Dictionnaire international des militants anarchistes
Slogan du site
Descriptif du site
“MAURICIUS” [VANDAMME Maurice, Frédéric, Justin, dit]
Né le 24 février 1886 à Paris 18e - mort le 28 juin 1974 à Paris - Commis d’architecte ; employé ; biologiste - Paris
Article mis en ligne le 21 juin 2012
dernière modification le 26 octobre 2023

par R.D., René Bianco

Fils de Frédéric Vandamme, ouvrier d’art, décédé accidentellement à l’âge de soixante-trois ans, le 10 mai 1919 et de Pauline Louvet, décédée le 28 juin 1937 à l’âge de quatre-vingt-six ans, Mauricius joua, avant et pendant la Première Guerre mondiale un rôle non négligeable dans le mouvement anarchiste.

Le 13 avril 1905 paraissait le premier numéro du journal L’Anarchie. C’était l’organe des anarchistes individualistes. Outre Albert, dit Libertad, son fondateur, les principaux collaborateurs en étaient Mauricius, Lorulot et Armand. L’anarchiste individualiste ne reconnaît que des individus ; il rejette l’idée de classe. Et Mauricius écrivait : " … Tous les hommes s’exploitent mutuellement et tous les hommes sont tour à tour exploiteurs et exploités… " Dans la société actuelle… il n’y a pas d’intérêt de classe… pas de solidarité de classe… pas de lutte de classe " (cf. L’Anarchie, n° 206, 18 mars 1909).

L’individualisme, ainsi conçu, pouvait mener à l’illégalisme, dont l’application pratique, à ses extrêmes limites, aboutit aux exploits de ceux qu’on a appelés " les Bandits tragiques " (Voir Bonnot). Après le verdict des assises qui apporta la conclusion judiciaire à l’affaire des " bandits ", Mauricius s’interrogea : " L’illégalisme s’explique, se justifie peut-être en théorie ; en pratique, n’est-il pas un suicide ? Et les hommes sont-ils trop faibles pour vivre en marge des codes, ouvertement ? […] L’émancipation économique ne peut-elle que se faire en masse ? […] Angoissantes questions… " (cf. L’Anarchie, n° 418, 17 avril 1913). Pour un article sur les bandits, dans le journal du 9 mai 1912, il fut condamné par défaut, le 5 juillet, par la cour d’assises de la Seine, à cinq ans de prison et 3 000 f d’amende ; ayant fait opposition au jugement, il fut acquitté le 26 janvier 1914.

Après la mort de Libertad, le 12 novembre 1908, il avait assuré, avec Lorulot, la direction de l’anarchie ; en 1910, il abandonna ses fonctions qu’il reprit en juin 1913 jusqu’à juillet 1914. I était également membre du groupe L’Idée libre fondé en avril 1911 par Lorulot.

En 1913 il était le secrétaire de l’École d’orateurs qui se réunissait salle Leveau (88 avenue Parmentier) dont faisaient également partie René Brochon, Madeleine Pelletier, Paul Defetre et Dalgara.

Mauricius, comme d’ailleurs la plupart des anarchistes de cette époque, prit position très tranchée sur certains problèmes, ceux de l’école et de la population par exemple.

Il se défiait de l’école laïque, contrôlée par l’État, autant que des écoles confessionnelles. Il intitula un article leader : " À bas la laïque ! : À bas l’école congréganiste si vous voulez, mais aussi et plus peut-être : À bas la laïque ! ". (cf. L’Anarchie, n° 243, 2 décembre 1909).

Partisan des théories de Malthus revues par Paul Robin qui substitua à la chasteté volontaire la théorie de la sélection scientifique, Mauricius écrivait : " Amour-libriste, je considérerais comme déraisonnable de laisser des soucis durables à mes éphémères compagnes. Parce qu’anarchiste je suis néo-malthusien, comme je suis propre… " (cf. L’Anarchie, n° 196, 7 janvier 1909).

Un congrès anarchiste international eut lieu à Amsterdam du 24 au 31 août 1907. Quelques délégués français y assistèrent. Mauricius et Armand qui devaient présenter un rapport sur " l’Anarchisme comme vie et activité individuelles " ne purent s’y rendre. Au congrès anarchiste national qui se tint à Paris, à la Maison des Syndiqués, rue Cambronne, les 15, 16 et 17 août 1913, Mauricius, dès l’ouverture des débats, voulut exposer le point de vue des individualistes ; mais on était au lendemain de l’affaire Bonnot. Jean Grave pour Les Temps nouveaux, Pierre Martin pour Le Libertaire refusèrent de l’entendre : " Entre vous et nous, il n’y a pas d’entente possible " (cf. Le Libertaire, n° 43, 23 août 1913). Mauricius se retira.

