Dictionnaire international des militants anarchistes
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BINAZZI, Pasquale “Gustavo BERETTA”
Né à La Spezia le 12 juin 1873 – mort le 5 mars 1944 - Mécanicien ; publiciste – FCAI - La Spezia & Gênes (Ligurie) – Lugano (Suisse)
Article mis en ligne le 26 juillet 2011
dernière modification le 27 octobre 2023

par R.D.
Pasquale Binazzi

Dès l’âge de 13 ans et pour aider sa famile, Pasquale Binazzi était entré en apprentissage à l’école professionnelle de mécanique de l’arsenal maritime de La Spezia. Dès 1888 il y entrait en contact avec les militants anarchistes Antonio Accinelli et Silvio Massai, puis plus tard avec Vittorio Fabrizioli. Il devenait rapidement un actif propagandiste et un lecteur passionné de Bakounine et Kropotkine, collaborait aux journaux anarchistes locaux L’Operaio, I Raggi et La Luce dirigés par Fabrizioli et Massai. En 1891 il rencontrait à l’occasion d’une conférence P. Gori dont il allait devenir l’ami. Il était alors considéré par la police comme l’un des militants les plus dangereux et violents de La Spezia.

Le 26 décembre 1894 il participait à la conférence tenue par Luigi Molinari à Piana di Avenza, puis les 2, 9 et 10 janvier 1894 se réunissait avec Augusto Arata, Mario Lazzoni, Primo Ghio, Cesare Bonuccelli et d’autres militants anarchistes afin de préparer une insurrection. Le 16 janvier avec un groupe de 200 compagnons il participait à l’occupation de Piana di Avenza jusqu’au 20 janvier où l’armée reprenait le contrôle de la situation et où les insurgés se dispersaient dans la campagne. Licencié de l’arsenal le 22 janvier, il fuyait d’abord à Milan puis à Lugano pour échapper aux recherches.

Grace au compagnon Isaia Pacini il y trouvait un emploi de voyageur de commerce et continuait d’y participer aux activités des anarchistes locaux. En mars 1894, suite à une réunion tenue dans un théâtre de Lugano et qui s’était terminée par des désordres, il était arrêté, détenu pendant quinze jours puis extradé en Italie où il fut admonesté par divers tribunaix mais laissé en liberté.

Réformé en 1894, il obtenait en juillet sa réintégration à l’Arsenal de La Spezia après s’être engagé à « rester tranquille ». En réalité il continuait activement la propagation clandestine des idéaux libertaires tant st si bien que le 22 janvier 1895 il fut arrêté et interné à Gênes où il retrouvait de nombreux compagnons dont Luigi Galleani, Giacinto Menotti Serrati et Eugenio Pellaco. Le 2 février il était condamné à trois ans d’assignation à San Nicola di Tremiti où il fut transféré après avoir passé 8 mois à Porto Ercole où il avait rencontré de nombreux militants dont G. Gavilli, V. Mazzoni et Amedeo Boschi. Pendant son internement à Tremiti il fréquenta « l’école anarchiste » qui y avait été organisée par les compagnons et où il put enrichir sa culture générale, politique et linguistique (cours d’anglais et de français). Il y collabora au journal polygraphié La Bohême et commença également une collaboration avec L’Avvenire sociale qui était publié à Messine. Le 16 janvier (ou le 1er Mars ?) 1896, en solidarité avec les compagnons interné à Lampedusa où ils s’étaient révoltés, il participait à une manifestation de soutien au cours de laquelle il était blessé par balle avec 10 autres des internés tandis que le compagnon Argante Salucci était tué par les soldats. Le 11 juillet, poursuivi à Lucera avec 22 autres compagnons - Poggiali, Tessserini, Leombruni, Guidi, Manfredi, Grassi, Tranini, Corsaletti, Del Lungo, Pappini, Cesari, Alari, Scopetani, Torrini, Tabacchi, Musetti, Lodi, Scheggi, Ruocco, Bartolomei, Tonetti et Roberto D’Angio - il était condamné à 14 mois de réclusion et une année de surveillance spéciale.

Après avoir obtenu sa libération conditionnelle il retournait à La Spezia début janvier 1897, puis ne trouvant plus de travail, partait à Marseille où il avait des parents et amis et où il allait travailler comme mécanicien pendant quelques mois avant de revenir en Italie. Il s’installait alors à Gênes comme charpentier et continuait d’y militer et d’aider au développement du mouvement dans les zones ouvrières de Gênes, Sampierdarena et Voltri. Début 1898 il figurait sur une liste où il était signalé comme disparu de La Spezia et utilisant le nom de Gustavo Beretta. En décembre 1898 il était une nouvelle fois emprisonné.

A sa libération en mars 1899 il regagnait La Spezia où il allait travailler au chantier naval de Muggiano. Il allait alors promouvoir l’organisation du syndicalisme révolutionnaire dans la région et organiser la Chambre du travail de La Spezia, fondée le 16 juin 1901, et dont il fut nommé secrétaire. Il fut notamment l’organisateur de la première grève générale de La Spezia en avril 1902 à la suite de laquelle plus de 6000 ouvriers étaient adhérents à la Chambre du travail. A l’occasion du 1er mai 1903 il fut l’éditeur du numéro unique de Maggio libertario (La Spezia).

