Dictionnaire international des militants anarchistes
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COLOMER, André [COLOMER Jean, Éloi, André]
Né le 4 décembre 1886 à Cerbère (Pyrénées-Orientales) - mort le 7 octobre 1931 - UA – PCF - CGT - CGTU - – Paris - Gênes - Moscou
Article mis en ligne le 1er octobre 2013
dernière modification le 14 janvier 2024

par ps
André Colomer

Nous empruntons à l’ouvrage de Devaldès, op. cit., les notes relatives à l’enfance et à l’adolescence d’André Colomer, l’intéressé ayant revisé les épreuves de la notice biographique le concernant.

André Colomer vint à Paris à l’âge de six ans et suivit les cours du collège Rollin — classes primaires très certainement. Son père était « fonctionnaire » (receveur principal des douanes ?) ; l’un de ses oncles était Mgr Fonteneau, habitant Albi, et l’enfant passa des vacances près de lui.
À l’âge de douze ans, André Colomer lut Zola et « à travers le Souvarine de Germinal, il atteint l’idéal anarchiste qui l’embrase d’un coup » — cf. p. 26. Élève de lycée à Bordeaux, il écrivit des vers, publia un journal polycopié à vingt exemplaires, Le Torchon des ratés, vécut de façon très fantaisiste et fut finalement renvoyé du lycée ; il devait avoir quatorze ans. Il navigua alors durant près d’un an, visitant l’Algérie, la Tunisie, le Sénégal, l’Espagne, le Portugal ou y faisant relâche. De quinze à dix-sept ans, il termina ses études secondaires, passa son baccalauréat de philosophie et reçut une Bourse pour préparer l’École normale supérieure, ce qu’il fit en « khâgne » à Louis-le-Grand, sans résultat.

Après avoir accompli douze mois de service militaire à Perpignan en 1906, il fit un bref séjour au collège de Blois comme professeur, ensuite au lycée Lakanal comme répétiteur, puis il rompit avec l’Université.

En 1907, il fonda La Foire aux Chimères, revue d’action d’art qui n’eut que deux numéros. Dans le n° 1, il signa le manifeste du « Visionnarisme » qu’il définit ainsi un peu plus tard : « Le mouvement visionnaire est l’expression artistique de l’intuitionnisme bergsonien. Nous sommes les poètes de la natura naturans, de la vie au moment ou elle se vit, les architectes du fugitif ».
Après avoir collaboré en 1912 à Paris-Journal, il fit paraître l’année suivante L’Action d’Art (Paris, 18 numéros du 15 février au 25 décembre 1913), en collaboration avec M. Devaldès et G. Lacaze-Duthiers.

Au début des années 1910 il aurait été l’un des fondateurs du groupe La Ghilde (Les Forgerons). Il était à l’époque ouvrier métreur et était domicilié 88 route d’Orléans à Antony.

Ayant refusé en 1911 de faire une période de vingt-huit jours, il fut arrêté, passa douze jours à la prison du Cherche-Midi, tomba malade, fut réformé.
Lors de la levée en masse suivant la déclaration de guerre, il devait subir une nouvelle visite en septembre 1914, mais il ne se présenta pas, franchit la frontière à Vintimille avec sa femme enceinte de 8 mois (il s’était marié le 5 février précédent) et arriva à Gênes où celle-ci accoucha. Colomer vécut de leçons données à l’École Berlitz jusqu’au moment — mai 1915 — où l’Italie entra en guerre. Il se cacha — c’est alors qu’il écrivit À nous deux, patrie ! qu’il publiera en 1925. Il y marquait son individualisme absolu : « Guerre ou Révolution pouvaient éclater. Ni l’une ni l’autre ne me compterait au rang de ses soldats ; ni l’une ni l’autre n’aurait mon sang de héros parmi ses rangs » (p. 16). Colomer n’ayant pas supprimé « ces pages regrettables » lors de l’impression, il en fut critiqué dans les colonnes du Libertaire (cf. l’article de Louis Loréal du 30 mai 1925).

Tombé assez gravement malade, Colomer vécut au grand jour, fut arrêté à Gênes en octobre 1918, transféré à Perpignan où il fut réformé « le jour même de l’armistice ».