De 1914 à 1916, Mauricius, qui avait été réformé n°2 en janvier 1915, vécut en province. Le 21 février 1915, avec sa compagne Benoite Lagrange, il participa à la réunion tenue à Montrouge chez Bonnery, à l’initiative d’E. Armand pour reprendre des contacts et discuter de l’attitude à adopter face à la guerre. Une vingtaine de compagnons, dont H. Zisly, Georges Gillet, Favier et Émile Renaud y avaient assité. A cette même époque il aurait été, grâce à E. Renaud, embauché pour assurer la gérance d’une succursale de la maison de confection Perfas-tailleur. En avril 1916, il fonda avec Sébastien Faure le journal pacifiste Ce qu’il faut dire dont il fut gérant sous son nom de Vandamme, depuis le n° 1 jusqu’au n° 19 inclus daté du 5 août 1916.

En juillet 1917, impliqué dans l’affaire Malvy, ministre de l’Intérieur, accusé entre autres de la non application du Carnet B, Mauricius devint suspect dans les milieux libertaires ; pour se disculper des accusations formulées contre lui, il publia en 1918 une brochure intitulée : Ce que j’aurais dit en Haute Cour. En mars 1918, il fonda avec Delong, dit Genold, un journal Franchise qui fut suspendu après le troisième numéro (avril 1918) par la censure. Il était membre du syndicat des dessinateurs, commis et assimilés du Bâtiment, du comité de Défense syndicale et du comité pour la Reprise des relations internationales. Dans de nombreuses conférences, il accusa les dirigeants du Parti socialiste et de la CGT d’avoir trahi les engagements qu’ils avaient pris contre la guerre avant 1914.

Dès la fin de la Première Guerre mondiale, Mauricius collabora à la Mêlée, publiée par E. Armand ; en juillet 1920, mandaté par la Fédération des cheminots et le Comité pour l’adhésion à la IIIe Internationale, il se rendit en Russie soviétique en compagnie de Clément Charles pour y assister au 2e congrès de l’internationale communiste. Dénoncé comme suspect, il fut arrêté à son arrivée et condamné à mort. C’est grâce à l’intervention de syndicalistes français, notamment Vergeat et Lepetit qu’il fut libéré. A son retour en France, le 5 mars 1921, il fut arrêté pour défaut de passeport, interné à la Santé et continua d’être l’objet de calomnies notamment dans L’Humanité.
En juin, après sa libération, il fit sur son voyage en Russie des conférences intitulées : « Mes aventures chez les Bolchéviks”, “la Révolution russe”, “la Russie bolchéviste”, “le Bolchévisme et la France » et publia l’année suivante Au pays des Soviets, neuf mois d’aventures (Paris, Éd. Figuières, 1922, 344 p.) dans lequel il raconta son voyage mouvementé et donna son opinion sur la Révolution russe. Ses détracteurs ne désarmant pas, une commission d’enquête composée de représentants de toutes les organisations ouvrières, se réunit en octobre 1921, sous la présidence de Louis Sellier. Elle rejeta formellement toutes les accusations portées contre Mauricius après l’affaire Malvy, le lava de toute suspicion et déclara qu’il restait « entièrement digne de notre confiance ». Ce jugement fut publié dans l’Humanité du 5 octobre 1921. Mais la calomnie n’en continua pas moins à être utilisée contre lui de temps à autre ce qui contribua à pousser Mauricius à se mettre à l’écart.

Il assista comme représentant du XIXe arr. de Paris, au congrès anarchiste de Lyon des 26 et 27 novembre 1921 (voir Raitzon) où il proposa en vain de rajouter à l’ordre du jour l’établissement d’un programme industriel et agraire anarchiste, point qui fut renvoyé à une discussion dans les groupes. Lors du point de l’ordre du jour concernant les problèmes de l’organisation il était intervenu : “Vous avez entendu la thèse du Nord [H. Meurant] : ordre, méthode, ressources déterminées, cartes et cotisations, et les thèses du Midi : spontanéité, enthousiasme. Ce n’est pas là l’expression de deux théories, mais de deux psychologies… Seuls les groupes parisiens et du Centre, tirés par deux atavisme contraires, hésitent, tergiversent et proposent une organisation bâtarde. Personnellement je pousserais es groupes hésitants à adopter les suggestions de Bastien et Meurant vers toujours plus d’ordre et de méthode” (cf. Le Libertaire, 2 décembre 1921)

Puis il participa au congrès anarchiste international qui eut lieu à Berlin du 25 décembre 1921 au 2 janvier 1922 où il fut avec Fister, Bertelotto et Haussard, l’un des quatre délégués de l’UA
Il collaborait aussi à la Revue anarchiste (n° 1, 28 janvier 1922). En septembre de la même année il fit paraître le journal humoristique Cupidon dont certains articles lui valurent, le 5 novembre 1923, d’être condamné à 500 F d’amende pour outrages aux bonnes moeurs. Il publia alors aux Éditions de l’Épi et sous le pseudonyme de Lionnel d’Autrec "L’Outrage aux moeurs" qui fut réédité à cinq reprises jusqu’en 1926 et dans lequel il dénonçait l’hypocrisie sociale de la morale sexuelle et le cynisme des gouvernants qui poursuivent leurs adversaires politiques sous cette appellation qu’ils veulent infamante.