En juin 1904, sous la pression des socialistes qui le taxaient de « légaliste » et de ses propres camarades qui lui reprochaient « de s’être éloigné de l’action directe », il démissionnait de la Chambre du travail et décidait de se consacrer au développement de l’hebdomadaire Il Libertario qu’il avait fondé à La Spezia le 16 juillet 1903, qu’il allait diriger jusqu’en 1916 avec sa femme Zelmira et pour lequel il allait obtenir la collaboration des plus connus des propagandistes anarchistes dont Malatesta, Puetro Gori et Luigi Molinari. Le journal qui fut censuré, suspendu à plusieurs reprises lui valut de très nombreuses condamnations et procès notamment pour des articles antimilitaristes et anticléricaux.

Les positions antiorganisationnelles de Binazzi furent à l’origine en 1905 d’une violente polémqieu avec le groupe L’Agitazione de Rome qui était dirigé par Libero Merlino. En 1906 Il Libertario était passé d’un tirage à l’origine de 3000 exemplaires, à 5000 exemplaires et Binazzi fondait alors la coopérative typographique La Sociale qui allait permettre de développer la propagande par l’édition de livres et de journaux. Parallèlement il collaborait à plusieurs autres organes anarchistes dont Praecursor, L’Avvenire anarchico (Pise) et Il Cavatore (Carrare).

En 1910, en mémoire du pédagogue Francisco Ferrer, il publiait la brochure « Abbatiamo il Vaticano (La Spezia) et en janvier 1911 participait au congrès anarchiste ligure où il continuait de s’opposer aux thèses organisationnelles, position qu’il continua de défendre au congrès national tenu à Rome en septembre 1910. Cette même année 1910, peu avant la mort de Pietro Gori, il fut chargé par ce dernier et avec l’aide de sa soeur Bice Gori, d’éditer ses divers écrits (au moins X volumes).

A partir de 1912 il entama une forte polémque avec D. Zavattero qui avait soutenu Roberto d’Angio, ancien collaborateur de Il libertario ayant accusé Binazzi de « s’enrichir "avec la coopérative typographique, et qui se termina par l’expulsion de Zavattero des travaux du congrès lors de la conférence nationale tenue à La Spezia le 1er juin 1913.

Lors de la première guere mondiale il se trouva mêlé aux polémiques entre anarchistes interventionnistes et pacifistes. Resté fidéle aux conceptions internationallistes il fut l’organisateur d’un congrès tenu à Pise le 24 janvier 1915 pour coordonner la propagande antimilitariste. Avec l’entrée en guerre de l’Italie, il continua tant bien que mal à faire paraître Il Libertario où il donna le compte rendu de la réunion internationale de Zimmerwald qu’il considéra comme « l’acte de naissance d’un renouveau de l’internationalisme socialiste » ce qui lui valut une nouvelle polémique avec le compagnon Renato Siglich et le groupe L’Avvenire anarchico hostiles à tout dialogue avec les socialistes. Il participa ensuite au congrès clandestin tenu à Ravenne en août 1916 où fut créé le Comité d’action international anarchiste (CAIA) dont il fut nommé membre avec Temistocle Monticelli (secrétaire), Torquato Gobbi, Gregorio Benvenuti et Virgilio Mazzoni et qui avait pour but l’harmonisation des positions sur les problemes de la guerre et de l’internationale.

Accusé de propager le « défaitisme » au sein des troupes, Il Libertario était finalement suspendu par les autorités le 30 mai 1917 et tout le matériel de l’imprimerie La Sociale était saisi. Binazzi décidait alors de transférer le journal à Milan où le titre fut interdit par les autorités mais où, avec la colaboration de Leda Rafanelli, Carlo Molaschi et Giuseppe Invernizzi, il parvint à publier 14 numéros de Cronaca libertaria (Milan, 3 août au 1er novembre 1917).

Parallèlement il continuait son activité au sein du CAIA qui tenait une nouvelle conférence clandestine à Florence le 15 avril 1917 où il était décidé la rédaction d’un Manifeste au peuple russe en pleine insurrection. Puis en juin le CAIA avait décidé d’envoyer une délégation –Binazzi, Malatesta et Mazzoni – au congrès international organisé à Stockholm par les conseils d’ouvriers et de soldats de Petrograd, conférence qui fut finalement annulée.

Le 18 décembre 1917, Pasquale Binazzi et sa compagne Zefira étaient finalement arrêtés à La Spezia et internés au confinat de Lipari où ils allaient rester jusqu’au 18 janvier 1919.

