Dictionnaire international des militants anarchistes
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LEBOUCHER, Gustave, Eugène “Edouard" ; "Léon”
Né à Paris-Montrouge le 15 août 1850 – mort le 8 novembre 1909 - Ouvrier cordonnier - Paris
Article mis en ligne le 14 mars 2008
dernière modification le 17 mars 2024

par R.D.
Gustave Leboucher

Ancien membre de l’Union fédérative des ouvriers socialistes dont il fut délégué à plusieurs congrès et du Parti ouvrier dont il fut candidat à Belleville en 1881, Gustave Edouard, Léon Leboucher, qui avait été exempté de service militaire comme fils aîné d’une veuve, fut un militant actif du mouvement anarchiste dans les années 1880-1890. Il fut tour à tour garçon boucher, poseur de stores, concierge, vendeur de journaux et cordonnier. Orateur à la « voix éclatante, le geste dramatique, cet homme de petite taille, aux traits réguliers, moustache et barbe mal taillées, portant blouse et foulard, possédait les qualités du tribun. Sa phrase ample, directe retenait l’attention d’un auditoire qu’attirait aussi la violence de ses propos ». Il fut à maintes fois condamné pour vente de journaux anarchistes, cris séditieux provocation à attroupement ou affiliation à une association de malfaiteurs. Il fut condamné pour la première fois à 1 mois de prison le 26 mars (ou le 16 mai ?) 1870, pour "cris séditieux".

Fin mai 1881, suite aux incidents survenus lors de l’ouverture du congrès socialiste du Centre tenu à Paris, où les délégués anarchistes avaient été refoulés après avoir refusé de donner leurs noms, les compagnons et autres dissidents s’étaient constitués en congrès indépendant réunis 103 boulevard de Ménilmontant. Leboucher participa à ce congrès, présidé par Maria (voir ce nom) et qui avait regroupé une centaine de participants dont A. Crié (cercle du Panthéon), Victorine Rouchy (Alliance socialiste révolutionnaire), Bernard (chambre syndicale des homes de peine), Spilleux dit Serraux (mouchard), Émile Pannard (groupe La Révolution sociale), Vaillat (groupe d’études sociales révolutionnaires), Émile Gautier et Jeallot.

Demeurant 37 rue des Couronnes, il avait été au début des années 1880 le trésorier du Comité des amnistiés et non amnistiés du XXe arrondissement. Il était également membre de la Commission de secours aux détenus politiques.

Il fut en juin 1882 l’un des animateurs avec Raoux de la grève des ouvriers cordonniers à Paris. Licencié à de multiples reprises il exerça divers métiers dont garçon boucher, poseur de stores, vendeur de journaux, etc. et fut souvent au chômage. Il collabora à cette époque au journal Terre et Liberté (Paris, 18 numéros du 25 octobre 1884 au 21 février 1885) dont le gérant était Antoine Rieffel. Cette même année 1882 il fut condamné à 25 francs d’amende pour "coups".

Le 29 janvier 1883, lors d’une réunion à l’Elysée Ménilmontant, il avait demandé l’abolition de la propriété privée et s’était écrié “Chacun pour soi ou voler pour vivre !”.

Au printemps 1883 il participa à la campagne abstentionniste menée par le groupe du XXe arrondissement et fut notamment le président de la réunion publique “L’anarchie devant la bourgeoisie : inutilité du suffrage universel”, tenue le 3 mars, rue de Paris aux Lilas et à laquelle avaient assisté une centaine de personnes et où Louise Michel avait pris la parole.

Le 24 mai 1884, c’est lui qui avait porté un drapeau noir sur la tombe des Fédérés au Père Lachaise.

Durant l’année 1884, il fut un des principaux protagonistes de l’agitation parmi les chômeurs. Il participa notamment le 29 janvier 1884, avec Bordes et Granet au meeting organisé par le groupe Le Drapeau noir à la salle de l’Elysée Charonne. Le 23 novembre 1884, il prit la parole au grand meeting des ouvriers sans travail à la salle Lévis, dont la sortie se transforma en émeute (voir Pierre Naudet). Il y aurait notamment déclaré : “…. Il faut se rendre aux prisons où sont détenus les socialistes, afin de les délivrer. Pour ceux qui ont faim, il y a du pain dans les boulangeries ! Pour ceux qui ont froid il y a des vêtements dans les magasins… Ces produits sont les vôtres ! Emparez vous en !", paroles qui lui valurent d’être arrêté et ensuite une inculpation pour "incitation au pillage" avant de bénéficier le 29 novembre d’une ordonnance de mainlevée.

