Dictionnaire international des militants anarchistes
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SAÏL, Mohamed, Ameriane ben Ameziane
Né le 14 octobre 1894 à Taourirt-Béni-Oughlis (département de Constantine) - mort en avril 1953 - Chauffeur mécanicien – UA – FA – CGTSR - Livry Gargan & Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis)
Article mis en ligne le 1er juillet 2009
dernière modification le 22 mars 2024

par R.D.
Mohamed Sail (avec turban) au banquet des 80 ans de S. Faure

Le 6 septembre 1932, Saïl Mohamed écrivait au Semeur, le journal d’A. Barbé : « […] pendant près de quatre ans, en temps de guerre, je fus insoumis puis déserteur. » Sail avait été en 1923 le secrétaire du groupe de Livry-Gargan de l’Union anarchiste (UA) et avait animé avec Kiouane le Comité d’action pour la défense des indigènes algériens fondé par la Fédération anarchiste de la région parisienne. En juillet 1924, il commençait à collaborer au Libertaire quotidien. Le 22 septemre 1924, aux cotés de Boudoux, Le Meillour et louis Avenel, il fut l’un des orateurs du meeting tenu à la salle de l’intersyndicale, rue Legendre, organisé par le groupe anarchiste du XVIIe arrondissement à l’intention des travailleurs algériens. A cette même époque il appelait à participer à la souscription pour sauver le Libertaire quotidien.
Le 3 octobre 1924, avec le compagnon Carrouée, il donna une conférence au groupe du XVIIe arrondissement sur le mouvement anarchiste en Algérie et de “ce qu’ils croient possible de faire pour les Algériens en France” (cf. Le Libertaire, 2 octobre 1924). A cette même époque un certain Adjou Larbi signait des artcles en faveur des travailleurs algériens dans Le Libertaire et intervenait dans les réunions publiques dugroupe du XVIIè. Dans Le Libertaire (12 octobre 1924) il appelait les camarades de la Fédération parisienne à faire des “efforts pour éduquer les parias algériens”, se plaignant que seul le groupe du XVIIe organisait ce type de réunions qui avaient donné “cinq ou six bons copains indigènes qui sont très sincères et suivent régulièrement les réunions dugroupe” A cette même époque il était avec Adjou et Kiouane responsable du Comité d’action algérien.
Dans un article du Libertaire (27 juin 1925) il dénonçait la guerre au Maroc et une nouvelle fois les atrocités subies par le peuple algérien, qu’il terminait par ces termes : “Au nom de tous ceux qui souffrent, au nom de mes frères algériens que vous avez soumis par la trique et civilisés par le canon, je vous crie à vous tous gouvernant assssins : A bas la guerre du Maroc ! Abas toutes les guerres ! A bas votre civilisation !”.

En 1925 il était en Algérie où au printemps il fut détenu une dizaine de jours après avoir critiqué "le régime des marabouts" dans un café en Kabylie. Il collaborait à cette époque au journal des anarchistes algériens Le flambeau (Alger, 1923-1926) où il fut l’auteur d’articles dénonçant le colonialisme et le code de l’indigénat. Puis il revenait en région parisienne où il avait pour compagne Madeleine Sagot.

Début 1927 il tentait de constituer un groupe anarchiste à Saint-Ouen, Clichy et le XVIIe arrondissement.

