Dictionnaire international des militants anarchistes
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COCIANCICH, Pietro [Pietro CANZIANI] “TRIESTINO”
Né le 7 mars 1884 à Umago (Croatie) – mort le 17 septembre 1944 - Charpentier ; carrier ; maçon - Italie – Marseille (Bouches-du-Rhône) – Barcelone – Bruxelles
Article mis en ligne le 7 juin 2018
dernière modification le 7 septembre 2023

par Françoise Fontanelli Morel, R.D.

Fils d’Antoine Cociancich et de Marie Vocc, un décret-loi de 1927 pour l’italianisation des noms slaves transforma son nom de famille en Canziani.

Il arriva en France en avril 1930 et rejoignit à Marseille la communauté libertaire italienne. Sa femme et son fils demeuraient toujours à Trieste. Il résidait alors au 72, Boulevard de la Corderie (7° arr), adresse à laquelle vivait le couple Castellani-Corsinovi. Pietro Cociancich déménagea souvent, à partir de 1931, il logeait au sud de Marseille, dans le quartier de la Barasse (11° arr) où avaient élu résidence un certain nombre d’anarchistes toscans. Renvoyé de l’entreprise Coder, il fut manœuvre maçon chez Romeo Tonarelli. Lors de son arrestation il vivait avec Prodan Anna.

Dans la soirée du 14 janvier 1932, Pietro Cociancich et le républicain Dante Fornasari se rendirent à Aubagne, ville proche de la banlieue marseillaise. Vers 18 h 30, tandis que Fornasari surveillait les alentours, Cociancich pénétra dans l’immeuble de la « Casa degli Italiani » et après s’être assuré que personne ne s’y trouvait, il y déposa un engin explosif. La bombe explosa trop tôt, Fornasari fut appréhendé immédiatement par des passants qui l’avaient vu fuir, Cociancich fut arrêté peu après. Dès les premiers interrogatoires, Cociancich assuma l’entière responsabilité de l’attentat et disculpa Dante Fornasari. Il déclarait alors « je n’appartiens à aucune association. Personne n’a commandé mon geste. J’ai agi seul et de ma propre initiative ». Son acte ajoutait-il avait été commandé par sa haine contre les fascistes.

Le procès débuta le 26 janvier 1933 à la cour d’Assise d’Aix-en-Provence. Tandis que Fornasari était représenté par Maître Moro Giaffieri et Maître Lassalarié, Cociancich sera défendu par Maître Brun et Maître Franceschi. L’accusation retint contre eux « la destruction volontaire d’édifices habités ou servant à l’habitation et le port d’arme prohibé ». Parmi les témoins à la requête de Fornasari, nous trouvions Giobbe Giopp, Luigi Campolonghi (Président de la LIDU), Mario Angeloni (Républicain), Emilio Lussu (fondateur de Giustizia & Libertà), du côté de Cociancich, Romeo Tonarelli et deux inconnus. Les premières enquêtes révélèrent qu’ancien carrier, il était expert en manipulation d’explosifs, il avoua avoir confectionné lui même l’engin. Par ailleurs, il détenait déjà un casier judiciaire en Italie faisant état de condamnation pour détention d’explosifs. Il fut condamné à cinq ans de réclusion et cinq ans d’interdiction de séjour.

Pour la défense et le soutien de l’anarchiste triestin, deux comités s’opposèrent à Marseille : le « Pro Perseguitati Cociancich » géré par Léopold Faure et le « Pro Cociancich et Fornasari » géré par Julien Clot. Dans le premier nous trouvions les proches de Cociancich, des militants ayant travaillé à ses côtés comme Luca Bregliano, pour le second, il est assez difficile d’en identifier les militants.
Le comité de Léopold Faure publia de nombreux appels à la solidarité dans les colonnes de L’Adunata Dei Refrattari, en janvier 1933, il fit imprimer 5 000 copies de la photographie de Malatesta pour la vente et dont les bénéfices servirent à la défense des accusés. Il bénéficia, par ailleurs, du soutien d’un petit journal individualiste successivement publié à Toulon, à Marseille et à Nice, La Lanterna dont le premier numéro paru en juillet 1932 consacrait une grande partie de son contenu à l’affaire Cociancich. Outre la récolte des fonds destinés à la défense des accusés, le comité « Pro Cociancich » entreprit le recueil de documents permettant de faciliter le travail de la défense tandis qu’un groupe de compagnons marseillais se firent les promoteurs d’une souscription avec loterie en novembre 1932. Après la condamnation de Pietro Cociancich, le comité « Pro Perseguitati » poursuivit son action jusqu’en mars 1935 en récoltant des fonds pour les autres victimes politiques.

L’affaire Cociancich qui relançait la piste du terrorisme marseillais entraîna une série d’enquêtes et d’interrogatoires qui frappèrent la communauté libertaire italienne. L’anarchiste carrarais Gino Lucetti, auteur d’un attentat raté contre le Duce le 11 septembre 1926, aurait bénéficié du soutien logistique de Dario Castellaniet de sa compagne Fosca Corsinovi en 1925. Fosca Corsinovi et Francesco Barbieri furent arrêtés, la justice chercha à faire le lien entre les anarchistes toscans de Marseille et différents attentats perpétrés dans le sud-est de la France ces dernières années. Si aucune preuve ne put confirmer la participation des toscans à ces différents attentats, Cociancich ne put fournir aucun alibi pour deux autres attentats. Son ancien employeur, Monsieur Coder, déclara qu’il était en arrêt maladie ces jours-là.

Il effectua entièrement sa peine et deux jours après sa remise en liberté, il rejoint Barcelone où il intégra la colonne Tierra y Libertad jusqu’à la fin de février 1939.
Pietro Cociancich fut interné dans un camp français duquel il prit la fuite pour rejoindre Bruxelles et éviter la remise aux autorités italiennes comme le prévoyait l’article 21 de la convention franco-italienne d’armistice du 24 juin 1940.

Il mourut le 17 septembre 1944 dans la prison de Regina Coeli à la suite d’un bombardement aérien.


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