Le dimanche 7 décembre 1884 il participa à un nouveau meeting des ouvriers sans travail, salle Favié, avec Ponchet, Joseph Tortelier, Émile Digeon, Chabert et Daumast. Lors de la formation de la présidence du meeting, une violente dispute surgit entre blanquistes — qui voulaient imposer Vaillant — et anarchistes — qui voulaient imposer Leboucher. On en vint aux mains et, après une demi-heure de bagarre, Leboucher fut désigné comme président de séance et hissé à la tribune. Les anarchistes dominèrent les débats.

Début 1885, il aurait été selon la police, membre de la rédaction du journal L’Audace.

Le 21 janvier 1885, il participait à la réunions des groupes anarchistes de Paris et de la banlieue, tenue au 39 rue de Montreuil et où il appela à multiplier les meetings de plein air, les considérant comme un excellent moyen de propagande. Dans des réunions ultérieures il demanda que soit nommée une commission pour organiser et centraliser ces meetings et éditer les affiches et prospectus nécessaires.

Les 22 et 23 janvier 1885, Leboucher comparut, avec d’autres (voir Pierre Naudet), devant les assises de la Seine pour son discours du 23 novembre à la salle Lévis. Il fut condamné à deux mois de prison et à 100 francs d’amende. Le 17 janvier précédent, une réunion anarchiste avait été tenue à la salle Renaudin pour se procurer l’argent nécessaire pour retirer du Mont de Piété les vêtements de Leboucher avant sa comparution ; la quête avait produit 10, 50 francs (ou 14, 50 selon d’autres rapports) qui lui avaient été remis. Début février un rapport signalait qu’il était dans une telle misère qu’il avait été obligé de remettre ces vêtements au Mont de Piété. Sans travail depuis plusieurs mois, comme Célinne Thiriot sa femme concierge, “sans les secours qu’il reçoit de différents amis, il crèverait de faim”.

Le 28 janvier, lors de la réunion organisée par le journal Terre et liberté salle Vidal, il avait affirmé que Druelle (voir ce nom) était un agent de la Préfecture de police.

Le 7 février 1885 il fut arrêté avec Louis Murjas près de la Bourse du travail pour avoir distribué des tracts invitant les chômeurs à une manifestation place de l’Opéra. Lors de la fouille la police avait saisi 4 affiches, 212 tracts, un exemplaire du Cri du Peuple et de La Bataille et une brochure intitulée Miroir des électeurs. A son domicile avaient également été saisis des livres et brochures, divers notes et une liasse d’affiches, de programmes et de journaux. Inculpé pour « provocation non suivie d’effet à un attroupement non armé », il comparut le 14 février devant la 8e chambre du Tribunal correctionnel avec Weber, Boiry, Murjas, Launay, Vivier, Ravet, Pierre Martinet, Carnissasso et un Allemand, Albrecht. Pierre Martinet fut condamné à six mois de prison et à cinq ans de surveillance ; Vivier fut condamné à six mois et à 16 francs d’amende pour port d’armes prohibées ; Albrecht fut acquitté ; tous les autres, dont Leboucher, furent condamnés à trois mois de prison. Il fut interné à Mazas (1ere Division, cellule 169) où lors de son arrivée, il avait refusé d’endosser le costume de la prison ce qui lui avait valu d’être passé à tabac et d’avoir la mâchoire brisée (cf. La Bataille, 18 mars 1885). Pendant sa détention il avait demandé à pouvoir recevoir les visites des compagnons Cavalerie, Ritzerfeld, Hénon, Cadolle, Lebollock, les frères Montant et Derues.

En août-septembre 1885 il participait comme orateur aux meetings tenus par les groupes abstentionnistes des XIè, XIXe et XXes arrondissements. Il portait également la contradiction dans les diverses réunions électorales, appelant à “la révolution par les cartouches et non par le bulletin de vote”. Dès sa libération, il avait participé le 9 août, salle Graffard, à une réunion où il avait appelé à “renoncer définitivement aux moyens pacifiques et à adopter les vrais pratiques révolutionnaires, les seules efficaces”.

Le 28 janvier 1886, lors de la réunion organisée avec Louise Michel et Tortelier par les groupes anarchistes de la Seine à la salle des Mille colonnes, rue de la Gaité, il avait notamment déclaré qu’il était “préférable de crever derrière une barricade, le fusil à la main, que de crever ou de voir crever les siens de faim” puis avait fait l’apologie des émeutes des mineurs de Decazeville. Après avoir déclaré que le drapeau tricolore était “une loque que nous devons traîner dans la boue. Ce drapeau est devenu rouge à force d’être trempé dans le sang des nôtres”, il avait revendiqué le drapeau rouge “celui qui est à nous, le seul drapeau de la liberté et de l’humanité”.
En février 1886, aux cotés entre autres de Tortelier, Roussel, Louise Michel, Duprat il participait à diverses réunions publiques organisées par la Jeunesse anarchiste du XXe arrondissement ou par la Commission de secours aux détenus politiques.

