Dictionnaire international des militants anarchistes
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CHEVENARD Jeanne, Mélanie, née VIOLLET
Née à Lyon (IIe arr.) le 15 (ou 13) mai 1876 - exécutée par la Résistance le 29 juin 1944 - Brodeuse à domicile - CGT – Lyon (Rhône)
Article mis en ligne le 15 janvier 2007
dernière modification le 7 septembre 2023

par R.D.

Brodeuse à domicile, Jeanne Chevenard créa, en 1906, le syndicat de sa profession. Divorcée, mère de deux enfants, elle épousa Louis, Marie, Albert Chevenard le 26 août 1911, et exploita avec lui un magasin de broderies à Lyon, qui fut déclaré en faillite par jugement du tribunal correctionnel de Lyon le 31 octobre 1913. Jeanne Chevenard était alors déléguée à la propagande de la CGT.

Fille d’un voyageur de commerce, Jeanne Chevenard joua un rôle important dans la CGT dès 1913. Pendant la guerre, elle dirigea à Lyon la coopérative « L’Égalitaire » pour confection de vêtements militaires et elle rallia le courant Zimmerwaldien au moment où avec son mari, elle développait les activités du cercle artistique prolétarien Le Nid Rouge où l’influence anarchiste était prédominante. Elle fut désignée pour être à Lyon secrétaire de la Ligue féminine d’action syndicale et joua un rôle important dans les grèves de mai 1917 et janvier 1918 à Lyon. Elle assista les 23-25 décembre 1917 à la conférence tenue par la CGT à Clermont-Ferrand et le 30 mai 1918, elle fut la première femme à être élue secrétaire de l’UD du Rhône, fonction qu’elle exerça de concert avec Henri Bécirard (voir ce nom) jusqu’au retour du secrétaire mobilisé Million (voir ce nom).

Elle suivit avec Bécirard l’évolution de Merrheim et, comme lui, rejoignit Jouhaux en 1921. Elle lutta contre l’orientation de la majorité de l’UD du Rhône restée fidèle au courant révolutionnaire. Elle représenta le syndicat de l’Habillement du Rhône au XIVe congrès de la CGT à Lyon (15-21 septembre 1919) et au XVe congrès à Orléans (27 septembre-2 octobre 1920). À ce moment, dans ses votes, elle s’abstint sur le rapport moral de la majorité confédérale et sur les résolutions, refusant de choisir entre minorité et majorité. Au terme de son itinéraire, en mars 1922, elle contribua à la scission qui, à Lyon, fut le fait des réformistes. Ceux-ci installèrent rue Cuvier un nouveau siège qui devint celui des confédérés. Jeanne Chevenard resta, au cours des années 20 et 30, une figure majeure du syndicalisme confédéré, elle fut le leader incontesté des syndicats CGT de l’Habillement.

À la fin des années 1920, elle apparaissait comme l’une des grandes spécialistes des questions féminines de la CGT, présentant notamment à son XVIIIe congrès, en 1925, un rapport sur la protection de la femme et de l’enfant où elle dressait tout un programme d’indemnités et de soins pendant la grossesse, préconisant l’instauration d’un congé de quatre semaines après l’accouchement et la création de pouponnières. Elle revint sur ces problèmes au XXe congrès, en 1929, en étendant son propos à ceux de la femme « dans l’économie moderne » ; puis aux XXIe (1931) et XXIIe (1933). Elle avait représenté la CGT à plusieurs rencontres internationales, notamment à Schönbrunn (Autriche) en août 1923 et à Amsterdam en novembre 1925. En juillet 1930, elle fit partie de la délégation qui accompagna L. Jouhaux au Ve congrès de la Fédération syndicale internationale à Stockholm, quelque temps après avoir été désignée, en septembre 1929, comme déléguée à la Propagande de la CGT. Au début des années 1930, elle collaborait régulièrement à son quotidien, Le Peuple. Elle collaborait également à La Femme socialiste (1926-1933). Elle créa à Lyon le Foyer « Le Réconfort » (153, rue Paul Bert) en 1932 qu’elle dirigea et anima des oeuvres d’entraide.

Jeanne Chevenard avait également participé pour la CGT à la conférence de Francfort (4-6 janvier 1929) consacrée aux « méthodes modernes de guerre et des protections civiles », organisée entre autres par la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté (LIFPL) dont l’active secrétaire de la section française était Gabrielle Duchêne (voir ce nom).
Signataire de tous les accords conclus pendant cette période avec le patronat, collaboratrice fidèle de Vivier-Merle (voir ce nom), secrétaire de l’UD confédérée, elle fut aussi la cible privilégiée des attaques des unitaires. Déléguée au congrès d’unité à Toulouse (2-5 mars 1936), elle vota en faveur des motions des amis de Jouhaux. En 1936, lors des grandes grèves « sur le tas », elle participa aux négociations avec le préfet Bollaert. Elle fut encore déléguée au congrès confédéral de Nantes (14-17 novembre 1938). Elle restait secrétaire du syndicat du Vêtement, elle était déléguée à la commission administrative de l’Office départemental et municipal de la main-d’oeuvre, mais, dans la CGT réunifiée son rôle tendait à décliner.

Lorsque survint le Pacte germano-soviétique et la déclaration de guerre, elle s’employa avec vigueur à seconder l’action de Vivier-Merle qui appliquait les consignes du bureau confédéral contre les communistes. Ce zèle dans ce travail d’épuration de la CGT, son anticommunisme la désignèrent aux yeux des autorités de Vichy pour servir de caution ouvrière au régime. Elle fut nommée à la délégation municipale de Lyon et se compromit dans la Collaboration.
Vice-présidente du Bureau national des Amis de Au Travail, elle déclara au congrès national qu’ils tinrent à Nîmes le 1er juin 1941 : “je reste sur mes positions : la Paix — Collaboration entre les Peuples et entre le couple humain” et encore : “L’ensemble du congrès m’a tout de même, dans la tourmente actuelle, apporté un certain réconfort et les déclarations de notre camarade René Belin m’ont donné pleine et entière satisfaction”.

La Fédération de l’Habillement de la CGT fut, selon Agnès Denis qui en a retracé l’histoire, “l’une des plus compromises pendant l’Occupation”. Son secrétaire, Marcel Bonnet assuma à partir de 1941 des responsabilités importantes dans les organismes de la Charte du Travail. Il fut également le président de la « Commission provisoire d’organisation de la famille professionnelle de l’habillement et du travail des étoffes ». Outre Jeanne Chevenard, Cognet, Garrigou, Madeleine Vignard (voir ces noms) participèrent à cette commission qui se donnait pour objectif une “orientation nouvelle du monde du travail par la détermination de rapports harmonieux et justes entre les patrons, les ouvriers, les techniciens et les artisans, d’où rupture avec le vieux système de la lutte des classes”. Cette orientation et les circonstances où elle fut adoptée, les positions prises par Jeanne Chevenard expliquent sa disparition.
Le jeudi, 29 juin 1944, dans l’après-midi, elle fut abattue par la Résistance dans son jardin de Parilly, un quartier de Vénissieux.

OEUVRE : Rapports aux congrès de la Fédération de l’habillement et aux congrès nationaux de la CGT. — Collaboration à la presse syndicale telle que La Vie ouvrière, La Voix du peuple, L’Habillement, journal mensuel ou bimensuel de la Fédération d’industrie des travailleurs de l’habillement, Syndicats et à La Femme socialiste.


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