Dictionnaire international des militants anarchistes
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CIBOT, Roger, Alexandre, Gaston “Roger SADRIN”
Né 8 juin 1878 à Paris XIV- Ouvrier menuisier - AIA - CGT - Paris
Article mis en ligne le 18 janvier 2007
dernière modification le 22 mars 2024

par Guillaume Davranche, R.D.

Fils de Pierre Sadrin et de Louise Cibot, le menuisier anarchiste Alexandre Cibot Roger Sadrin, qui demeurait 28 rue de la Voute, était membre au milieu des années 1890 du groupe La Jeunesse libertaire du XIIe. Début janvier 1897 il avait été arrêté à la sortie d’un meeting contre l’l’inquisition en Espagne. Il fut de nouveau arrêté le 5 mars 1897 avec Gardin, Letrillard, Mary Huchet (voir ce nom), Lebrun, Ebner, Carré et Girault lors de la perturbation d’une conférence cléricale à l’église Saint-Ambroise. Il avait notamment crié “Vive l’anarchie !”. Violemment frappé au dépôt et poursuivi pour "cris séditieux", il fut condamné le 16 mars suivant à 15 jours de prison avec ses camarades et interné à la Grande Roquette.

Il fut l’un des organisateurs de la manifestation du 8 août 1897 devant la statue d’Étienne Dolet place Maubert, s’engagea dans la bataille en faveur d’Alfred Dreyfus avant de devenir comme Émile Janvion un "déçu du dreyfusime" : en juin 1899 il participa avec Ernest Girault et Prost à un meeting proclamant la nécessaire neutralité des anarchistes dans l’affaire et en octobre cosigna sur le même thème le manifeste “Aux anarchistes” lancé par Janvion. Il était à cette époque membre du groupe Les Iconoclastes qui se réunissait au Café des artistes, rue Lepic, et était dirigé par Janvion.

En juin 1898, lors d’une réunion publique après la condamnation à mort d’Etiévant, il avait combattu toute idée de grâce, contraire aux principes anarchistes et avait ajouté que “la seule grâce que les anarchistes pouvaient faire au camarade, était de la venger par n’importe quelle arme”. Ce même mois de juin, lors d’une réunion à Puteaux sur le même thème, il avait déclaré : “Je ne puis pas déclarer que Georges Etiévant a bien fait de frapper, ne voulant pas par cette déclaration tomber sous le coup de la loi et me faire boucler, mais il n’est personne capable de me faire dire qu’il a eu tort !”.

Dès septembre 1898, lors de réunions publiques en faveur de Dreyfus, il s’était prononcé pour la révision du procès, soutenait Dreyfus qu’il le soutenait “parce qu’il était au bagne et qu’il oubliait qu’il avait porté un sabre, mais que le jour où il reviendrait, il le considérerait comme un ennemi”. Toutefois, au printemps 1899, il déclarait avoir cessé de s’occuper de Dreyfus depuis que sa cause était rentrée dans la légalité, car étant ennemi des lois. En octobre suivant il fut l’un des signataires avec notamment Janvion, Duchmann et Brenet du manifeste Aux anarchistes critiquant très violemment Sébastien Faure et Le Journal du peuple.

Fin 1898, il demeurait 111 avenue de Saint-Mandé et était avec H. Duchmann le secrétaire du Cercle Léon Tolstoï qui donnait des causeries au local du Pot à Colle rue de Chanzy. L’année suivante il était membre du Groupe d’éducation libertaire et de L’école libertaire qui donnaient des cours rue Titon. Il était également signalé dans les réunions rue Lepic du groupe Les Iconoclastes animé par Janvion.

Vers le printemps ou l’été 1900 il avait été renvoyé, avec le compagnon Schaeffer et un autre, après une discussion avec le patron de l’atelier de la Carrosserie Industrielle qui n’avait pas voulu leur régler ce qu’il leur devait. Le lendemain les trois compagnons étaient revenus à l’atelier et avaient rossé le patron, un contremaître et les agents qui avaient été appelés. Pour ces faits il avait été condamné en novembre 1901 à 6 mois de prison. Entre temps il avait purgé une peine de 6 mois de prison en Belgique.

