut l’objet d’une perquisition où la police avait saisi notamment un lot de journaux et de brochures anarchistes dont plusieurs exemplaires de Lectures libertaires ; réflexions sur l’anarchie d’Adolphe Retté (Ed. L’Idée nouvelle, 1894), un exemplaire de L’Indicateur anarchiste, divers textes manuscrits et diverses correspondances dont une lettre où Pouget lui demandait de signer ses correspondances "numéro 27". Lors de son interrogatoire il confirma être anarchiste, étant “libre de penser ce qu’il me plait", mais ne pas faire partie d’une association de malfaiteurs. A la question “Etes vous partisan de la propagande par le fait ?”, il avait répliqué “Je n’ai pas à répondre à une question posée aussi vite, elle nécessite des commentaires dans lesquels je ne veux pas entrer." Poursuivi pour "association de malfaiteurs", il resta détenu quarante-cinq jours à Mazas avant d’être remis en liberté provisoire le 17 août. Ce désagréable séjour lui permit du moins de réaliser une série de dix lithographies qu’il publia à 250 exemplaires sous le titre Mazas. Le 27 juin 1895 il bénéficiera d’un non-lieu.

Durant les vingt années qui précédèrent la guerre, il collabora aux journaux anarchistes Le Père Peinard, La Feuille de Zo d’Axa, Le Libertaire, L’anarchie (1905), La Sociale, L’En-Dehors et les Temps nouveaux, à La Voix du Peuple, organe de la CGT, à la Guerre sociale de Gustave Hervé.

Au printemps 1896 il fut notamment l’auteur d’une dizaine de dessins (Puddleurs, Mineur à la veine, La Glèbe, Briquetiers…) inspirés de l’œuvre de Constantin Meunier qui furent publiés par La Sociale, puis tirés à part et réunis en album vendu au profit de la presse. En 1897 il fut l’auteur d’une affiche en quatre couleurs intitulée Biribi.

A l’hiver 1900 il donna son adhésion au Groupe de solidarité internationale et d’aide aux détenus.

Luce, Rue Mouffetard au bas du 140 siège des Temps nouveaux

Non seulement il soutint financièrement ces journaux mais il fit également don de nombreuses lithographies comme lots pour les loteries destinées à renflouer les caisses souvent déficitaires de ces mêmes journaux. Aux Temps nouveaux, il fit notamment don des lithographies L’Incendiaire, Sa Majesté la famine et La Vérité au conseil de guerre.
A l’automne 1905 il fit également don d’un tableau au Comité des amis de Malato, impliqué dan l’affaire de l’attentat de la rue de Rohan.

Luce consacra en outre nombre de ses oeuvres au travail et aux travailleurs. En 1911, il exposa une grande toile L’Échafaudage qu’il donna par la suite à la CGT comme plusieurs autres œuvres inspirées par la Commune (dont Le Mur, Rue de Paris en mai 1871, L’exécution de Varlin). En février 1914, il exposa un ensemble de ses œuvres consacrées au monde du travail ; Pierre Hamp préfaça le catalogue. Une esquisse de l’exécution de Varlin figurait à cette exposition. La Commune était chère en effet au cœur de Luce qui avait personnellement assisté — il avait treize ans — à certaines scènes de tueries de la Semaine sanglante. Elles l’avaient durablement marqué et, au Salon des Indépendants de 1905, il exposa une grande toile évocatrice de ces exécutions. En 1913, il fit don du tableau La Commune à la coopérative Le Cinéma du peuple (voir Armand Guerra)

Luce, Rue de Paris en mai 1871

Luce fut certainement le plus « engagé » des néo-impressionnistes. Beaucoup — Angrand, Signac, Cross, les Pissarro, Van Rysselberghe, etc. — furent d’authentiques libertaires et collaborèrent volontiers aux journaux et périodiques de Grave et de Pouget ; mais Luce fut sans doute le seul chez qui l’artiste et le militant, l’art et les messages anarchistes étaient confondus.

La guerre de 1914 l’affecta profondément. Contrairement à Signac, il admit et même approuva l’attitude de Jean Grave soutenant l’effort de guerre des Alliés, ainsi qu’en témoignent les extraits de la lettre suivante, de 1916 vraisemblablement, adressée à son ami :

« […] Vous avez dû croire que je n’étais pas de votre avis. Non, au contraire, je vous approuve absolument. Si je n’ai pas donné ma signature à votre manifeste [dit Manifeste des Seize] c’est que j’en ai fait un cas de conscience personnel ; n’ayant personne au front et n’ayant pas particulièrement souffert de ce cataclysme qu’on nomme guerre, je n’ai pas cru devoir prendre part à aucune manifestation.

« Remarquez que cela n’est pas une critique pour votre conduite. Vous deviez, vous, étant donné votre attitude de militant, vous ranger d’un côté ou de l’autre […]

[…] je préfère Joffre à von… et autres Allemands. Toute nation en guerre est évidemment ramenée à l’état de sauvagerie, mais chez eux, cela est méthodique et réglé d’avance […] »

Le 10 février 1934, il signa l’Appel des intellectuels à la lutte antifasciste. En 1938 il collabora au journal SIA (Paris, n°1, 10 novembre 1938). En 1940, pour protester contre la politique discriminatoire du gouvernement de Vichy contre les artistes juifs, il démissionnait de son poste de président de la Société des artistes indépendants où il avait été nommé en 1934.

Maximilien Luce lisant La Révolte (portrait par Signac 1891)

Maximilien Luce est décédé le 6 février 1941 à Paris.

Oeuvre : « anarchistes » (voir ci-dessus). En outre, sans prétendre à l’exhaustivité :

— Collaborations aux périodiques : Les Temps nouveaux (1895-1914) de Jean Grave, La Sociale (1896) et Le Père Peinard (1896-1899) de Pouget, La Feuille de Zo d’Axa, n° 21 du 1er décembre 1898, Le Libertaire de Sébastien Faure (1899), La Voix du Peuple, organe central de la CGT, dont le 1er numéro parut le 1er décembre 1900 et dont le secrétaire de rédaction était Pouget et dont il illustra notamment le numéro spécial de janvier 1902 contre "le tirage au sort", La Guerre sociale, qui parut en 1907, dirigée par G. Hervé, Les Hommes du Jour, 1909-1911.
Luce collabora également à l’Almanach du Père Peinard pour 1899 et à l’Almanach de la Révolution (1902-1905).
Pendant la guerre, il dessina des cartes postales vendues au profit de La Bataille (1916). —

 Couvertures, illustrations : Les Gueules noires, dessins d’après Meunier, 1896, nouvelle édition enrichie, 1898. — Les Aventures de Nono de J. Grave, 1903 (en collaboration avec L. Pissarro et Van Rysselberghe). — Patriotisme-Colonisation d’Élisée Reclus, 1903 (couverture). — Guerre-Militarisme de J. Grave, 1909 (collaboration). — Aux Femmes de U. Gohier (couverture). — Hommage des artistes à Picquart, préface de O. Mirbeau (collaboration). — La Mano Negra (couverture) s. d. — L’Avenir social. Cinq années d’expérience éducative, 1906-1911, par M. Vernet (couverture), s. d.


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