En mai 1925, Mauricius fut candidat anarchiste individualiste aux élections municipales dans le quartier de Clignancourt. Par la suite il cessa de militer aussi activement. Toutefois, en 1931, il cherchait encore des concours pour organiser des conférences avec une partie musicale et il collabora en 1932 à Controverse, revue publiée par Louis Louvet et à La Revue anarchiste (1929-1936) de G. Salanson. Il demeurait alors 2 Impasse Girardon (XVIIIe).

C’est à cette époque qu’il revint à ses recherches scientifiques entreprises dès l’époque où il dirigeait l’Anarchie et il obtint un doctorat es-sciences. En même temps il découvrit, vers 1933, les propriétés thérapeutiques de l’ozone. C’est ainsi qu’en 1936, il fonda un centre médical où l’on pratiquait des insufflations d’ozone et dont le siège fut d’abord fixé 31 rue Victor Massé puis quelques mois après transféré 53 rue Condorcet, dans le IXe arr. Il devait en être le directeur jusqu’en 1958 et mena pendant vingt ans une lutte acharnée contre les trusts pharmaceutiques, l’Ordre des médecins et tous ceux qui « exploitent la maladie comme d’autres exploitent le travail des ouvriers ».

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il noua des relations avec des membres du Parti socialiste clandestin et fut en liaison avec le réseau Libération-Nord. Son centre d’ozonothérapie, rue Condorcet, fut alors un des points de rencontre fréquentés par la Résistance. Certains même y trouvèrent refuge.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Mauricius était président de l’Association des sinistrés du XIXe arr. et secrétaire général de l’Union des syndicats de sinistrés du département de la Seine. En 1949 il se maria avec Benoîte Lagrange, sa compagne depuis 1914. Il fut également conseiller municipal socialiste à Sèvres, fit de nombreux voyages à l’étranger (Inde, Philippines, Antilles, Rhodésie, etc.) et participa à de nombreux congrès scientifiques et médicaux. Enfin, en 1954, sous le pseudonyme de C. V. d’Autrec, il publia "Les Charlatans de la médecine" (réédité en 1967 aux Éd. de la Table Ronde) ce qui ne l’empêcha pas d’être décoré et nommé Chevalier de l’ordre du mérite pour « services exceptionnels rendus à la santé publique ».

Après sa mort à Paris le 28 juin 1974, ses archives et sa bibliothèque furent déposées à l’Institut français d’histoire sociale auquel il laissa un legs pour la création d’un prix Mauricius.

Œuvre : Collaborations citées ainsi qu’à l’Idée libre, revue fondée par Lorulot (n° 1, 1er décembre 1911). — À bas l’autorité. Suffrage universel ou Anarchie, Paris, s. d., 40 p. — L’Anarchisme, Paris, 1907, (Musée social, 14 575). — Le Rôle social des anarchistes, Paris, 1911 (Musée social, 14 575). — L’Apologie du crime, Paris, 1912, 16 p. — Au Pays des Soviets, neuf mois d’aventures, Paris, 1922, 344 p., Bibl. Nat. 8° M 20 410. — Les Profiteurs de la guerre, Paris, s. d., 56 p., Bibl. Nat. 8° Lb 57/18 248. - Ce que j’aurais dit en Haute Cour (1918 ?). — Bobechon, rajeunisseur de vaches, Éd. de l’Épi, 1922 ; Où est la vérité ? Éd. du Loup, parus sous la signature de Lionnel d’Autrec et sous celle de Mauricius, E. Armand tel que je l’ai connu, in E. Armand, sa vie, son oeuvre, La Ruche ouvrière, 1964. — En outre, Mauricius a laissé quelques écrits (inédits) ainsi que des Mémoires (inédites) mises en forme par P.-V. Berthier et qui ont été déposées à l’Institut français d’histoire sociale, avec copie à l’Institut international d’histoire sociale (IISG) d’Amsterdam.


Dans la même rubrique

MAZZOCCHI, Francesco
le 13 octobre 2023
par R.D.
MAZZOLA, Leone
le 1er octobre 2023
par R.D.
MAZZUCCHELLI, Ugo
le 1er octobre 2023
par R.D.
MAZOYER, Lucien
le 14 juin 2021
par R.D.
MAUGET, M.
le 30 juillet 2020
par R.D.