Collaborateur en 1930 du Libertaire où il signait « un anarchiste kabyle », il mena une campagne contre la célébration du centenaire de la colonisation de l’Algérie qu’il qualifiait de « mascarade du centenaire ». Avec l’aide de la CGTSR, dont il était membre, et à l’organe delaquelle, Le Combat syndicaliste il collaborait également, il publia un tract dénonçant cette commémoration rédigé par le Comité de défense algérien contre la provocation du centenaire dont il était le secrétaire. Ce tract dénonçant la colonisation et signé de "la section algérienne de la CGTSR" se terminait par ces mots : “… C’est le centenaire d’un tel état de choses que les aristocrates arabes et les ploutocrates français, satisfaits et heureux, commémorent en ce moment en Algérie. Les Algériens qui ont pu quitter ce pays inhospitalier sont solidaires de leurs frères restés de l’autre coté de la Méditerranée… Ils demandent à cette opinion de les aider à conquérir les droits dont jouissent tous les citoyens français… Ils réclament notamment l’abolition de l’indigénat, le droit syndical, la liberté de la presse, l’extension à l’Algérie de toute la législation sociale française. Ils espèrent que leur appel sera entendu tout particulièrement de leurs frères : les travailleurs français. Et en revanche, ils assurent ceux ci de leur solidarité dans les luttes qu’ils entreprendront pour la libération commune. Ils savent que Français et Algériens n’ont qu’un ennemi : leur maître. Fraternellement unis, ils sauront s’en débarrasser pour fêter ensemble leur affranchissement”.

Au début des années 1930 il était membre du Comité de défense sociale dont les responsables étaient Felix Beaulieu Beylie (secrétaire) et Faston Rolland (trésorier) et qui se réunissait chaque semaine au restaurant coopératif La Solidarité, 15 rue de Meaux. C’est à la sortie de ce restaurant que le 10 avril 1931, il avait été arrêté avec sa femme et amenés au poste de police du quai de Jemmapes où, après une fouille minutieuse, tous deux avaient été relâchés au bout de deux heures sans que leur soit donné la moindre raison de cette arrestation (cf. Le Libertaire, 24 avril 1931).

Gérant de l’Éveil social (Aulnay, 29 numéros, janvier 1932-mai 1934), qui fusionna avec Terre libre en mai 1934, il fut poursuivi début 1933 pour "incitation de militaires à la désobéissance". En 1934 il fonda le groupe anarchiste des indigènes algériens et devint le responsable de l’édition pour l’Afrique du nord du journal Terre libre(parue ?). Arrêté fin mars 1934 à Saint-Ouen par la police qui saisissait quelques grenades et pistolets, « souvenirs de la dernière guerre » selon le Comité de Défense sociale et une grande partie de sa bibliothèque, il fut condamné à un mois de prison ; à l’expiration de sa peine, il fut maintenu en détention dans l’attente d’un jugement pour détention d’armes de guerre. Condamné de nouveau à un mois de prison en juillet, il fut aussitôt libéré ; il avait été détenu pendant quatre mois et demi, temps qui dépassait de deux mois et demi celui de ses deux condamnations. Pendant sa détention, il envoya un message de sympathie au congrès de l’Union anarchiste, qui eut lieu à Paris les 20 et 21 mai 1934. Lors de son arrestation le journal L’Humanité l’avait dénoncé comme un provocateur qui “A Vincennes où il sévissait, il opérait avec une pancarte où l’on pouvait lire "Ravachol, partout !". Il suffit d’une telle formule pour qu’on voit bien de quoi il s’agit, d’un individu qui ne peut rien avoir de commun avec les communistes. C’est bien parce que ce provocateur était connu de la police et, comme tel, il a été arrêté, car il ne pouvait plus servir en liberté, étant brûlé” (4 avril 1934). Sous le titre "Sail Mohamed et les Autruchos-marxistes", paru à la une de La Voix libertaire (21 avril 1934), le compagnon A. Prudhommeaux dénonça cette infamie communiste, se solidarisera avec Sail, terminant son article par un appel aux révolutionnaires à s’organiser : “… Le moment est venu de se préparer à la résistance et à la contre-attaque révolutionnaire. Sail Mohamed y avait songé. Faisons comme lui ! Et… cachons nous mieux que lui !”
Sail, lui même, le 29 août 1934, avait adressé à la rédaction de L’Humanité la demande de rectification suivante qui resta sans effet : " Dans le numéro du 4 avril 1934, à la suite de ma détention pour détention d’armes L’Humanité a publié un article par lequel j’étais présenté comme un agent provocateur. Je crois utile de rappeler l’indignation suscitée dans les milieux anarchistes et même dans d’autres milieux antifascistes, par cet article écrit avec une légèreté inconcevable. Cet article portant une atteinte grave à mon honneur de militant sincère, je vous demande de faire la rectification qui convent. Votre information était entièrement fausse, dénuée de la plus élémentaire preuve et il me semble que ma détention qui dura arbitrairement pendant près de cinq mois suffit pour établir ma sincérité aux yeux de toute personne de bonne foi. Je pense donc que vous ne voudriez pas profiter de ce que je suis réfractaire à la justice bourgeoise, c’est à dire désarmé volontairement au point de vue légal, pour étouffer cette protestation, mais que vous tiendrez au contraire à reconnaître votre erreur et à donner satisfaction à un vieux militant qui s’est toujours sacrifié à la cause prolétarienne”. (cf. Terre libre, n°6, octobre 1934).