En 1919, avec Marcel Say, il reprit la publication de L’Action d’Art (Paris, 8 numéros du 15 octobre 1919 au 22 mai 1920). L’année suivante, il fondait le syndicat des écrivains et le syndicat des auteurs dramatiques dont il fut le secrétaire. Secrétaire également du Comité intersyndical parisien du spectacle, il collaborait alors au Libertaire et voici comment à cette époque il concevait l’attitude des anarchistes « devant la révolution » qui n’est le plus souvent qu’un « grand mot creux » un « mythe » :
« Les individus-producteurs groupés en ateliers, en usines, etc., doivent organiser méthodiquement la prise de possession des instruments et des locaux de travail. Ils seront armés sur les lieux-mêmes de la production. Ils ne deviendront pas soldats ; ils seront des ouvriers armés, c’est bien différent. Et quand les travailleurs seront les maîtres, suivant la conception anarchiste, ils ne seront que les maîtres de la matière inanimée qu’ils activent de leurs efforts. Pour se libérer, s’organiser et se défendre, les individus-producteurs n’ont besoin ni de politiciens, ni de généraux, ni des commissaires du peuple.
« Laissez-leur supprimer l’État, ses fonctionnaires, ses rouages, ses lois, toute la vieille carcasse d’oppression et d’obligation collective — et vous verrez, par le seul jeu de l’intérêt et de l’affection, les hommes produire, les individus se grouper et vivre avidement à la recherche de classe et d’harmonie
 » (Le Libertaire, 18-25 novembre 1921).

A partir de décembre 1921 il fut le responsable au Libertaire de la "chronique théâtrale".

En 1922, Colomer fut un des fondateurs de la CGTU : au congrès tenu à Saint-Étienne le 25 juin 1922 il y fut avec Lecoin et Besnard l’un des représentants du courant libertaire qui obtint 399 voix contre 848 aux communistes. il fit partie de la commission administrative provisoire. Secrétaire de la fédération unitaire du spectacle, il fonda le Théâtre confédéral. Il participa aux congrès de Lille, juin 1921, Saint-Étienne, juin-juillet 1922, Bourges, 1923.

Les 15 et 16 septembre 1922 il avait également participé à la conférence internationale organisée en Suisse par L. Bertoni pour le cinquantenaire de l’Internationale anti autoritaire et où il demanda que soit organisé un congrès international anarchiste.
Le 22 septembre 1922, c’est lui qui, devant environ 120 compagnons, avait présenté les buts et le programme de l’école du propagandiste qu’il avait rédigé avec Sébastien Faure et qui devait commencé à fonctionne à partir du 12 octobre suivant.

Il demeurait cependant toujours plus anarchiste que syndicaliste. « Les syndicats sont le corps ; l’anarchie est l’âme », écrivait-il dans le Libertaire le 31 mars 1922. Il collaborait à la Revue anarchiste dont le premier numéro parut le 28 janvier 1922 ; succédant à Lecoin, il en devenait le responsable en août. En décembre 1922, il assistait au troisième congrès de l’Union anarchiste et, l’année suivante, au 4e congrès, Paris, 12-13 août. Il en était un des rapporteurs et se vit confirmé dans ses fonctions de secrétaire de rédaction appointé du Libertaire, quotidien de décembre 1923 à mars 1925. Il y était assisté par une équipe fixe, formée de Jean Galy, Lecoin, Lucien Leaute, Mualdes, André Le Tourneur et Georges Bastien et par une équipe de remplaçants comprenant Georges Vidal, Loréal, J. Bucco, Maurice Wullens, Le Meillour, Dux, Chazoff et M. Fister.

A l’automne 1923, il fut avec Louis Lecoin, le délégué de l’UA au Comité Mateu-Nicolau qui venaient d’être condamnés à mort à Madrid pour le meurtre du premier ministre Dato et pour lesquels une campagne de soutien avait été lancée. Il était également membre du Comité d’iniative de l’UA (voir Ferandel).