Lors de la réunion publique organisée le 11 avril 1886 à Montreuil-sous-Bois par le groupe anarchiste du XIXe Le Combat et les anarchistes de Montreuil, il avait proposé que la quête faite à la sortie soit remise à Charles Gallo (voir ce nom) qui venait d’être arrêté pour un attentat à la Bourse et condamné à 20 ans de travaux forcés.

Selon la police, il était membre à cette époque de la Ligue des antipatriotes.

Le 25 décembre 1886, à l’occasion de l’enterrement de la fille de Louiche, il avait pris la parole pour dénoncer que comme tous les enfants du peuple, elle était morte de faim tandis que “ceux des bourgeois et des exploiteurs crevaient d’indigestion”. Puis il s’était écrié : “C’est pourquoi, le jour de la révolution, il faudra être sans pitié pour la classe bourgeoise et détruire entièrement cette société pourrie ! Vive l’anarchie !”.

Début 1887 il avait été, avec notamment Louiche, l’un des fondateurs de la Chambre syndicale des hommes de peine dont le premier appel était paru dans Le Cri du peuple (28 février 1887) et était ainsi conçu :
“Considérant,
1.Qu’il est urgent pour les travailleurs de se grouper et d’opposer aux forces bourgeoises les forces prolétariennes réunies ; 2. Que pour établir une société égalitaire, les salariés doivent commencer par s’affranchir des préjugés que portent certaines catégories de travailleurs à se croire supérieures à d’autres ; 3. Que tout salarié, quelle que soit sa profession, peine et travaille au profit de la bourgeoisie capitaliste, à laquelle (au détriment de lui même), il fournit rentes et jouissances.
La Chambre syndicale des hommes de peine du département de la Seine invite les travailleurs à adhérer à elle et à lutter énergiquement contre les exploiteurs, oppresseurs et affameurs de toute sorte".
De très nombreux compagnons - dont Murjas, Courtois, Lebolloc, Lucas, Baudelot, Laurens, Pennelier, Duplessis… avaient très vite adhéré à la Chambre qui à la fin décembre 1887 comptait 20 sections à Paris et 2 autres à Montreuil et à Vincennes.

Il aurait également été membre du groupe Ni Dieu, ni maître, fondé vers 1885 et dont faisaient également partie Rollin et Winant. Ce groupe se réunissait parfois passage des Rondonneaux au local du groupe cosmopolite socialiste révolutionnaire indépendant et aussi 47 rue des Amandiers, siège de la Ligue des antipatriotes.

Le 22 janvier 1887, lors d’une réunion organisée par le groupe La Panthère des Batignolles à la salle de la Boule Noire, il avait applaudi à l’acte de Clément Duval, le déclarant conforme aux principes anarchistes, paroles qu’il avait réitérées le lendemain dans la même salle.

Le 30 janvier 1887, aux cotés notamment de Louise Michel, Tennevin, Octave Jahn, Murjas et Tortelier, il avait été l’un des orateurs de la réunion publique tenue salle de l’Elysée Charonne et organisée par le groupe Le Drapeau noir pour protester contre les condamnations à mort de Clément Duval et des sept compagnons de Chicago. Le 27 janvier précédant il était également intervenu à la réunion organisée sur le même thème par le groupe La Panthère des Batignoles à la sale de la Boule Noire

Le 13 mars 1887, lors de la réunion organisée salle Gaucher par le groupe La Guerre sociale pour commémorer l’assassinat du tsar Alexandre II, il avait fait l’apologie de C. Duval, avait revendiqué le droit au vol et avait appelé les anarchistes “nous qui préconisons la destruction de tout ce qui existe, nous devons présenter Duval comme l’une des grandes figures de la révolution et même comme un martyr".

Le 18 mars 1887, il participait à la réunion familiale organisée salle du commerce (94 Faubourg du Temple), par les groupes anarchistes de Paris avec le concours des groupes italiens, allemands, autrichiens et russes pour l’anniversaire de la Commune.