A l’automne 1901, sous le nom de Roger Cibot, il figurait sur une liste d’anarchistes à rechercher en Suisse et était dit alors "représentant de commerce".

Il était membre de l’Association Internationale Antimilitariste (AIA) fondée après le congrès international antimilitariste d’Amsterdam (1904) et dont le secrétaire était Georges Yvetot. A l’automne 1905 il avait été le fondateur de la 10e section de Paris de l’AIA

Début octobre 1905, une affiche de l’AIA intitulée Appel aux conscrits fut placardée sur les murs de la capitale. Le texte, violemment antimilitariste et antipatriote, appelait les conscrits à tourner leurs fusils vers les « soudards galonnés » plutôt que vers les grévistes, et appelait à la « grève immédiate » et à l’« insurrection » au jour d’une éventuelle déclaration de guerre.

L’affiche de l’AIA était signée de 31 noms : Miguel Almereyda (Eugène Vigo, dit), Amédée Bousquet, Arnold Bontemps, Nestor Bosche, Ferdinand Castagné, Paul Chanvin, Léon Clément (Victor Camus, dit), Amilcare Cipriani, Émile Coulais, Charles Desplanques, Raymond Dubéros, Jean Frontier, Auguste Garnery, Urbain Gohier, Louis Grandidier, Le Blavec, Jules Le Guéry, Lefèvre, Gustave Hervé, Émile Laporte, Eugène Merle, René Mouton, Jules Nicolet, Félicie Numietska (Félicie Teuscher, dite), Émile Pataud, Louis Perceau, Lazare Rogeon (Lazare Baudin, dit), Han Ryner (Henri Ner, dit), Roger Sadrin (Alxandre Cibot, dit), Laurent Tailhade, Georges Yvetot.
Finalement, Han Ryner, Lefèvre et Laurent Tailhade — dont on avait utilisé la signature sans son consentement — ne furent pas poursuivis.

Les 28 autres comparurent devant les assises de la Seine du 26 au 31 décembre 1905. Le verdict fut le suivant : deux prévenus furent acquittés (Numietska et Cipriani), et les 26 autres furent condamnés chacun à 100 francs d’amende et à des peines de prison. Gustave Hervé : 4 ans ; Yvetot, Almereyda, Sadrin : 3 ans ; Grandidier : 2 ans ; Bousquet, Garnery, Coulais : 15 mois ; Gohier, Desplanques, Clément, Le Guéry, Laporte, Baudin, Pataud, Bosche, Bontemps, Nicolet, Le Blavec, Castagné, Dubéros, Merle, Mouton, Chanvin, Frontier : 1 an ; Perceau : 6 mois.
Les audiences furent suivies par toute la presse. Dès la première audience Sadrin avait déclaré : “J’ai signé l’affiche en pleine connaissance de ce qui pouvait m’attendre. On lui reproche d’être violente, je lui reprocherais de ne pas l’être assez. J’aurais voulu qu’elle ait dit aux travailleurs : si vous voyez un soldat exécuter l’ordre de se chefs, tirez sur ce soldat, car celui qui exécute l’ordre du bourreau, est plus bourreau que le bourreau lui même” (cf. Le Libertaire, 6 janvier 1906). Avec 28 prévenus, 15 avocats et 66 témoins (dont de nombreuses personnalités), l’AIA avait atteint le but qu’elle assignait à ce procès-spectacle : populariser l’antimilitarisme et l’antipatriotisme. À l’audience, Sadrin s’était écrié “À bas l’armée ! À bas la patrie !”

En 1906, il figura parmi les « dessinateurs en prison » du n°263 de L’Assiette au beurre (14 avril 1906), numéro réalisé en partie « dans les prisons de la république ».

En juin 1906 il avait d’autre part été acquitté lors de poursuites où il avait été accusé par des mouchards d’voir volé ne machine à écrire à la Bourse du travail.