Un mois après son retour à La Spezia Binazzi, après quasiment deux ans de « silence forcé », il reprenait la publication de Il Libertario. Lors du congrès anarchiste tenu à Florence en avril 1919, pour la première fois Binazzi se montrait favorable à la formation d’un organisme unitaire du mouvement et saluait la naissance de l’Union communiste anarchiste italienne (UCAI). Suite aux manifestations contre la vie chère en juin à La Spezia, il était arrêté le 14 juillet et emprisonné jusqu’au 4 septembre. Le 25 décembre, avec notamment Borghi et Galleani il fut l’un des premiers à aller accueillir à Gênes Malatesta à son retour en Italie. Il collabora ensuite en février 1920 à la naissance du quotidien anarchiste Umanità nova (Milan-Rome, 1920-1922) et aux cotés de Malatesta et Borghi participa aux nombreuses réunions préparant une grève générale. Le 27 juillet 1920, accusé d’avoir participé dans les mois précédents à l’attaque d’une poudrerie, il était arrêté, puis finalement, après avoir dénoncé « une machination policière, était libéré le 9 mars 1921.

Après l’attentat du théâtre Diana et la destructiion par les fascistes du siège de Umanità nova, Binazzi proposa à la rédaction du quotidien les colonnes de Il Libertario qui parut alors deux fois par semaine.

Devant la montée du fascisme Binazzi participait à l’organisation à La Spezia des Arditi del popolo ; toutefois, suite à l’âge et à des problèmes déambulatoires, il commençait à mettre un frein à ses activités. En novembre 1921, avec difficulté il allait à Ancône pour participer au 3e congrès de l’Union anarchiste italienne (UAI).

Puis son état de santé se détériorait au cours de l’été 1922 et le 15 septembre il était hospitalisé, alors qu’au même moment un mandat d’arrestation pour « association de malfaiteurs » était emis à son encontre. Le 26 octobre, alors qu’il était toujours hospitalisé, était publié le numéro 886 de Il Libertario, qui devait être le dernier, puisque deux jours plus tard les fascistes appuyés par la police et l’armée occupaient militairement la ville et détruisaient les locaux et l’imprimerie du journal. Seul l’intervention énergique d’infirmiers empêcha qu’un groupe de fascistes ne vienne chercher Binazzi sur son lit d’hôpital.

En janvier 1923 Binazzi quittait l’hôpital et avec sa compagne partait à Caprigliola où il fut l’objet d’une surveillance constante de la part de la Préfecture qui signalait qu’il continuait de correspondre avec ses compagnons tant en Italie qu’à l’étranger et qu’il recevait régulièrement des États-Unis L’adunata dei refrattari. Après les attentats contre Mussolini, Binazzi était condamné le 19 novembre 1926 à cinq ans de confinat à Lipari avec sa compagne. Suite à sa très mauvaiqse condirion physique, il obtenait une réduction de trois ans et le 19 novembre 1928 était autorisé à revenir à, Caprigliola sous une stricte surveillance. Au printemps 1930 il y acceuillait son vieil ami Galleani qui devait décéder dans ses bras le 4 novembre 1931.

Au printemps 1937, après avoir abandonné « toute activité contre l’État » et la mort de sa compagne l’année précédente, il était autorisé à retourner à La Spezia. Et était rayé des listes de « subversifs ».

En 1941 les anarchistes ligures commençaient à se réorganiser et, après le congrès clandestin tenu à Gênes en juin 1942, Binazzi alla à Torre del Lago (province de Lucca) pour y participer à la coordination des petis groupes qui se réorganisaient et qui se concrétisèrent par une série de congrès clandestins tenus tous à Florence et dont le plus important fut celui tenu le 16 mai 1943 au domicile d’Augusto Boccone où fut fondée la Fédération communiste anarchiste italienne (FCAI) dont il allait être l’un des animateurs et auquel participèrent une douzaine de délégués dont, outre Binazzi, Giuseppe Sartini et Vindice Rabitti (Bologne), Pietro Pozi et Emilio Grassini (Gênes), Del Carpio (La Spezia), Atto Vanucci (Livourne), A. Boccone et Ezzio Puzzoli (Florence). A la suite de cette réunion la FCAI publia un manifeste appelant à un front unique antifasciste qui fut tiré à 1000 exemplaires sur les presses du compagnon de Florence Lato Latini. Binazzi fut également l’organisateur du congrès du 5 septembre 1943 où fut discutée la reparution clandestine de Umanità nova (premier numéro le 10 septembre 1943) et auquel participèrent notamment Rocardo Sacconi (Rome), A. Boccone et L. Larini (Florence), A. Vanucci (Livourne), Giuseppe Sartini et Attilio Diotallevi (Bologne), E. Gtassani, Mariani et Antonio Dettori (Gênes), Del Carpio et Binazzi (La Spezia), Silvano Fedri et Tito Eschivi (Pistoia).

A l’automne 1943 il retournait à La Spezia où il participait à l’organisation de réunions de coordination entre la Colonne partisane Giustizia e liberta, le Parti d’action et le groupe de partisans anarchistes Gino Luccetti d’Ugo Mazzucchelli. Toutes ses activités épuisantes le conduisaient début février 1944 à la paralysie et à une hospitalisation. Après un mois d’agonie, Pasquale Binazzi décédait le 5 mars 1944 et ses cendres furent dispersées au cimetière de Boschetti.

En hommage à Binazzi un numéro unique de Il Libertario fut publié à l’été (juillet ?) 1946 à La Spezia par U. Mantovani.
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