Fin avril 1887, lors d’une réunion au groupe Le Combat, Leboucher s’était vanté d’avoir participé à un déménagement "à la cloche de bois" puis à un emménagement de vive force. Lors de cette action il s’était fait passer pour un commissaire de police auprès du concierge et avait été assisté par les compagnons Sureau, Courtois, Davenne et Rivière. Il aurait été à cette époque membre d’un groupe anarchiste en formation appelé Les Forts.

Il fut alors, semble-t-il, victime d’une machination policière. De fin mai à septembre 1887, après avoir été arrêté dans “un accès d’aliénation mentale” lors d’une réunion à la salle Favié et avoir été transféré à l’infirmerie du dépôt, il fut interné à Sainte-Anne puis à Bicêtre où les médecins indiquaient « accès d’excitation maniaque en partie conditionnée par l’abus de liqueurs fortes et principalement de l’absinthe ». Dès son internement plusieurs réunions, organisées notamment par Lucas et Thomas -ce dernier visita Leboucher à plusieurs reprises à Sainte Anne et envisagea même de venir l’enlever avec d’autres compagnons -, furent organisées pour demander sa libération. Il sortit de Bicêtre, où il avait été transféré, le 17 septembre 1887, et manifesta la volonté de faire campagne contre les conditions terribles faites aux aliénés dans les asiles. Dès le 22 septembre, il était intervenu à la réunion tenue rue Pigalle par les groupes La Revanche des mineurs, les Antipatriotes et les Antipropriétaires, pour appeler à l’organisation d’une réunion publique pour dénoncer “les tortures que subissent les prétendus fous internés à Sainte Anne, Bicêtre et Charenton” et les manœuvres du Préfet de police et du ministre de l’Intérieur pour se débarrasser des révolutionnaires en les internant dans les asiles d’aliénés. Dans les groupes il racontait comment, lors de son internament, des gardiens, après l’avoir attaché, avaient allumé des bottes de foin près de lui, en lui disant : “puisque tu dis que tu veux brûler la propriété, on va commencer par te brûler, toi” ; comment, pendant des heures on l’avait soumis à des douches brûlantes pour le jeter sans transition dans des douches glacées ; où comment, avant les visites, les internés étaient obligés préalablement à boire “une potion opiacée qui rend les yeux hagards et brise toute force " et que de cette façon “on a véritablement l’air d’un fou aux yeux des visiteurs”.
Lors d’un meeting salle du Commerce avec Louise Michel, le 4 mars 1888 en faveur de Cyvoct et de Gallo dont il fit l’apologie, il avait rappelé les outrages dont il avait été victime à l’asile, comment “on lui avait craché dans la bouche et forcé à manger ses excréments” (APpo BA 75).

En 1888-1889, Leboucher témoigna d’un ferme antiboulangisme. Le 27 mai 1888, il prit la parole au côté d’Édouard Vaillant devant le mur des fédérés, lors de la manifestation qui rassemblait les anarchistes et les blanquistes antiboulangistes (voir Lucas). Le 7 juillet 1888, lors d’une réunion du Cercle anarchiste international à la salle Horel, il avait loué “le bel acte individuel” qui consisterait “à brûler la gueule” du Général Boulanger dont l’arrivée au pouvoir ferait reculer de cent ans la république.

À l’époque, il militait toujours au sein de la Chambre syndicale des hommes de peine fondé auparavant avec Louiche qui en avait rédigé les statuts. Au cours d’une réunion tenue le 4 juillet 1888, salle Bourdel, au 236, rue de Belleville, Leboucher précisa le rôle qu’il donnait à cette Chambre syndicale : une association de révolutionnaires toujours prêts à marcher, le terme de syndicat ne devant servir qu’à couvrir l’action anarchiste.

Le 4 mars 1888, lors d’une réunion salle du Commerce, il fit l’éloge de Cyvoct et de Gallo et, le 6 mai dans la même salle, demanda qu’à la première tentative de révolution, on ouvre les portes des prisons aux voleurs “qui sont nos amis, en les engageant à détruire la société."

Leboucher fréquenta régulièrement le Cercle anarchiste international qui, fondé en 1888, était le principal lieu de rencontre anarchiste à l’époque (voir Alexandre Tennevin). Le 12 mai 1889, lors d’une réunion du cercle tenue à la salle Horel, il avait appelé tous les anarchistes "à se rendre soit individuellement, soit avec leurs groupes, bien décidés à faire face à toutes les éventualités" au Père Lachaise pour l’anniversaire de la Semaine sanglante. En novembre 1889, il devait y proposer la reconstitution de la Chambre syndicale des hommes de peine, étiolée entre-temps.