L’affaire Philippe Daudet se situe à cette époque — en 1923. Le fils du leader royaliste, qui se suicida ou que l’on « suicida », avait rencontré Colomer et Vidal lorsqu’il se rendit au Libertaire le 22 novembre. On reprocha par la suite à Colomer — cf. article signé G.B. (Georges Bastien ?) dans Le Libertaire du 6 juin 1925 — d’avoir proposé à Léon Daudet une alliance en vue de faire la lumière sur la mort de son fils : « Tu fais aujourd’hui des oeillades aux bolchevistes après en avoir fait aux royalistes ». Dans cette affaire il dénonça Le Flaouter comme un agent provocateur et un mouchard au service de la police.

En 1924, sa compagne, Madeleine, collaborait avec lui au journal sous le pseudonyme de « Hauteclaire ». Cette action journalistique valut des poursuites à Colomer : trois mois de prison et 100 f d’amende en mai 1923, quatre mois de prison le 13 mars 1924. Lors des élections législatives du 11 mai 1924, il fut avec entre autres Bonvalet, Bucco, Doucet, Lattes et Morinière l’un des candidats abstentionnistes de l’Union anarchiste (UA).

Par ailleurs, les rapports humains, au journal même, créaient des problèmes.
En août 1924, le conseil d’administration demanda à Colomer « au tempérament bohème et antirationnel » de laisser le secrétariat de rédaction tout en demeurant rédacteur. Le 19 août, Colomer était remplacé par Georges Bastien qui dès décembre 1924 avait fortement contesté le nombre d’heures qu’il avait réellement passé à la rédaction. Il présentait cependant encore le rapport moral au congrès de l’UA des 1-3 novembre à Paris, mais il se plaignait du trop grand nombre d’heures qu’il devait passer à la rédaction, de son salaire insuffisant et, finalement, partait vers février 1925.(cf. l’article Pour en finir" in Le Libertaire, 4 juilet1925)

A l’automne 1924 il effectuait une tournée de conférences dans le sud-ouest en faveur de l’amnistie et du respect du droit d’asile.

A compter du printemps 1925 il fut le directeur de l’hebdomadaire L’Insurgé (Paris, 61 numéros du 7 mai 1925 au 10 juillet 1926), sous titré “journal d’action révolutionnaire et de culture individualiste” où il commença à critiquer les positions de l’UA et du Libertaire L’insertion au début de l’été 1925, d’un article dans L’Insurgé proposant à LéonDaudet (Action Française) une alliance en vue de faire la lumière sur la mort de Philippe Daudet, consomma la rupture avec Sébastien Faure et les autres responables de l’UA (cf. Le Libertaire, 6 juin 1925)…
Depuis 1925 Colomer demeurait à Juvisy sur Orge, 19 rue Piver où résida également Georges Vidal.

C’est bien vers cette époque que se situe le glissement de Colomer de l’anarchisme au communisme après qu’il eut traité deux années plus tôt le gouvernement des Soviets de « gouvernement d’assassins » (cf. Le Libertaire, 3-10 août 1923). Il écrivait en effet dès le 17 octobre 1925 dans L’Insurgé, sous le titre "Devant la Russie des soviets" : "…Allons, allons, n’hésitons pas : de ce coté ci de la barricade il y a les communistes de France qui font la Révolution. Nous devons choisir : avec eux contre le pouvoir et le capitalisme ou contre eux avec le Cartel des gauches, complice des bandes fascistes… S’il plait aux orthodoxes libertaires de l’Union anarchiste de choisr juste ce moment révolutionnaire pour tomber à bras raccourcis sur les bolchéviques français persécutés par M. Painlevé, libre à eux de faire chorus avec les saligauds du "Peuple" et de cette CGT qui n’hésita pas à mettre préventivement à la disposittion des patrons, des ouvriers confédérés pour remplacer les unitaires grévistes du 12 octobre.Nous ne voulons pas jouer ce jeu de dupes ou complices. De toute notre sincérité, nous sommes avec ceux qui minent le plus fortement, le plus efficacement l’ordre social actuel. Avec les révolutionnaires communistes…” ; puis le 12 décembre suivant, dans l’Insurgé sous le titre « Choisir ! » : « Je serai avec les prolétaires quand ils se révolteront contre les ordres de l’État, quand ils feront figure d’insurgés — même s’ils réalisent cette insurrection sous les drapeaux rouges du Bolchevisme ».