En 1935 il était le responsable de l’édition régionale pour l’Afrique du Nord de Terre libre. Dans le n°20 (décembre 1935) dans un article sur la "civilisation française" en Algérie, dans la rubrique Avec les exploités et les opprimés il dénonçait le colonialisme comme un crime contre l’humanité et concluait : "…Qu’avez vous apporté colonialistes de tout acabit, qu’avez vous fait de plus de cent ans, vous qui vous mêlez de civiliser les peuples que vous prétendez barbares ? Vous avez construit de belles bâtisses pour loger vos séides et vos larbins, mais de misérables indigènes couchent dehors. Les rues d’Alger, ville lumière, grouillent de mendiants que piétinent les expropriateurs de leurs enfants. Vol, rapine, incendie, assassinat d’un peuple top faible pour se défendre, voilà votre oeuvre, voilà ce qu’est votre civilisation dans sa triste réalité”.

En février ou mars 1935 il éditait un tract signé du Groupe anarchiste des indigènes algériens dénonçant l’exploitation et les injustices commises contre les travailleurs algériens et où il écrivait : “… Et pourquoi toutes ces injustices ? Parce que vous avez la frousse de lutter efficacement pour vos droits, parce que vous restez insensibles ou indifférents à votre propre misère, parce que votre révolte est celle du chien passif qui gueule et ne mord pas.
Vous êtes responsables de la honte dont les gouvernants vous couvrent. Attendez-vous un secours d’Allah dont le religion vous ordonne la vengeance et avec qui vous êtes en contradiction puisque vous êtes soumis à des maîtres infidèles ? Non, n’attendez rien d’Allah, les cieux sont vides et les religions n’ont été créées que pour servir l’exploitation et prêcher la résignation. Ne recherchez le salut qu’en vous mêmes, car votre libération sera votre œuvre ou elle ne sera jamais… Venez vers vos frères de misère qui, sans distinction de race, lutteront avec vous pour une fraternité et une égalité absolue. Venez dans les syndicats révolutionnaires - la CGTSR - fréquentez les groupes anarchistes et face à l’humiliation dont vous êtes victimes, luttez pour vivre en hommes libres…”
(cf. La Voix Libertaire, 23 mars 1935).

Au moment du Front populaire, il publiait dans La Voix Libertaire (4 juillet 1936) un texte sur "le calvaire du peuple algérien" qui se terminait par ces mots : “… Si le gouvernement du Front populaire, qui est un espoir de libération légale du peuple algérien, persiste à lui marchander son droit le plus sacré, nous sommes là, les hors-toutes les lois, pour le guider vers la liberté et lui aider à briser ses chaînes. Nous lui enseignerons la révolte contre tout ce qui l’écrase. Nous lui crierons bien fort : peuple algérien opprimé, délivre toi, tous debout, guerre aux tyrans et en avant vers l’anarchie !”.