Les 1er et 8 septembre 1889, il participa au congrès anarchiste international qui se tint salle du Commerce, à Paris. Il s’y affirma partisan de la théorie du vol défendue par Devertus et parla de la solidarité dans la société future.

Le 9 novembre 1889, il présida la conférence tenue 102 rue d’Avron par le groupe La Liberté, à l’occasion de l’anniversaire de l’assassinat des compagnons de Chicago. Environ 70 personnes, dont de nombreuses femmes, y avaient assisté et le compagnon Paul Ridou y avait interprété une une chanson d’Octave Jahn alors en prison et pour lequel une quête avait été faite.

A cette même époque, l’indicateur Jean le décrivait ainsi : “Avec Leboucher, nous entrons dans la catégorie des dévoyés ; depuis sa sortie de Sainte Anne, le malheureux a des moments de lucidité. Il dévore tous les ouvrages qui lui tombent sous la main… Doué d’un timbre de voix très éclatante, d’un geste dramatique, il tonne surtout en réunions publiques contre les contradicteurs. Fait étrange, les choses acquises se regroupent très bien dans ce cerveau d’halluciné pendant une demi-heure ; son argumentation est serrée, sa phrase a de l’ampleur, en un mot c’est un tribun. Après c’est une défaillance et il retombe dans la monomanie de la persécution”. (cf. rapport du 16 novembre 1889, APpo BA 1145)

En 1890 il fut arrêté préventivement à l’occasion de la manifestation du premier mai.
Il aurait été le fondateur d’un groupe appelé Les Enfants de Paris, puis renommé Les fils de la terre. Il demeurait alors 16 rue de Romainville où il était concierge.
En mai-juin 1890, il diffusait, notamment à la caserne des Tourelles, le manifeste A l’armée ! destiné aux jeunes conscrits et qui lui avait été apporté de Suisse par un compagnon cordonnier en partance pour l’Amérique.
Parallèlement il fréquentait les réunions de divers groupes dont La Revanche des mineurs, Les Réprouvés, La Courtille où il continuait de développer ses thèses.

Le 19 décembre 1890, au théâtre de la Villette, lors de la représentation de la pièce en 5 actes de Louse Michel La Grève devant environ 350 spectateurs, Leboucher était intervenu à l’issue du premier acte pour appeler à la révolution et au pillage ; Martinet, à l’issue du 4e acte était intervenu dans le même sens. Les policiers chargés de la surveillance de la salle avaient noté que, après chaque acte, étaient entonnés des chansons anarchistes et que des exemplaires du supplément littéraire de La Révolte avaient été distribués gratuitement.

Le 31 janvier 1891, lors de la réunion "Thermidor et les étudiants" tenue salle Jussieu, il avait pris la parole aux cotés de Michel Zévaco, Courtois et Martinet. Il y avait notamment déclaré que les étudiants, fils de bourgeois, étaient “des fainéants, buveurs de bocks et coureurs de femmes… ne vivant qu’avec l’argent provenant du travail du prolétaire”.

En 1891 il demeurait 66 Boulevard de la Vilette. Selon le rapport d’un indicateur, en vue de la manifestation du 1er mai, il aurait constitué - avec notamment Vinchon, Jacquet, Bertrand… - un groupe dont l’intention était de “détourner la manifestation en révolte contre la force armée et entraîner la foule au pillage”. Le 3 mai, lors d’une réunion du Cercle international, il avait été désigné pour se rendre à Fourmies pour y faire de l’agitation suite à la fusillade du 1er mai ; il semble qu’il ait alors dépensé les fonds qui lui avaient été remis pour ce voyage.

Le 16 juillet 1891, il incita les grévistes des chemins de fer “à faire sauter quelques mètres de rail et à miner les viaducs”.

Le 18 août 1891, après avoir été expulsé d’un meeting au Cirque d’hiver, Leboucher, qui à cette époque critiquait la Ligue des antipatriotes, avait fait partie avec Lucas et Millet d’un groupe d’une vingtaine de compagnons qui avaient agressé le député boulangiste Francis Laur dont ils avaient pris la voiture en chasse ; selon les versions divergentes, un coup de feu avait été tiré - par Leboucher selon les uns, par le député, selon les autres - et avait blessé le cocher. Leboucher avait alors été appréhendé avec le cadet des frères Chenal qui fut libéré après que Leboucher l’ait totalement mis hors de cause. A cette époque il participait également aux soupes-conférences organisées par Martinet et aux conférences organisées par le Groupe parisien de propagande anarchiste (voir Portfolio).