Deux années plus tard, après un voyage en URSS — il avait fait partie d’une délégation de travailleurs du Livre — Colomer confirmait (cf. l’Humanité 18 décembre 1927) : « Déjà, depuis deux ans, j’étais convaincu que l’attitude d’opposition au gouvernement des Soviets était absolument contre-révolutionnaire. Mais, après mon voyage bouleversant, je n’hésite plus : Celui qui ne choisit pas est choisi ; il n’y a plus que deux pouvoirs : le pouvoir bourgeois et le pouvoir prolétarien. »

Fin 1926 — début 1927, Colomer, malade, avait vu son état s’aggraver. Le responsable de l’administration du Libertaire lança un appel pour une souscription le 25 février 1927. Le 18 mars, 2 168, 20 f avaient été versés (cf. Le Libertaire), et Mme Colomer remerciait pour « l’élan fraternel de solidarité des camarades de l’UAC (qui) a touché profondément André ». Lui-même écrivait dans Le Libertaire le 1er mai : « Tout autant que les soins médicaux, cette unanime sympathie de mes camarades de travail et de mes compagnons d’idées contribue à me donner les forces pour combattre la maladie (…).
« Je souhaite de retrouver quand je recommencerai à militer un prolétariat plus uni, des révolutionnaires moins divisés, des hommes d’action prêts à réaliser dans la classe ouvrière ce front de bataille que la bourgeoisie sait maintenir pour écraser les travailleurs
 ».

En dépit de ces affirmations on sent qu’un choix a déjà été fait, et c’est bien en cette année 1927 que Colomer donne son adhésion au Parti communiste, 7e rayon, cellule 204, dans le XVIIe arr. Rédacteur à l’Appel des Soviets, secrétaire des « Amis de l’URSS », il fera maintes conférences à travers la France au cours desquelles il aura à subir plus d’une fois la contradiction des compagnons anarchistes. Il appartenait alors au syndicat des cochers-chauffeurs et sans doute est-ce là une indication sur le métier qu’il exerçait alors, officiellement du moins. Au moment du « Complot » il fut détenu à la Santé et subit plusieurs mois de prison préventive.

Colomer avait conservé des liens avec certains compagnons, A. Barbé, E. Armand, par exemple. C’est ainsi qu’il écrivait à Armand le 8 mars 1928 : « Je te serre bien cordialement la main — et je t’assure que ça fait plaisir de pouvoir serrer la main de quelqu’un qui ne pense pas comme soi — quand on ne cesse de lire et d’entendre les injures et les sales calomnies des « anarchistes » qui voudraient vous imposer leur façon de voir la vie ».

Finalement Colomer fut accueilli par l’URSS avec sa famille. Il y mourut à Moscou le 7 octobre 1931.

Des anarchistes ou sympathisants ont porté témoignage du désintéressement de sa « conversion ». Nous versons ces pièces au dossier :

— Maurice Wullens, Les Humbles, octobre 1931 : « On pouvait différer d’avis avec Colomer, poète, révolutionnaire romantique et un peu théâtral. Nul ne peut nier son ardente sincérité, son absolu désintéressement ».

— Alphonse Barbé, Le Semeur, 15 octobre 1931 : « Je n’ai jamais cru à la vénalité de Colomer. Je ne sais si le Parti communiste le payait cher ; ce que je puis affirmer, c’est qu’il ne le portait pas sur lui ».

Oeuvre : - Barbassou, poilu colonial (en feuilletoin dans Le Libertaire, juin 1924) ; À nous deux, patrie, 1925 (ne figure pas à la Bibl. Nat.). ; Bonomini contre le fascisme (1925) — Collaboration à journaux et revues dont il fut parfois directeur : La Foire aux Chimères 1907-1908. deux numéros Bibl. Nat. Jo 40.280/1 (manque le n° 1). — L’Action d’Art, année 1913, 18 numéros (IFHS, collection Armand). — La Revue anarchiste, n° 1, 28 janvier 1922. — L’Insurgé, n° 2, 14 mai 1925, n° 32, 12 décembre 1925, Bibl. Nat. Jo 30 874 (collection incomplète).


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