Il fut vraisemblablement libéré à l’occasion de l’amnistie du 14 juillet 1906. Il milita alors quelque temps à la CGT et fut employé comme menuisier à l’Odéon. Selon Le Matin du 30 mai 1907, il ne se serait pas fait une bonne réputation dans les milieux militants : il aurait été accusé, notamment par le groupe de Saint-Denis dans une note parue dans Le Libertaire, du vol d’une machine à écrire à la bourse du travail, puis d’avoir volé 20 francs sur le produit d’une collecte.

En 1907, il fut impliqué dans une affaire de faux monnayage. En mai, l’arrestation d’une bande de faux-monnayeurs anarchistes — Edmond Viltard, Fortuné Chastanet et Alphonse Bussy — conduisit la police à démanteler tout un réseau dont faisaient partie Denis Domboy, Louis Jourdain, Albéric Barrier et Alexandre Cibot. Cette opération fut à l’origine de l’affaire Matha (voir Armand Matha).

Domboy, Cibot, Barrier, Jourdain et Matha comparurent ensemble devant la cour d’assises du 19 au 21 novembre 1907. Tous furent acquittés, à l’exception de Cibot et de Jourdain, condamnés à cinq ans de prison et à 100 francs d’amende. En raison de peines antérieures, Jourdain fut en outre condamné à la relégation au bagne.
Sous le titre “Un Vaincu”, Henri Duchemin, qui avait témoigné de son innocence au procès et craignant pour sa vie, en avait fait le portrait suivant : “Reverrons nous jamais Roger Cibot ? C’est peu probable. Le corps affaibli par les privations qu’il endura dans sa vie de militant chassé des ateliers, l’esprit ébranlé par les luttes qu’il dut soutenir contre les orages qui s’acharnèrent particulièrement sur lui… sa force de résistance anéantie… Il avait gardé jusqu’aux jours des Assises sa belle vigueur agressive et nerveuse, son ton gouailleur, les gestes brefs dont il soulignait son éloquence faubourienne. Mais sa maigreur faisait peine à voir et dans son visage étroit aux pommettes saillantes, au nez pincé, les yeux brillaient d’une fièvre qui ne pardonne pas” (cf. Le Libertaire, 15 décembre 1907).

Après sa libération, Sadrin milita au CDS. Il fut actif en 1911-1912 dans la campagne pour la libération d’Émile Rousset, puis fin 1913 pour celle en faveur de Jacob Law. Il était domicilié à cette époque 16 rue Voltaire (XIe arr.) et était membre des Amis du Libertaire

En 1914, il fut maintenu réformé en août 1915, mais semble s’être, dans un premier temps, rallié à la défense nationale. Le 1er septembre, il écrivit à Marcel Sembat une lettre estimant que les circonstances — l’agression allemande — en avaient voulu ainsi. Néanmoins, en 1916, il figurait en 1916 sur la liste de militants signalés depuis la mobilisation pour leur attitude révolutionnaire ou pacifiste.

Il y a sans doute identité avec Cibot, qui demeurait 12 Impasse Vassou, et était en 1904 le gérant du journal L’Ennemi du Peuple (Paris, n°1, 1er août 1903 à n°29, 15 octobre 1904) où il avait remplacé Kienert et auquel collaboraient de nombreux anarchistes dont G. Yvetot, L. Descaves, G. Darien, U. Gohier, E. Janvion, C. Malato, P. Robin, Han Ryner et Zo d’Axa entre autres. Le journal se distinguait par ses attaques véhémentes contre la franc-maçonnerie et contre certains compagnons (dont E. Armand, C. Cornelissen et Tolstoi). Sous le pseudonyme de Roger Sadrin i avait également collaboré à plusieurs titres de la presse libertaire dont Le Flambeau (Vienne, 1901-1902) dont le gérant était G. Butaud, Le Pétard (Paris, 1904) et le Bulletin du Comité de Défense Sociale (Paris, 1909-1912) qui avait mené une campagne contre les Bataillons d’Afrique et en faveur de la libération de Rousset (campagne Aernoult-Rousset).


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