Le 22 novembre 1891, à l’issue d’une réunion du Cercle international, il fut arrêté par un gardien de la paix pour avoir crié “Vive l’anarchie ! Mort aux vaches !”, alors qu’il colportait des journaux, et fut l’objet d’un procès-verbal pour "cris séditieux", classé sans suite le 8 décembre suivant.

Le 18 janvier 1892 il avait prononcé au cimetière de Saint-Ouen un hommage à l’ancien communard anarchiste Pompée Viard (voir ce nom).

Dans la soirée du 7 févier 1892, alors qu’il vendait Faubourg du Temple Le Père Peinard et La Révolte, il était une nouvelle fois appréhendé et malgré sa carte de colporteur, était l’objet d’un procès verbal tandis que plusieurs exemplaires des journaux dont il était porteur étaient mis sous scellés.

Le 13 février 1892, aux cotés notamment de Tortelier, Martinet, Tresse et Brunet, il fut l’un des orateurs au meeting tenu salle du Commerce devant 1200 socialistes révolutionnaires et anarchistes pour protester contre l’exécution de 4 compagnons espagnols à Xeres.

A cette même époque, lors de réunions du Cercle anarchiste international de la salle Horel, il accusait Laurens, Baudouin et Baudelot d’être des mouchards et Martinet d’être un agent provocateur.
Selon le rapport d’un indicateur, lors d’une réunion tenue chez Lucas le 18 mars 1892 et à laquelle avaient assisté entre autres Bernhard, Reynaud et Brunet, Leboucher aurait proposé de donner de cours techniques de fabrication de dynamite et de donner une série de conférences dans lesquelles il préconiserait l’emploi des matières explosives.

Le 16 mars 1892, suite à l’attentat de la caserne Lobau, il avait été l’objet d’une perquisition où la police avait saisi une liste d’adresses et de la correspondance de compagnons. Dans les jours qui suivirent, il se vanta d’a&voir été l’inspirateur de l’attentat du Boulevard Saint-Germain.

Le 26 mars 1892, lors d’une réunion, il prôna l’alliance des anarchistes et des catholiques ce qui lui valut le lendemain d’être rossé par les vendeurs du Père Peinard qui l’accusèrent d’être un agent provocateur ; à la sortie d’une réunion à la salle Horel où, semble-t-il, en état d’ébriété, il s’était notamment vanté d’avoir hébergé Ravachol et alors qu’i urinait contre un bec de gaz, il fut arrêté par la police et fut l’objet le 28 mars d’un procès verbal pour "outrage à la pudeur". Lors de son interrogatoire il admit avoir pu croiser Ravachol et Gustave Mathieu dans des réunions mais nia les connaître et pouvoir donner des informations à leurs sujets, ajoutant même que Ravachol avait été mis à l’index suite au procès de Saint-Chamond et que “nous [les anarchistes] sommes tous indignés par [sa] conduite” et “croyons que, si vous ne le prenez pas, vous ferez des arrestations en bmoc, ce qui portera atteinte à nos familles”.
Remis en liberté et sous surveillance, il continua d’être suspecté d’avoir hébergé Ravachol.
Dans le cadre de la vague d’arrestations préventives opérées par le gouvernement après les attentats de Ravachol et à l’approche du 1er mai, il fut arrêté le 22 avril et fut détenu quelques jours à Mazas.
Le 26 avril, il fut cité comme témoin à décharge au procès de Ravachol. Il demeurait alors au 75 Boulevard de La Villette. Lors de la perquisition à son domicile, la police avait saisi diverses adresses et de la correspondance dont une carte postale d’Émile Henry (février 1891) lui demandant de faire une conférence à Levallois.

Le 5 juin 1892, lors de la réunion publique tenue boulevard de Charonne par le groupe La Jeunesse communiste du XXe, il prononça un discours très violent en faveur de la propagande par le fait qu’il termina au cri de “Vive Ravachol !”.
Le 10 juillet suivant, il avait participé à la réunion organisée salle Favié par Le Père Peinard pour protester contre la condamnation à mort de Ravachol. Après notamment J. Prolo, M. Zévaco et Penaud, il avait appelé à faire "usage de la dynamite”.
Début août un indicateur signalait qu’il venait de tirer une centaine d’exemplaires de la chanson Le bon dieu dans la merde.