Dès le début de la guerre civile, il partit pour l’Espagne, combattit dans la centurie Sebastien Faure de la colonne Durruti où, après la mort de Berthomieux, il fut nommé délégué du Groupe international et mena l’attaque sur Quinto. Lors d’une mission de reconnaussance pour laquelle il s’était porté volontaire, le 21 novembre 1936, il fut blessé légèrement à la main par une balle explosive à une centaine de mètres des lignes nationalistes et fut hospitalisé à Barcelone avant d’être rapatrié en France où il se présentait alors dans les meetings comme « délégué du groupe international de la colonne Durruti ».

Le 26 janvier 1937, aux cotés de Frémont, il fut l’orateur du meeting de soutien aux Nord Africains organisé par le groupe anarchiste de Clichy à la salle municipale et y invita les travailleurs nord africains à se grouper aux cotés des travailleurs français pour “abattre leurs exploiteurs capitalistes et lutter contre la guerre qui menace”.

Lors des évènements de mai 1937 à Barcelone, il fit plusieurs comptes rendus sur la situation des compagnons assassinés ou emprisonnés par les staliniens, dans les colonnes du Libertaire et du Combat syndicaliste.

Il résidait à cette époque 16 rue d’Amiens à Aulnay et était l’un des principaux animateurs du groupe local de l’Union anarchiste, qui selon la police, comptait 92 adhérents et près de 200 sympathisants. Le 1er mai 1937 la poice avait signalé qu’un drapeau noir portant l’inscription Groupement d’Aulnay-sous-Bois Ni Dieu ni maître avait flotté toute la journée sur son domicile. Les rapports de police le qualifiat de “très actif, dangereux… constitue un véritable danger social”.

Il représenta le groupe anarchiste d’Aulnay-sous-Bois au congrès de l’UA qui se tint à Paris les 30, 31 octobre et 1er novembre 1937. Cette même année 1937 il participa à un meeting commun avec le Parti du peuple algérien (PPA) de Messali Hadj.

Pour avoir, en septembre 1938, distribué des tracts contre la guerre, il fut condamné à dix-huit mois de prison. En 1939, pour le même motif, il fut arrêté et interné à la prison de la Santé ; c’est au cours de cette arrestation que sa bibliothèque, 10 rue d’Amiens à Aulnay, fut saisie lors de la perquisition puis dispersée. En 1941, il aurait été détenu au camp de Riom-ès-Montagnes (Cantal). Il aurait par la suite participé à la fabrication de faux papiers pour les compagnons recherchés.

A la libération Mohamed Sail reconstituait le groupe d’Aulnay-sous-Bois de la Fédération anarchiste et collaborait au Libertaire où il traitait le plus souvent des problèmes de l’Afrique du Nord. En 1951 il fut nommé responsable aux questions nord-africaines de la Commission syndicale de la FA et ne cessa de dénoncer l’exploitation systématique dont étaient victimes les travailleurs algériens.

Mohamed Sail est décédé en avril 1953 à l’hôpital franco-musulman et fut inhumé le même jour au cimetière musulman de Bobigny. Sa compagne fut également militante anarchiste.

Mohamed Sail avait également publié des articles dans L’Insurgé (Paris, 1925-1926) d’André Colomer et en 1936 à la Voix libertaire, organe de l’Association des fédéralistes anarchistes, ainsi qu’à Terre libre, l’organe de la Fédération anarchiste de langue française. Dans Contre-courant du 5 mai 1953, Louis Louvet dit de Saïl, qui avait travaillé avec lui au journal l’Anarchie : « Malgré des incartades, dues à un caractère tout d’une pièce, j’avais gardé de l’affection pour lui. »

Le 14 octobre 2016 l’association socioculturelle Taddart-iw a organisé une journée d’hommage à Mohamed Sail à Taourirt où une stèle à son effigie a été inaugurée sur la place du village. Hommage à M. Sail

OEUVRE : Appels aux travailleurs algériens, textes recueillis et présentés par Sylvain Boulouque, Féfération anarchiste, groupe Fresnes-Antony, n° 43 ; - Mohamed Sail, : écrits d’un anarchiste kabyle, Textes réunis et présentés par Francis Dupuis-Déri (Ed. Lux, 2020, 178 p.)…


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