Le 11 décembre 1892, aux cotés de Murjas, Vivier, Porret, Brunet et Renard, il avait été l’un des orateurs de la soupe-conférence pour "les meurt-de-faim, va-nu-pieds" tenue salle Favié qui, selon les sources, avait attiré de 500 à 3000 participants. Pendant la distribution des soupes, plusieurs compagnons avaient chanté La Marianne, Le Père Duchesne, La Dynamite, Les Pieds Plats… tandis que les mangeurs applaudissaient en criant "Vive la marmite ! Vive Ravachol ! Vive la soupe ! Vive l’anarchie !". Apostrophant les crève-de faim qui “s’il n’ont rien dans le ventre ils n’ont pas plus dans le cerveau”, sinon ils ne seraient pas là à écouter les orateurs, les traitant même de “salops et de vaches”, il avait ajouté : “Ce qu’il faut que vous fassiez, c’est la révolution et alors vous n’aurez plus besoin de venir faire la queue pour une misérable gamelle".,

Le 11 janvier 1893, aux abords du Palais Bourbon, il fut brièvement interpellé pour "refus de circuler" avec 14 autres personnes dont les compagnons J. Dejoux, E. Renard et P. Chabard.
Au printemps il demeurait 45 rue des Couronnes et travaillait comme colporteur du journal L’Intransigeant.

Cette même année 1893, il était allé combattre en août à Amiens la candidature antisémite de Drumont et aurait reçu à cet effet de l’argent de Rotschild. Il s’était présenté dans la première circonscription comme candidat "socialiste révolutionnaire anticlérical".

Elections d’août 1893 à Amiens

Le 3 juin 1893, aux cotés notamment de Jacques Prolo, il avait été l’un des orateurs du meeting tenu salle du commerce pour protester contre la condamnation à mort de Jean Baptiste Foret. Il s’y était plant notamment que l’assistance publique refusait de venir en aide à sa femme infirme et que la police, lors de sa dernière arrestation, lui avait "volé" son révolver. Le 25 juin suivant, avec Tortelier et Brunet, il prenait de nouveau la parole lors du meeting contre la condamnation de Foret organisé à Saint-Ouen par Gallau (père), Etievant et Vauzelle.

Poursuivi pour "association de malfaiteurs" et perquisitionné le 7 mars 1894 au moment des attentats anarchistes, Leboucher fut arrêté et écroué à Mazas. il fut libéré dans la première quinzaine de mai et bénéficiera d’un non-lieu le 26 juin 1895. Leboucher avait été arrêté 27 rue des Couronnes au domicile de sa belle sœur - la veuve Sophie Brégeon avec laquelle il vivait depuis environ deux mois après avoir abandonné sa femme. Cette dernière - à demie-paralysée et souvent battue selon les indicateurs - aurait alors écrit une lettre au commissaire de police de Belleville pour l’informer de la situation et lui demander protection pour empêcher Leboucher de déménager les meubles du couple chez sa sœur. Un rapport de l’indicateur Nemo (9 mars 1894) avait alors proposé d’exploiter cette situation, pour faire “manger le morceau en s’y prenant adroitement” à la femme de Leboucher qui, selon lui, en savait beaucoup sur les activités de son mari. Toutefois un rapport du chef de service, daté du 16 mars, signalait que malgré le fait que Leboucher ait tenté d’imposer à sa femme une sorte de "ménage à trois" et ne lui versait que de très maigres subsides - seuls la charité des voisins et le secours mensuel du bureau de bienfaisance de l’arrondissement lui auraient permis de ne pas mourir d’inanition - toutes les démarches effectués "à l’effet d’exploiter les sentiments haineux qu’elle nourrit à l’égard de Leboucher, en tentant d’obtenir d’elle des révélations concernant la participation possible de Leboucher à des attentats anarchistes sont restées infructueuses”. Elle prétendit notamment ne rien savoir des relations que Leboucher auraient eu avec Ravachol.
Lors de son interrogatoire Leboucher avait déclaré être “depuis deux ans anarchiste indépendant et s’être retiré de tout groupe anarchiste”.

Pendant son incarcération à Mazas, Leboucher écrivit une lettre au Préfet de police pour lui demander de le remettre en liberté arguant que cela faisait 2 ans qu’il n’appartenait plus à un groupe anarchiste, qu’il n’allait dans les réunions publiques que pour vendre des livres et journaux et que “sa femme paralysée et sa belle sœur” se trouvaient “dans la plus grande misère” suite à son arrestation. Dans cette lettre il s’attribuait aussi le mérite "d’avoir sauvé plusieurs fois la vie à des inspecteurs de police dans les réunions où quelque anarchiste les menaçait de leur faire un mauvais parti". (cf.lettre du 15 mars 1894, voir Portfolio).

A sa sortie de prison il continua de vivre avec sa belle soeur au 23 rue du Pressoir (XXe arr.) où était également domicilié le compagnon Jean Louis Alban et où il était l’objet d’une surveillance journalière.

Gustave Leboucher (1894)

Le 3 juillet 1895, alertée par le voisinage ou sur réquisition de la dame Bréjeot qui lui avait demandé de quitter son domicile, la police vint rue du Pressoir arrêter Leboucher qui était en train de la menacer. Après une violente bagarre avec les agents sur lesquels il avait lancé une lampe à pétrole, Leboucher fut maîtrisé, inculpé pour "outrages par paroles, menaces et rébellion aux agents" et emmené au dépôt. Suite à cela il fut condamné le 6 juillet à un mois de prison et incarcéré à Sainte Pélagie. A sa sortie de prison en août, il retournait demeurer rue du Pressoir chez sa belle sœur.

Cette même année 1895, Leboucher rejoignit le « parti individualiste » naissant et, en décembre, organisa avec Pierre Martinet et Eugène Renard une série de réunions publiques sur « la vérité de l’individualisme et l’hypocrisie de la solidarité » et « les heureuses conséquences que produiraient pour tous, dans un milieu de liberté, les actions accomplies par chacun, pour soi-même » et contre la campagne de Barrucand pour "le pain gratuit"…

Reunion avec Martinet décembre 1895

Le 3 janvier 1896 (ou 1897 ?), avec plusieurs autres compagnons dont Pouget, Prost, Musch, Sandrin et quelques espagnols et italiens, il avait participé à une manifestation sur la tombe d’A. Blanqui au cimetière du Père Lachaise.

Au printemps 1896, il était toujours vendeur du journal L’Intransigeant et selon un rapport de police (avril), se tenait “habituellement Place de la Bastille, à l’nedroit où se trouve la tête de ligne des omnibus Madeleine-Bastille. Il porte sur l’épaule une perche avec l’affiche de L’Intransigeant et à laquelle sont suspendus les journaux qu’il met en vente… Il est coiffé de la casquette d’uniforme des vendeurs de L’Intransigeant”.

Dans la soirée du 1er mai 1896, il fut arrêté rue des Couronnes, pour avoir crié à trois reprises “Vive l’anarchie !”. Leboucher se défendit de toute intention délictueuse, expliquant que ses cris étaient destinés à sa femme qui l’accompagnait et à sa joie d’avoir récupérer sa carte d’électeur à la Mairie. Le commissaire de Belleville, estimant qu’il s’agissait plutôt “d’un excès de gaité bachique” ne nécessitant pas des poursuites pour "cris séditieux", le laissa en liberté.

Début août 1896, lors de la manifestation devant la statue d’Étienne Dolet, il avait pris la parole pour nier l’existence de Dieu et appeler à “détruire les capitalistes et les politiciens” plutôt que de “s’occuper à chercher si réellement il y a oui ou non un dieu et un ciel”.

En février 1897 il prenait la parole lors d’une réunion organisée par la Ligue de propagande anti-religieuse.

Au printemps 1898, selon le rapport de plusieurs indicateurs - dont Finot - il aurait émis le désir d’aller à Alger pour s’y opposer à la candidature d’Edouard Drumont comme il l’avait déjà fait autrefois à Amiens. Cette information fut reprise et diffusée par la La Libre parole (24 avril 1898) présentant Leboucher comme ayant été manipulé par les juifs et lui prêtant même des propos antisémites lors de son expérience à Amiens. Elle fut démentie par L’Aurore (24 avril 1898) dont Leboucher était l’un des colporteurs.

Le 25 mai 1898, il fut interpellé et conduit au poste alors qu’il diffusait le premier numéro de L’Etudiant révolutionnaire.

Le 6 mai 1899, lors d’une réunion publique de F. Prost à la salle Delapierre, rue de Charenton, il s’était attaqué à Sébastien Faure qualifié “anarchiste de salon, comme de Pressensé, Yves Guyot et toute la bande dreyfusarde vendue aux juifs”, ajoutant que ce n’était “que par le vol et l’assassinat que les anarchistes pourraient s’emparer de ce que les bourgeois ont volé aux travailleurs”.

Début 1900, les indicateurs signalaient que F. Prost et les compagnons du groupe la Bibliothèque libertaire, avaient décidé de ne plus admettre Leboucher aux réunions qui en état d’ébriété perturbait les conférences. D’autre part de nombreux compagnons se méfiaient alors de lui. A cette époque il déménagea au 34 Boulevard de Belleville, toujours avec sa belle sœur et où il continuait d’être l’objet d’une surveillance quotidienne.

Hospitalisé à Nanterre le 1er septembre 1909, Leboucher y décédait le 8 novembre suivant.


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